La voilà enfin la conclusion que tout le monde attendait. Celle qui doit mettre un point final surement temporaire à la trilogie reboot de Tomb Raider initiée en 2013 par Crystal Dynamics et Square Enix. Shadow of the Tomb Raider se présente donc devant nous comme étant l’épisode ultime de cette série de jeux et entend ouvrir de nouvelles portes à explorer pour le futur de la franchise.
Un défi que ne relève pas cette fois-ci Crystal Dynamics parti travailler sur le projet Avengers et laissant son bébé aux bons soins de Eidos Montréal, studio à qui l’on doit entre autres les deux derniers Deus Ex et Thief. Ayant déjà bossé un peu sur les deux opus précédant, les développeurs ne sont donc pas profane à la licence et si on pouvait avoir peur de ce changement de studio, Shadow of the Tomb Raider est loin d’être une catastrophe, bien au contraire, c’est un jeu imparfait certes, mais terriblement envoûtant.
(Test de Shadow of The Tomb Raider réalisée sur une version PlayStation 4 fournie par l’éditeur)
Âgée de 23 ans aujourd’hui, on retrouve la jeune Lara Croft – et son compère Jonah – au Mexique alors qu’elle est à la recherche d’une dague Maya aussi convoitée par l’ordre des Trinitaires. Après quelques péripéties, notre belle archéologue parvient à mettre la main dessus et à s’en emparer juste avant que les Trinitaires, commandés par un certain Dominguez, ne lui reprenne et l’informe des conséquences de ses actes.
Il se trouve en effet qu’en retirant cette dague de son socle, Lara à enclenché une prophétie Maya annonçant l’apocalypse, chose qui se vérifie dans la foulée lorsque le bled dans lequel on se trouve est frappé par un terrible Tsunami. Après y avoir survécu de justesse, Lara et Jonah décident de suivre un indice les emmenant sur les traces des Incas pour tenter d’empêcher la fin du monde.
Shadow of the Tomb Raider met donc un terme à la trilogie et à la confrontation entre Lara et les Trinitaires. On sent tout de suite que les scénaristes ont voulu épaissir son personnage en la rattachant encore un peu plus à son passé et la mort de son père directement lié a ses péripéties actuelles. Le propos du jeu est assez mature d’ailleurs, se rapprochant là de son homologue de 2013, plus qu’à sa suite, et l’écriture est en conséquence.
Lara ne mâche pas ses mots et les autres non plus, l’imagerie est violente et il n’est pas ici question d’édulcoré ce que l’on voit ou l’on entend. On chemine alors une bonne partie du jeu en compagnie de la culpabilité de miss Croft et de ses doutes, rendant la narration plus intimiste et du même coup intéressante. Seulement il y a un hic, les autres personnages ne bénéficiant pas d’un traitement similaire, on peine a s’y attacher, hormis peut-être Jonah, alors que l’intrigue est finalement aussi simpliste que la bêtise des motivations du chef des Trinitaires.
On retombe bien trop vite dans le cliché et les révélations douteuses, alors que le final inexpliqué et gratuit, ne brille que par le combat de boss qui le précède. Sans rester sur notre fin, car il est clair qu’en fin de jeu Lara est enfin libéré des démons de son passé et s’accomplit par la même occasion, une chose est sûre, on ne regrettera pas les Trinitaires.
Lara et le Temple du Soleil
Il y a par contre une chose qui ne déçoit pas, c’est l’univers construit autour de Shadow of the Tomb Raider. Il est d’une crédibilité renversante, on a vraiment l’impression d’y être et de pouvoir toucher ce qui est en face de nous. On a enfin le droit de visiter de véritables villages desquels se dégagent une atmosphère transpirant la vie, n’évoluant par contre que trop peu durant le jeu. Celui de Païtiti par exemple, qui est une ancienne citée Inca perdue et cachée aux yeux de tous, est un bonheur à découvrir et à arpenter.
On a affaire ici à une vraie ville, avec des habitants vaquant à leurs occupations et nombres de secrets et d’histoires à découvrir, en même temps que des quêtes annexes majoritairement intéressantes. Les locaux vivent encore comme il y a des centaines d’années et ne connaissent rien du monde extérieur, ce qui amène d’ailleurs l’un des plus gros défauts du jeu, car nuisant totalement à l’immersion : le doublage.
Ce dernier, en VF en tout cas, est catastrophique. Si on excepte Lara – dont la voix est aujourd’hui assurée par la doubleuse officielle d’Alicia Vikander… -, Jonah et un ou deux autres personnages maximums, le reste est terriblement mauvais. Les PNJ, car il est possible de discuter avec un grand nombre d’entre eux, doivent avoir au mieux quatre ou cinq doubleurs. Cela apporte de nombreuses incohérences, car lorsqu’une vieille dame nous parle avec une voix de jeune femme, ou encore que deux personnages séparés par cinq mètres de distance ont les mêmes voix et tons, c’est très dérangeant.
Sans parler du fait que tout le monde parle le français – ou la langue choisie pour jouer – et cela aussi au fin fond de la jungle, décrédibilisant au passage une bonne partie de ce qui a été construit jusqu’alors. Et c’est vraiment grave, car cela nous sort souvent du jeu, et si on peut comprendre les raisons qui ont poussé Eidos a faire ce choix – budget et accessibilité en tête -, on a du mal à l’excuser.
Notons également que la synchronisation labiale est totalement aux fraises et que les problèmes de mixages sonores lors de beaucoup de cut-scènes ont fini par nous achevé. En 2018, sur un triple A, c’est impardonnable.
La beauté a un prix
Shadow of the Tomb Raider est un peu aux antipodes de ce que nous proposait le reboot et sa suite. Il clôt la trilogie en la mettant sur de nouveaux rails qui ne sont pas sans en rappeler certains. En effet, on a vraiment l’impression d’un retour en arrière, mais dans le bon sens du terme avec cette conclusion aux aventures de Lara face aux Trinitaires.
Plus de gunfights à outrance, place à l’exploration et aux joies de la découverte. La plate-forme reprend ses droits et l’infiltration domine la violence tête baissée. La nature reprend donc la place qui lui est dû et tout ceci nous ramène à l’époque du tout premier et du troisième Tomb Raider. Le maître mot étant ici d’explorer son environnement et d’avancer toujours plus loin à coup de grimpette et de phases sous-marines plus que nombreuses, en traversant jungles, tombeaux, grottes et temples.
Le jeu nous balade continuellement de zone en zone, d’endroit en endroit avec un rythme plus posé et serein. Il s’en dégage une force tranquille qui témoigne de la confiance des développeurs à savoir exactement ce qu’ils veulent et où ils vont. Les panoramas cartes postales et autres vestiges anciens à tomber par terre s’enchaînent et se renouvellent du début à la fin, et on ne peut que saluer la direction artistique magnifique du jeu.
Que l’on soit dans la jungle luxuriante et enivrante, ou dans la citée ancienne de Païtiti, on est souvent bouche bée face a ce qui nous est proposé. Les environnements sont denses visuellement et d’une richesse incroyable, l’architecture ancienne est le parfait reflet du savoir-faire des artistes du studio qui ont su retranscrire avec qualité les constructions d’antan en y ajoutant leur petit grain de sel. On est souvent baigné dans des décors bucoliques, notamment grâce aux jeux de lumière qui embellissent grandement les choses et qui sont travaillés avec soin, tout comme la palette des couleurs utilisée de manière intelligente.
Chaque lieu visité possède un cachet unique qui lui confère une identité propre et en cela Shadow of the Tomb Raider évite prodigieusement les redites visuels, tout en surprenant toujours plus.
Et cela tranche radicalement avec la réalisation technique du soft qui enchaîne les textures d’un autre âge, des animations faciales trop rigides et souvent hors sujet ou encore des cut-scènes maladroites et statiques, on à l’impression que Eidos ne maîtrise pas totalement son sujet. Les modèles de personnages sont datés et on en vient à penser que le moteur aurait mérité un sérieux coup de polish à l’heure où les jeux impressionnent de plus en plus.
Shadow of the Tomb Raider se permet même d’être moins fin que son aîné, affichant néanmoins quantité de détails en plus. Cependant, de nombreux bugs bloquant notre progression ou nous obligeant à recharger notre partie sont aussi intervenus, qu’il y a parfois de gros problème d’éclairage dans les grottes ou cavernes, alors que la gestion des collisions n’est pas parfaite, notamment lors des séquences de plates-formes. Globalement le titre manque de solidité et ne rend pas honneur à l’artistique léchée qu’il propose, on se croirait parfois revenu dix ans cinq ans en arrière et cela ruine parfois l’immersion.
À pas de loup
Si Shadow of the Tomb Raider rappelle des souvenirs aux vieux briscards comme nous, c’est parce qu’il est fondamentalement différent de ses prédécesseurs. Il mise en effet beaucoup plus sur l’exploration et les séquences de plates-formes ou de casses têtes. Lara reçoit d’ailleurs pour l’occasion une gamme de mouvements étoffée, pouvant maintenant faire du rappel ou encore grimper sur des parois rocheuses à l’horizontale. L’action est moins présente, les quelques séquences nous mettant face à des ennemis sont plus rares et peuvent souvent être résolues sans confrontation directe, mais bien en s’infiltrant et en éliminant silencieusement tout le monde.
Là encore, Lara se voit octroyer de nouvelles possibilités lui permettant d’utiliser son environnement à son avantage. Des hautes herbes, aux branches d’arbres, en passant par des murs recouverts par la végétation, tout est bon pour tuer furtivement sa cible. On peut aussi s’enduire de boue pour se fondre un peu plus dans le décors et contrer les visions infra-rouges des ennemis. Une feature qui fonctionne, mais est très dispensable au final. Notre attirail avec flèches empoisonnées rendant fous les ennemis ou encore d’autres les appâtant sont bien utiles. Ces séquences sont bien mieux maîtrisées et seule l’IA balbutiante gâche un peu la fête, même si ça va mieux dans les difficultés élevées.
De plus, il n’y a pas que l’infiltration qui a bénéficié d’une refonte salutaire. Les séquences sous-marines, bien plus présentes, sont nombreuses et réussies. Il est aisé de nager de par la bonne prise en main et même si les parties de cache-cache avec les piranhas ou les murènes sont dispensables, le retour au premier plan de l’exploration des profondeurs fait franchement plaisir.
C’est aussi le cas pour les puzzles et casse-têtes qui habitent les différents lieux. Bien mieux élaborés et pensés, ils proposent enfin un bon challenge, surtout si l’on n’utilise pas la vision d’aigle mettant en surbrillance les objets avec lesquels on peut interagir. Ils montent d’ailleurs en puissance tout le long du jeu, devenant de plus en plus retors.
Ensuite, rassurez-vous fan d’action, lorsque l’on dit que le jeu est plus posé, les passages à fortes adrénalines durant lesquels on doit survivre à un Tsunami, s’échapper d’un temple qui s’effondre ou encore se bastonner comme des fauves n’ont pas disparu. Il y en a et c’est seulement leur dosage qui est plus juste, il y en a moins, ce qui rend chacun de ces moments encore plus pertinents.
La map quant à elle est loin d’être la meilleure de la trilogie, un peu trop étriqué et peu lisible à notre goût. Le fait aussi de devoir partir de villages faisant office de HUB encourage trop les allers-retours incessants et pousse à abuser du voyage rapide. C’est d’autant plus vrai que les PNJ donnent bien souvent des quêtes annexes où nous indiquent des tombeaux et autres cryptes dans lesquelles nous rendre et parfois c’est assez loin.
Mais il ne faut pas faire l’impasse dessus, car cela débloque bien souvent du stuff et des compétences que l’on ne peut avoir sans. Par ailleurs, l’arbre de compétence est plutôt fourni et offre de bonnes possibilités d’évolution. De même que le craft est de retour, on peut donc améliorer ses armes ou encore fabriquer des tenues pour gagner des avantages, par exemple un gain d’expérience plus grand lorsque l’on élimine un ennemi furtivement.
D’ailleurs, Païtiti possède un dress code et en fonction de votre accoutrement, on a accès ou non à des parties de la ville ou encore à la possibilité de discuter avec tel ou tel PNJ. Tout ceci fonctionne relativement bien, si ce n’est que pour le craft les matériaux sont trop abondants et ne manquent pas, surtout qu’il est possible d’en acheter auprès de marchands. La chasse est aussi encore un peu plus en retrait, il y a bien toujours de dangereux prédateurs qui croisent notre route et auxquels il faut faire attention, mais c’est un fait, la trilogie n’a pas su réellement exploiter le côté survie qu’elle voulait avoir à ses débuts.
Tomb Raider
Shadow of the Tomb Raider est probablement l’épisode le plus complet de la trilogie. Ce qui nous a littéralement absorbé c’est l’atmosphère mystique qui se dégage du jeu, avec une ambiance sensationnelle baignée dans le surnaturel et les mythologies incas et maya. Ce Tomb Raider pourrait être un véritable cours d’histoire tant on apprend des choses, et les profanes à ces deux civilisations vont pouvoir en ressortir avec un amas de nouvelles connaissances. Le jeu possédant toujours tout un tas d’artefacts, de journaux et autres collectibles à récupérer, on à l’occasion d’apprendre énormément de chose, même les plus malsaines.
Le titre n’est d’ailleurs pas a mettre entre toutes les mains, car si la jungle émerveille, très vite Shadow devient gore, cru et met en avant toute la violence de l’univers inca, avec notamment un fort accent mit sur les rituels. À l’instar du reboot, il ne se cache pas et ose montrer la cruauté et l’horrible sans censure. Certains passages vont faire tiquer les fans de jeux d’horreur et apporter leur lot de frayeur même aux plus aguerris.
Un petit côté The Descent habite ses moments bien glauques, avec une petite surprise à la clé. Il est franchement dommage qu’un grand nombre de petits défauts viennent entacher une expérience de jeu aussi marquante.
Enfin, Shadow of the Tomb Raider ne propose ni multijoueur, ni mode de jeu solo annexe. On aura par contre le droit à partir du mois prochain à l’arrivée en DLC de tombeaux supplémentaires. C’est dommage, car on avait adoré le mode Endurance de Rise et on aurait aimé qu’il revienne dans cet épisode.
Néanmoins, fort d’une durée de vie conséquente, Shadow of the Tomb Raider propose différents modes de difficultés que l’on peut customiser, ainsi qu’un New Game +, en plus de la multitudes d’objets à trouver en jeu pour le 100%.
Si on ne devait retenir qu’une chose de Shadow of the Tomb Raider, c’est qu’il ouvre des perspectives intéressantes pour la suite. Conclusion de la trilogie initiée avec Tomb Raider en 2013, il accomplit ce que l’on attend de lui sans réel surprise. Il y a ce qu’il faut d’exploration – linéaire -, de séquences de plateformes, d’actions, d’infiltrations et de panoramas qui pètent la rétine pour patienter jusqu’aux prochaines aventures de Lara Croft.
On reste néanmoins sur notre faim, car techniquement c’est loin d’être irréprochable, alors que la VF est franchement mauvaise et que la synchronisation labiale est dans les choux. Quant au scénario, s’il ne se confond pas en absurdité, même si certaines choses prêtes à sourire, il délaisse trop vite l’intimité d’une Lara complètement chamboulée, pour se concentrer sur la lutte face à l’ordre des Trinitaires dont l’historique réel nous échappe encore un peu plus.
Finalement la plus grande réussite de ce Shadow of the Tomb Raider est d’avoir réussi à remettre la plate-forme, les casses têtes et les joies de la découverte au centre du jeu. Sans être un retour aux sources à 100%, car ne reniant jamais les deux opus précédents, l’exploration portée par une ambiance envoûtante, des décors magnifiques et un rythme plus posé sont les atouts maîtres de ce Shadow of the Tomb Raider.