Premier jeu du studio Enigami, Shiness: The Lightning Kingdom est né d’une rencontre entre artistes et public. En effet, le jeu n’aurait pu voir le jour sans la contribution du public sur la plateforme de financement participatif Kickstarter, qui leur a permis d’engranger près de 139 000$. Avec cet argent, et une bonne dose de passion que ce soit pour les jeux vidéo ou l’animation, les créateurs nous proposent donc leur bébé après des années de travail. La question est désormais de savoir si Shiness: The Lightning Kingdom remplira les attentes des joueurs qui patientaient afin de se ruer dessus.
Bienvenue sur les météoras
L’intrigue de Shiness: The Lightning Kingdom peut être brièvement résumée comme suit. Chado est un Waki, provenant de la météora Kimpao (sorte d’immense continent flottant dans l’espace). Lui et son ami Poky partent de Kimpao afin de retrouver les Terres de Vie après que Chado a été appelé par une Shiness, un esprit de Shi. L’aventure débute lorsque Chado et Poky se crashent sur la météora Gendys, un crash qui les mènera vers une aventure riche et palpitante. Une intrigue simple, certes, mais qui aura évidemment son lot de rebondissements et de mystères. Ce scénario n’est pas sans rappeler les intrigues de la plupart des shonen manga : un jeune garçon, suite à une promesse, décide de partir sur un bateau pour devenir le Roi des Pirates ; un autre, rejeté par son village ninja, décide qu’il deviendra un Hokage surpassant les autres ninjas. Ici, Chado ne souhaite qu’une chose : retrouver sa mère disparue, et c’est pour cela qu’il se lancera dans la quête des Terres de Vie, sorte de St-Graal pour quiconque les trouve.
L’histoire de Shiness: The Lightning Kingdom se déroule dans un univers merveilleux, conçu autour d’une esthétique médiévale-fantastique. Les villages, et notamment le village de Mantara, réussissent à nous plonger dans une dimension onirique où une ville entière peut tenir sur le dos d’une gigantesque créature. Les aéronefs, des bateaux volants permettant de passer de météora en météora, nous rappellent les vaisseaux de La Planète aux trésors. Quant au Shi, une énergie élémentaire qui possède son côté obscur, il nous rappelle évidemment la Force de Star Wars et certaines références énoncées par des personnages nous ramènent à ce concept. L’univers est ainsi là pour charmer le joueur et rendre son voyage à travers le jeu plus palpitant et intéressant, un voyage qui vous fera passer de forêts lugubres aux sommets de montagnes enneigées.
Les personnages, wakis, chelks ou humains, sont pour la plupart soit attachants, soit charismatiques, soit les deux. Parmi les cinq personnages de votre équipe, aucun d’entre eux ne vous donne envie de vous tirer une balle et ils ont tous un certain charme. Les personnages secondaires et les « méchants » possèdent eux aussi, pour la plupart, un charisme qui donne envie de s’intéresser à eux et à leur histoire. On voit aussi apparaître des stéréotypes de personnage, comme par exemple Ayron, le méchant vraiment méchant, Irys, la meneuse au tempérament chaud, ou encore Rosarys, la cheffe calme et réfléchie.
Un soupçon de passion
Comme expliqué précédemment, Shiness: The Lightning Kingdom fourmille de références à l’univers geek, avec de nombreux clins d’œil à des jeux vidéo et une singulière touche de mangaka. Tout d’abord, la plupart des cinématiques sont réalisées via des planches de comics/mangas, ce qui donne un véritable cachet à l’ensemble du jeu. Dans la direction artistique, on retrouve des animations issues ou inspirées d’animations japonaises, ce qui montre toute la passion des développeurs pour les mangas. Le personnage de Rosalya ressemble trait pour trait au personnage de Sakura dans Naruto et les météoras nous font penser au Château dans le ciel d’Hayao Miyazaki. Ces références contribuent à l’humour, aussi fortement présent dans Shiness: The Lightning Kingdom.
Le jeu vous fera également beaucoup penser à d’autres jeux vidéo. Par exemple, une quête secondaire nommée « Attrapez-les tous » vous sera donnée suite à un dialogue ressemblant trait pour trait aux premières lignes de discours du professeur Chen dans Pokémon Rouge, Bleu & Jaune. Les décors et certaines mécaniques de jeu ne sont pas en reste : les points de sauvegarde redonnant PV et points de Shi et de Tension lorsqu’on leur parle m’ont, personnellement, fait penser à Final Fantasy X. Pareillement, les « contrats » et le système de « Soutien » m’ont renvoyé à Final Fantasy XII, par leur similitude avec les contrats et les gambits présents dans ce dernier. D’autre part, la grande Plaine de Gendys peut faire penser à la Plaine d’Hyrule, dans The Legend of Zelda. Toutes ces références amusantes sont autant de clins d’œil du développeur adressés au joueur et lui permettront de ne pas se sentir trop dépaysé.
Une dose de bonne direction artistique
Il n’y a pas de doute, l’aspect graphique du jeu lui donne un véritable cachet. Le dessin rappelant les traits d’un manga permettent de retrouver la passion du créateur que nous mentionnions précédemment. Les couleurs sont bien choisies et permettent au jeu d’instaurer l’ambiance, tantôt chaude et rassurante, tantôt noire et oppressante. Les seules déceptions vont du côté du manque de détail qui chagrine parfois, ainsi que l’effet de flou en arrière-plan qui perturbe le regard.
Niveau musical, Shiness nous régale. Les musiques sont vraiment magnifiques et collent avec l’ambiance générale. Mention coup de cœur pour le combat contre le boss final, dont l’accompagnement sonore m’aura vraiment fait vivre l’intensité du combat. Il ne me reste plus, désormais, qu’à aller commander l’OST de Shiness: The Lightning Kingdom qui nous maintient dans son univers.
Une route irrégulière en Gendys
Shiness: The Lightning Kingdom nous a régalé de son univers, mais son gameplay n’est pas excellent pour autant. Par exemple, le système de combat repose sur les caractéristiques de chaque personnage bien entendu, mais aussi sur le talent du joueur. En effet, il est possible d’attaquer, d’user de techniques, de magie (appelé Shi), d’esquiver, de contrer, de se déplacer… Tout ceci permet une dynamique beaucoup plus évoluée qu’un simple RPG au tour par tour et le système d’arène, changeant de type de Shi au bout de quelques secondes, ajoute une dimension stratégique afin de se défaire de ses ennemis. Mais, dans un contexte aussi stratégique, la réaction du jeu est parfois trop lente, ce qui peut être rageant lorsqu’une action ne se déclenche qu’une demie-seconde après avoir appuyé sur le bouton. Cependant, le menu du jeu est extrêmement complet. Fiche des personnages, gestionnaire d’équipe, d’objets (consommables, montures ou auxiliaires), d’équipements, de Shis, de techniques et de soutiens : tout le menu permet d’accéder à ce qui peut et doit être manipulable dans un RPG.
En outre, l’exploration, c’est bien, mais les quêtes en abusent peut-être un peu trop. Lorsqu’un personnage d’une quête secondaire vous demande d’aller à l’autre bout de la carte simplement pour emmener un objet à un autre PNJ, puis de revenir vers lui pour terminer la quête, on se demande où peut être le divertissement dans cette mission. Pareillement, il y a peu de quêtes secondaires ayant une réelle liaison avec l’intrigue principale, ce qui est dommage avec tous les mystères autour des Shiness et des Terres de Vie.
La durée de vie de Shiness est par ailleurs beaucoup trop courte. Ayant fini l’intrigue principale, et en ayant fait une bonne partie des quêtes secondaires et des contrats, nous arrivons à vingt-cinq heures de jeu. C’est peu et, là où s’arrête l’intrigue, on a du mal à croire que les créateurs ne pouvaient pas faire un peu plus afin de nous faire profiter encore un peu de l’expérience. Pareillement, les énigmes réalisables avec les différentes capacités des personnages sont sympathiques mais n’ont pas de réelle complexité. Heureusement, on peut compter sur l’exploration du jeu afin de rajouter quelques heures de jeu, mais malheureusement pas assez pour satisfaire notre faim.
Des soucis de maîtrise
Le problème principal, et tous pourront s’accorder sur ce point en jouant à Shiness, c’est la présence beaucoup trop handicapante de bugs en tous genres : mauvaise fluidité d’images quand il y a trop d’informations à l’écran pour la version Xbox One, omniprésence de murs invisibles qui deviennent très vite insupportables, textures buguées, monstres sortant des arènes de combat, personnages se bloquant dans des décors et en l’air… Vous ne pourrez pas faire le jeu sans râler une fois contre tous ces bugs. La maîtrise vidéoludique est mauvaise, et c’est dommage pour un jeu qui a pourtant un énorme potentiel.
L’autre souci majeur, c’est la caméra. Cette fichue caméra se place parfois à des positions improbables, nous enlevant alors toute vision de jeu. Lorsque cela arrive en plein combat, vous priez alors pour ne pas périr sous les coups de l’adversaire que vous ne voyez pas. Parfois, la caméra se retrouve même derrière un objet ne disparaissant pas du premier plan si vous êtes derrière, et il faudra alors se replacer sur l’arène, ce qui, à la longue, devient vraiment agaçant.
Les créateurs de Shiness: The Lightning Kingdom ont vraiment su installer leur univers merveilleux avec brio. On s’attache aux lieux, aux personnages, à l’humour et on retrouve dans Shiness beaucoup de références. Le système de combat, dynamique mais pas complet dans les moindres détails, nous permet de passer un bon moment quand même. La déception se fait à deux niveaux : on aurait aimé un peu plus de contenu, et avoir un peu plus de réponses quant aux multiples questions laissées par l’intrigue du jeu.
Et puis, on ne peut s’empêcher d’être fatigué par la présence de nombreux bugs. On aurait aimé que, même si la passion se sent énormément derrière le jeu, celui-ci soit plus abouti. Même si Shiness: The Lightning Kingdom n’est pas un jeu parfait, on peut cependant dire que c’est une bonne première de la part d’Enigami, et qu’on attend une suite mieux maîtrisée à l’avenir.