Annoncé en grande pompe par Ubisoft en 2023, Star Wars Outlaws a fait couler beaucoup d’encre depuis, et pas forcément pour de bonnes raisons. Il faut dire qu’il y a de l’appréhension à voir Ubisoft prendre en charge une telle saga, alors même que c’est loin d’être la première rencontre entre ces deux entités. Présenté comme un titre d’action-aventure en monde ouvert, on pouvait craindre de se retrouver face à un titre générique sur bien des aspects, reprenant ainsi les codes des Far Cry et autres Assassin’s Creed, mais c’était oublier que derrière ce projet se cache Massive Entertainment.
Généreuse, parfois déroutante, cette nouvelle épopée dans une galaxie lointaine, très lointaine ne va laisser personne indifférent et risque bien de diviser, notamment sur quelques points que certains jugeront fondamentaux, alors que d’autres réussiront à passer outre. Donc après plus de 70 heures à écumer quelques somptueuses planètes dans la peau d’une hors-la-loi qui n’a rien à envier à un certain Han Solo, nous sommes prêts à vous livrer notre test complet de Star Wars Outlaws.
(Test de Star Wars Outlaws réalisé sur PlayStation 5 à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Kay Vess est une jeune mercenaire pleine de ressources ayant grandi tant bien que mal dans les quartiers pauvres de la ville casino Canto Bight de la planète Cantonica. Elle survit de petits larcins, toujours bien aidée par sa boule de poils Nix, un Merquaal, de qui elle s’est entichée et dont les capacités l’aident bien lors de ses cambriolages et autres vols à l’étalage. Rêvant de grandeur, elle entend bien participer à un casse qui lui permettrait de viser plus haut et de s’établir comme une voleuse réputée dans toute la galaxie.
Malheureusement trahie et voyant sa tête mise à prix, Kay va s’embarquer dans une épopée pour regagner sa liberté à coups de crédits en montant le casse du siècle avec l’aide d’un équipage haut en couleur qu’elle aura en charge de monter au cours de ses aventures.
Une galaxie pas si lointaine
Se déroulant entre L’Empire contre Attaque et Le Retour du Jedi, Star Wars Outlaws est le parfait petit spin-off pour passer de nombreuses heures dans un univers chéri par beaucoup. En résumé, il s’agit là d’une sorte d’Ocean’s Eleven spatial qui nous demande de recruter une équipe dans quelques mondes pour faire un joli casse. Rien de bien épique ici, car si la toile de fond d’une guerre galactique entre l’Empire et l’Alliance Rebelle est bien présente, que l’on en ressent les effets en jeu, qu’on les voit même, on n’en est que très peu impliqué.
Pas de Jedi, pas de grandes batailles qui décident du sort de la galaxie, non, Outlaws nous dépeint avant tout l’envers du décor des syndicats du crime qui entendent tous assoir leur domination sur l’autre. Magouilles, coups bas, trahisons et autres choix sans bonnes solutions sont donc au programme de cette sympathique aventure qui se suit avec un plaisir certain. Le titre se veut plus léger que ce à quoi on a eu le droit avec la saga Jedi de Electronic Arts dernièrement, sans pour autant que ses enjeux tiennent du néant.
On croise aussi des têtes et lieux connus, via parfois des easter eggs franchement réussis au passage, et si l’épopée est plaisante, dommage alors que le dernier acte qui essaie d’insuffler un souffle plus épique, reste à notre sens le moins bon à cause d’un twist banal et l’apparition d’une figure culte qui n’a pas sa place ici. De manière générale, aucun personnage ne tire son épingle du jeu, même Kay est très en retrait, bien qu’étant la plus développée du casting, elle n’est pas assez actrice des événements, les subissant la plupart du temps.
Les seconds couteaux manquent de personnalité, hormis ND-5 et Nix, qui jouit d’une vraie personnalité attachante, alors que le grand vilain s’avère aussi creux qu’un puits sans fond. Dommage, car ce n’est pas à l’image du reste de l’univers qui est une véritable réussite.
Mon univers impitoyable
La construction même de l’univers d’Outlaws s’appuie sur ce que Disney a fait de meilleur ces dernières années dans ses séries et films. On pioche dans différentes adaptations pour apporter continuité à l’ensemble transmédia de la saga. Solo, Andor, les trois trilogies cinématographique et The Mandalorian sont autant d’inspiration dont Massive tire le meilleur.
Le studio a clairement réfléchi son jeu comme la représentation de plus de quarante ans de Guerre des Étoiles. Pour tout dire, aucun jeu de la licence nous a paru aussi immersif, tant il est d’une richesse visuelle folle. Chaque planète que l’on visite est un bijou de conception à la direction artistique léchée et aux biomes uniques, et on est littéralement happé dans cette galaxie pourtant si connue aujourd’hui et qui continue de nous dépayser avec une aisance hallucinante.
Des mondes, nous en verrons cinq en tout et pour tout. Akiva et sa jungle luxuriante, Tatooine et son désert aux mille dangers, Toshara et ses vastes plaines printanières, ainsi que les villes de Kijimi et dans une moindre mesure Canto Bright. Sans faire dans la démesure avec son monde ouvert, Massive a plutôt opté pour essayer de le rendre le plus crédible et détaillé possible, ainsi, il s’en dégage un réel sentiment de vie et d’authenticité.
Et cela sans parler de la claque visuelle qu’est Outlaws avec ses panoramas incroyables, sa diversité des paysages, ses cycles jour/nuit et météorologiques, sa multiplicité d’aliens, ses orbites spatiales magnifiques, le tout formant probablement ce qui s’est fait de mieux dans un jeu vidéo de la franchise depuis bien longtemps. Cependant, et malgré le Snowdrop qui fait merveille, on n’évite de trop nombreux bugs en tout genre qui viennent quelque peu briser l’imersion et influe aussi sur l’expérience de jeu, en espérant que cela soit patché prochainement.
The Starfather
Mais on le redit, Star Wars Outlaws n’est pas une énième itération nous impliquant dans une guerre intergalactique, il s’agit là de l’histoire d’une hors la loi qui tente de naviguer le plus aisément possible dans un univers dans lequel les syndicats du crime font la loi. On retrouve alors les Hutts, l’Aube Ecarlate ou encore les Pike et le Clan Ashiga, pour citer les principaux, et chacun a sa façon de fonctionner.
Factuellement, cela se traduit assez simplement en jeu. Sur chaque monde, plusieurs d’entre eux se partagent des zones, des territoires, et notre entente avec ces derniers, sont la traduction de nos choix et nos actes envers eux.
Pour mettre tout ceci à l’image, il fallait aussi repenser l’ambiance habituellement très épique et fantaisiste d’un Star Wars pour la tourner vers quelque chose qui se rapproche plus d’un film traitant de la Mafia. Sans aller jusqu’au Parrain ou Scarface, Outlaws puise ses inspirations dans toutes sortes d’œuvres, allant du polar au western, en passant par le film d’espionnage, tout en y appliquant une légèreté propre à l’univers créé par Lucas. C’est sombre, mais pas trop, c’est violent sans excès, c’est en résumé du vrai Star Wars qui présente un de ses côtés, méconnu pour une grande partie du public.
Et que serait tout cela sans un réel travail sur l’ambiance visuelle. Massive a accompli un travail d’orfèvre sur la tangibilité de ce qui nous est montré. Cela passe par la présence de spatioports, de cantinas, de villes et villages, de stormtroopers qui patrouillent dans les rues, de discussions ou d’actions de PNJ que l’on surprend, d’attaques de pirates alors que l’on navigue tranquillement dans l’espace, tout ceci sert le jeu, son propos et son atmosphère.
Sabacc !
Et Massive n’y est pas allé de main morte non plus pour ce qui est du contenu même de son jeu. Il y a largement de quoi faire et voir. Comme le démontre les très nombreux mini-jeux qui trouvent leur apogée avec le jeu de cartes appelé Sabacc (introduit dans le film Solo) et qui nous a passionné tout du long avec son système de triche bien pensé. Tout ceci s’accompagne de quêtes annexes et de faction qui, pour ces dernières, sont des contrats (contrebandes, mises sur écoute, cambriolages, ect.) permettant d’améliorer notre réputation auprès de tel ou tel syndicat.
Ceci a son importance, car en fonction de nos actes on peut au choix être bien vu ou mal vu, voir être neutre. Cela nous prive l’accès ou non à certaines zones, au stock de certains marchands, ainsi qu’au prix d’achat, et si on ne fait pas gaffe, on peut aussi se retrouver avec des chasseurs de primes aux fesses.
Ce système est bien pensé et ajoute une touche un peu « outlaws » justement à l’expérience puisque l’on peut trahir et faire des coups bas à notre tour, en plus d’apporter un vrai but à nos interactions avec les différents syndicats. Mais, il est très, voire trop simple de remonter sa réputation auprès d’un syndicat mécontent et on aurait aimé que cela influe plus sur l’histoire même du jeu. Une limite au système qui entend se voir plus développé dans une potentielle suite, car l’idée est bonne.
En ce qui concerne le reste, on est sur de l’open world tout ce qu’il y a de plus classique. Avec nombre de trésors à trouver, de places fortes de faction ici et là, de zones dirigées par l’Empire et qui abritent bien souvent de grands complexes dans lesquels s’infiltrer, et tout un tas d’événements aléatoires qui apparaissent ici et là lors de nos voyages, même s’ils ont tendance à se répéter.
Néanmoins, l’exploration se veut dans l’absolu anti-mécanique, car pas de carte points d’interrogation ici, non, l’on doit découvrir les secrets par nous-mêmes. On peut d’ailleurs se faciliter un peu la vie en récupérant des informations en espionnant des conversations, ou en trouvant des data pad, qui nous donneront des indications succinctes sur une zone abritant un objet en particulier. La map est aussi un renfort de poids, car son étude aide à déceler des grottes ou autres irrégularités qui pourraient nous mener tout droit vers un objet de grande valeur.
Alors, on parle là d’items pour upgrader son speeder, son vaisseau ou encore son armement, mais aussi de tout un tas de cosmétiques pour Kay et ses moyens de locomotion. Même notre petit Nix a le droit à ses effets personnels de customisation, et si on ne peut éviter le syndrome du « je veux tout trouver quitte à m’écarter un peu trop de la trame principale », il faut avouer qu’on se prend vite au jeu et que l’on ne s’ennuie jamais. Surtout que nous ne faisons là qu’effleurer la surface.
Kay shot first
Malheureusement, toutes ces bonnes choses sont amoindries par ce qui est pour nous le gros point noir du jeu, à savoir sa boucle de gameplay. Car, si l’exploration et l’univers fonctionnent, on regrette néanmoins que les quêtes ne soient pas plus trépidantes. Parce que c’est bien beau de nous présenter des mondes incroyablement détaillés et fourmillant de vie, si c’est pour au final nous pondre un gameplay assez brinquebalant.
Que ce soit la grimpette, les gunfights ou l’infiltration, rien n’est véritablement satisfaisant. La plateforme est trop sommaire, parfois buggée et répétitive, les échanges de tirs annihilés par une IA désastreuse, même constat pour nos tentatives d’infiltration.
L’IA tient d’ailleurs une grande part de responsabilité dans ce qui ne va pas, mais pas que, puisque cette fameuse boucle n’évolue que trop peu, les possibilités que l’on a en début d’aventure sont souvent bien les mêmes qu’en toute fin. Massive n’ayant pas réussi à se renouveler, ni même à nous pondre des boss intéressants, si ce n’est un seul d’entre eux. Petit point sympathique, l’expérience est personnalisable à l’envie grâce à de très nombreuses options disponibles (ATH, FOV, aides et indicateurs visuels divers, etc), assez rare pour être souligné.
C’est assez plat dans l’ensemble, sachant aussi que les dogfights, tout à fait appréciables pour le coup, ne parviennent pas à insuffler suffisamment d’épique pour que l’on soit autant happé par le gameplay que l’on est par le reste. Surtout que les orbites des différentes planètes sont assurément magnifiques, et nous prendrons en exemple la nébuleuse aux portes de Kajimi, mais là encore cela tient plus de l’application avec laquelle Massive a construit son univers.
Le jeu brille alors avant tout par ses visuels, sa bande-son impeccablement orchestrée, que par ce qu’il nous demande d’accomplir. Les objectifs ayant aussi tendance à se répéter, puisqu’on nous demande quasi constamment de pirater des terminaux ou de dénicher objets et informations, au travers de mini jeux un brin gavant à longue.
Tout était là, et pourtant la mayonnaise ne prend pas complètement, laissant un arrière-gout amer. Il ne suffit pas de piocher dans les codes de différents gameplay pour les maitriser et c’est une leçon à retenir pour la suite, si suite il y a.
Et cela même si la liberté d’approche est grisante, et que les options à notre disposition pour régler telle ou telle situation sont nombreuses. On peut s’aider de Nix par exemple, qui est un véritable couteau suisse ayant plus d’une corde à son arc pour nous épauler dans de nombreuses situations. On peut même se la jouer infiltration à l’ancienne en trouvant des chemins dérobés ou encore y aller frontalement et utiliser sa jauge d’adrénaline pour aligner jusqu’à un nombre défini de cibles en un clin d’oeil, à l’instar de Red Dead. Mais rien n’y fait, cela ne fonctionne pas sur la durée.
La bonne surprise se situe elle au niveau du système mis en place pour l’évolution des capacités de notre personnage. Pas d’arbres de compétences, mais des experts en leur art qu’il faut trouver et qui vont nous apprendre les ficelles du métier. Chacun ayant des particularités propres, il faut pour gagner de nouvelles habiletés répondre à des demandes qui sont liées à nos actions. Par exemple, aveugler tant de gardes, abattre un nombre défini de vaisseaux ennemis, pirater parfaitement un nombre donné de terminaux ; en somme, on apprend en exécutant.
Star Wars Outlaws est imparfait, mais est tout ce que l’on attendait de lui aussi. Une véritable lettre d’amour à un univers si particulier qui traverse les âges sans prendre une ride. Immersif, généreux, blindé de bonnes idées, il souffre de défauts qui auraient pu être évités et qui l’empêche probablement de se hisser au rang des meilleurs jeux d’action-aventure de la génération. Néanmoins, il possède aussi des forces qui parleront aux fans de la saga et qui le rendent ainsi tout simplement indispensable pour ces mêmes personnes.
Massive a su capturer l’essence de la licence et la retranscrire à l’écran, tout en lui apportant une touche assez inédite qui nous plonge dans un pan de l’univers qui est bien trop souvent survolé d’habitude, et rien que pour cela, Outlaws vaut largement le détour.