La bande dessinée et le jeu vidéo font souvent bon ménage. On pense volontiers aux jeux dont l’esthétique a été pensée en étroite collaboration avec des artistes, et un peu moins aux adaptations bancales d’albums franco-belges, souvent ratées, qui misent avant tout sur une notoriété mal digérée.
Mais aujourd’hui, on parle de Sol Cesto, développé par l’indépendant Géraud Zucchini et illustré par Chariospirale, auteur de bande dessinée. Le jeu vient de lancer son early access après un passage remarqué au dernier Steam Next Fest, déjà couronné par deux récompenses.
(Test de Sol Cesto sur PC réalisé à partir d’une version en accès anticipé fournie par le développeur)
Le panier du soleil et la marmite à pièce
Rogue-like de manipulation du hasard, Sol Cesto repose sur une idée aussi simple qu’efficace. On fait face à une grille 4×4. Cliquer sur une ligne nous projette sur l’une de ses quatre cases, de manière aléatoire. L’objectif étant de survivre en évitant les ennemis trop puissants et, si possible, rafler quelques trésors au passage.
Les règles de combat tiennent en une ligne : si notre personnage possède une statistique de Force ou de Magie égale ou supérieure à celle du monstre, on l’élimine. Sinon, on encaisse la différence en points de vie. Évidemment tous les moyens sont bons pour contrôler au maximum ce hasard, que ce soit des modificateurs de % de chances, des objets ou des effets bonus permanents.
On choisit un héros et en avant l’aventure, chacun possède un petit talent sympathique et un pouvoir à utiliser qui module encore un peu plus notre façon de manipuler le destin mais également des statistiques de base en force et en magie, les deux types de monstres qu’on croisera dans le donjon.
Le concept est poussé assez loin pour qu’on ne se lasse pas trop vite. Tous les monstres ne se comportent pas de la même manière : certains se contentent d’être de simples murs de stats à contourner, tandis que d’autres viennent régulièrement vous voler vos précieux coffres, changent leur affinité (force ou magie), montent en puissance au fil des tours… et plus encore. Cette variété fait le sel de Sol Cesto, qui évite soigneusement de tomber dans une routine paresseuse. Rien n’est jamais acquis, et les situations s’enchaînent sans jamais trop se ressembler.
Cela n’empêche pas quelques frustrations, forcément inhérentes au genre : on peut dérouler toute une run avec un alignement parfait des astres, puis se faire faucher sans ménagement dès les premiers tours de la suivante. Mais c’est là aussi toute la force du jeu : un concept limpide, rapide, et mentalement assez stimulant pour qu’on relance sans réfléchir une énième partie.
De même, le système de méta progression repose exclusivement sur l’or récupéré pendant les runs… encore faut-il réussir à en ramener vivant. Régulièrement, le jeu nous propose de déposer des pièces dans une marmite magique qui remontera à la surface si tout se passe bien. Enfin, « si tout se passe bien », ça signifie souvent renoncer à un achat vital chez le marchand, et donc se mettre délibérément en danger pour gratter un peu de progression.
L’idée est franchement maligne, mais elle peut aussi se retourner contre le jeu : la progression reposant uniquement sur cette mécanique, on se retrouve parfois à sacrifier volontairement une run juste pour remonter un maximum d’or. Un petit dilemme moral façon « avancer ou survivre », mais qui peut aussi finir par rendre certaines runs un peu mécaniques.
Le meilleur dessinateur de tous les temps
Sol Cesto est artistiquement clivant. On l’a trouvé superbe, mais on comprend que tout le monde ne tombe pas forcément sous le charme. Quoi qu’il en soit, il faut bien admettre que le travail fourni est déjà colossal, et promet encore de belles évolutions à l’avenir. Les interactions entre les objets, les petits effets contextuels qu’on déclenche parfois sans même s’en rendre compte, la lisibilité des monstres (une posture suffit à comprendre si on a une chance de les vaincre) : tout est pensé pour que le joueur reste engagé, sans se sentir perdu dans l’aléatoire. Le polish général est plus que satisfaisant, et ça se sent dès qu’on enchaîne les sessions.
Le seul vrai bémol, à l’heure actuelle, concerne le contenu. Comptez à peine 3 ou 4 heures pour débloquer l’intégralité des améliorations, voire moins si la chance est avec vous.
Et même si chaque personnage propose une approche de jeu différente, tous ne sont pas aussi engageants. Le Paysan, par exemple, n’a aucun pouvoir particulier (héritage de son statut de personnage de départ), ce qui donne surtout l’impression de passer à côté d’une mécanique plutôt que de vivre une expérience “brute”. Quant à la Guerrière et au Chevalier, leurs capacités se ressemblent un peu trop pour réellement bouleverser une run.
Jouer à Sol Cesto est simple, engageant et addictif. Autrement dit élégant. Avec sa mécanique unique tourné sous une foultitude d’angles, le jeu engage régulièrement le joueur dans une réflexion, un problème qui se pose rapidement et se résout tout aussi vite.
Nous ne pouvons cependant pas faire l’impasse sur le format d’early access du jeu. Si celui-ci nous promet une mise à jour par mois, il faut bien se rendre à l’évidence : le contenu proposé à la sortie est un peu maigre. Nous modifierons évidemment cette conclusion si la promesse se concrétise mais il nous semble plus juste de tester l’état actuel du jeu et non ce qu’il deviendra dans quelques mois.
Pour une dizaine de pièces d’or à conserver dans votre marmite, Sol Cesto est cependant un investissement que nous vous conseillons vivement si le genre vous intéresse.