Y a-t-il encore besoin de présenter Josef Fares ? Avec sa société Hazelight Studios, il est à l’origine des deux ovnis A way out et It Takes Two et aujourd’hui il remet le couvert avec Split Fiction. Toujours dans la tradition de ses deux précédentes créations, cette nouvelle aventure est une expérience purement coopérative qui entend bien bousculer à sa manière le monde du jeu vidéo. L’univers carcéral, le cocon familial et aujourd’hui la science-fiction mêlée à la fantasy, la nouvelle création de Josef Fares se montre plus ambitieuse et sans trop en dévoiler en préambule, c’est tout Split Fiction qui semble être atteint de ce syndrome.
Mais après le succès de It Takes Two, la formule Hazelight Studios a t-elle encore quelque chose à apporter ? Split Fiction est-il le nouveau standard de la coopération et de la narration par le gameplay ? Ou est-ce une expérience au mieux sympathique qu’on aura tôt fait d’oublier une fois terminée ?
(Test de Split Fiction sur Playstation 5 réalisé à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Un pitch de départ simple mais qui va a l’essentiel
Dans un futur plus ou moins proche, la technologie a fait un sacré bond en avant. Il est désormais possible de sonder les esprits grâce à une machine expérimentale pour en sortir les idées les plus brillantes. L’homme à l’initiative de cette création se nomme Rader et le riche industriel invite quelques auteurs novateurs dans son entreprise en leur promettant un contrat d’édition pour la publication d’un premier ouvrage. Mais la réalité n’est peut-être pas celle vendue par Rader. C’est ce que vont découvrir bien malgré elles nos héroïnes, Mio et Zoé.
La première, une jeune femme froide et sûre d’elle, a pour ambition de publier l’un de ses écrits de science-fiction. La seconde est une femme solaire et rigolote qui s’occupe l’esprit et les mains en écrivant des œuvres de fantasy.
Qu’il s’agisse de leur genre de prédilection ou de leur tempérament, presque tout oppose Mio et Zoé. Et pourtant, suite à un petit accident, les deux jeunes femmes se retrouvent dans un univers partagé, influencé par les thématiques chères à chacune. Les protagonistes vont devoir parcourir leurs créations pour espérer se libérer de la machine extractrice d’idées. Avec cette machine, Josef Fares tente d’amorcer un discours sur les influences néfastes de l’utilisation de l’IA générative, mais également sur le vol de propriété intellectuelle. Un développement simple mais qui fait mouche.
En parcourant les différents niveaux issus de l’imaginaire des deux jeunes femmes, vous devrez vous mettre à la recherche des failles. Des passages qui permettent aux héroïnes de changer de dimension et d’univers et peut-être que l’une d’entre elles pourraient leur permettre de rentrer chez elles ?
La simplicité inhérente à ce début de partie tend à se complexifier par la suite. L’aventure de Mio et Zoé sera ponctuée de passages par des niveaux annexes qui, en plus de proposer toujours plus de variantes d’univers de science-fiction et de fantasy, permettront d’en apprendre plus sur les motivations de nos héroïnes mais également sur leurs blessures et leurs parcours de vie. Sans trop en dévoiler, nous avons été agréablement surpris par le développement des personnages qui vont apprendre à se livrer et à se faire confiance malgré les actions de Rader.
Un voyage dimensionnel riche en possibilité
Vous l’aurez compris, le cœur du jeu se situe dans les différents déplacements opérés entre les dimensions créées par nos héroïnes. Ces déplacements occasionnent des découvertes originales et un émerveillement constant : une cité médiévale grouillant de trolls, une cité futuriste au trafic routier aérien ou encore une forêt enchantée à l’écosystème coloré et étrange. Split Fiction est un platformer d’aventure qui vous demandera d’avancer dans ces différents mondes à l’aide d’un combo de touches des plus simples : saut, dash et pouvoir. Avec cela en main préparez-vous à être secoué et balancé entre tous ces univers !
Chaque niveau alterne entre science-fiction et fantasy, et au sein des différents mondes, vous aurez la possibilité d’accomplir, ou non, des missions annexes. Prenant la forme d’un petit portail, l’entrée dans ces histoires se fait immédiatement et l’on vous propose de parcourir des niveaux relativement courts issus de l’imaginaire de Mio ou Zoé. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ces histoires et niveaux transpirent la folie et démontrent une réelle maestria créatrice.
Vous passerez d’un niveau où vous incarnez des cochons (dont l’un peut voler grâce à ses flatulences), à une course en cerf-volant, puis à un niveau entièrement dessiné sur papier et réimaginé au fur et à mesure de votre avancée grâce à la voix et au crayon de Zoé ou encore à un niveau shoot’em up à bord de camions volants… Votre cerveau va-t- être en constante ébullition et nous sommes prêts à parier qu’au moins une de ces incursions vous arrachera une expression de surprise, de joie ou même d’interrogation face aux créations de Josef Fares et de ses équipes.
Rares sont les jeux proposant autant en aussi peu de temps. Pour certains le voyage pourra être déstabilisant, voir too-much. Pour d’autres, la proposition soufflera un air de nouveauté plus que bienvenu dans le paysage vidéoludique actuel.
Un gameplay aux multiples facettes et à la portée de tous
Dans Split Fiction, chaque voyage dans une nouvelle faille sera pour vous l’occasion d’expérimenter une nouvelle boucle de gameplay. L’aventure reste, dans ses grandes lignes, un pur platformer, mais plusieurs petits ajouts viendront pimenter, complexifier et réveiller vos promenades entre les dimensions.
Les univers propres à la fantasy vont demander de la dextérité et de la réflexion. Les différents ajouts permettent, par exemple, aux joueurs d’accéder à différentes plateformes et/ou mécanismes. Dans un des niveaux, Mio a le pouvoir de se transformer en poisson pour aider Zoé à franchir des étendues d’eau, alors que la belle blonde peut abaisser des plateformes en se changeant en arbre. Et cette partie de l’aventure ne dure, montre en main, qu’une heure.
À chaque changement, les pouvoirs et situations font de même. Planer à l’aide d’un bébé dragon sur votre dos, tir à la mitraillette du futur, QTE pour affronter un singe en battle de breakdance ou encore course poursuite en moto alors que le passager doit répondre à un test capcha sur un smartphone… Les possibilités sont quasi infinies et l’ennui est une donnée qui ne fait pas partie de l’équation Split Fiction.
Et comme presque tous les jeux de Josef Fares, il est impossible pour vous de le parcourir en solo. Prévenez donc votre acolyte préféré en local mais aussi en ligne grâce au buddy pass inclus, car l’expérience est décidément un immanquable de cette année. Pour l’anecdote, la personne ayant parcouru de bout en bout le jeu à nos côtés n’est pas habituée aux jeux vidéo, et pourtant l’aventure a pu être faite sans déplaisir et sans problème. Une preuve de plus que l’accessibilité est une donnée importante pour Hazelight et Fares. Une expérience marquante et à la portée de tous et toutes !
Un expérience forte mais pas sans défauts
Mais Split Fiction comporte tout de même quelques minimes défauts importants à souligner. Rien de bien alarmant, mais cela a parfois pu entacher notre plaisir de jeu lors de certaines séquences.
Lors de la mort d’un des deux personnages, il n’est pas rare de réapparaître durant le saut de votre collègue vous faisant alors instantanément mourir à nouveau. Cette mauvaise gestion des respawns peut causer plusieurs fois de suite la mort de votre personnage, alors que votre partenaire poursuit sa course vers l’avant. De même, lors de certains combats de boss, la réapparition peut vous placer sous l’ennemi ou tout simplement sur sa trajectoire, ne vous laissant donc pas le temps de réagir.
Autre petit problème passager, lors de certaines séquences le split-screen disparaît pour ne vous laisser que sur un seul et unique écran. Cette mise en scène s’accompagne d’un placement de caméra pour le moins handicapant. En effet, nos personnages sont tellement loin qu’il nous est difficile de différencier nos héroïnes ou même le chemin à emprunter. Dans ces cas-là une grande dose de chance et de sauts au hasard sera de rigueur.
Split Fiction est bel et bien la surprise annoncée. Mieux encore, c’est un jeu d’une richesse folle, une aventure à partager qui a énormément de coeur et de choses à apporter au monde du jeu vidéo. Habitué du dixième art ou non, vous devez vous plonger dans l’aventure Split Fiction aux côtés de Mio et Zoé. Sa boucle de gameplay évolutive, son scénario simple mais touchant, ses bonnes doses de rires et surtout sa dimension collaborative qui nous rapproche, tout comme les caractères opposés de nos héroïnes du jour.
La nouvelle proposition de Josef Fares est une véritable leçon de game design et d’écriture. Il en ressort le témoignage d’amour sincère pour le médium et pour les joueurs, mais surtout pour la création au sens large.