Si elle a récemment connu un bond de popularité grâce aux excellents jeux River City Girls, la licence est pourtant née il y a bientôt 40 ans avec un titre connu en occident sous le titre Renegade. Ce dernier mettait en scène Kunio-Kun, un jeune homme bagarreur pixellisé qui reviendra dans les nombreux jeux de la licence. Comme River City Girls, le titre est d’abord un beat’em all ; on le doit d’ailleurs au créateur de la licence Double Dragon, bien plus populaire chez nous.
Pourtant, il s’est illustré dans d’autre genres, tels que le jeu de balle au prisonnier, ou le jeu de foot. Avec River City Saga Three Kingdoms Next, le jeu revisite un monument de la littérature chinoise et promet pour l’occasion d’insuffler un peu de stratégie dans son gameplay un peu bourrin. Promesse tenue ?
(Test de River City Saga Three Kingdoms Next sur PC réalisé via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Chaud Cao Cao
Les Trois Royaumes désigne à la fois une période de l’Histoire chinoise, et le roman fleuve qui raconte cette dernière, rédigé par Luo Guanzhong au XIVème siècle. C’est d’ailleurs peut-être grâce à ce dernier que la période historique reste si populaire dans la culture pop.
Ces années ont ainsi inspiré la BD, depuis la bande dessinée traditionnelle chinoise éditée en France par les Edition Fei (« Les Trois Royaumes », octobre 2013) jusqu’au manga contemporain comme le « Lord », de Buronson (connu pour son Ken Le Survivant), librement inspiré des Trois Royaumes. Le cinéma n’est pas en reste avec de nombreux films inspiré par cette période de l’histoire, comme le récent « Les Trois Royaumes », de John Woo (alors plutôt inspiré, ce qui ne lui arrive plus très souvent ces derniers temps), sorti en 2008.
Et, ce qui nous importe essentiellement ici, Les Trois Royaumes ont été un matériau de choix pour le jeu vidéo, avec de nombreux titres qui en ont fait leur décor. On pense ainsi aux classiques Romance of the Three Kingdoms et Dynasty Warriors, mais aussi à l’épisode de Total War qui est consacré à cet épisode de l’Histoire.
Ainsi, il n’y avait rien d’étonnant à ce que la série River City s’inspire à son tour des Trois Royaumes, même si le roman historique japonais mettant en scène le héros légendaire Musashi (« La Pierre et le Sabre » et « La Parfaite Lumière », de Eiji Yoshikawa) semble mieux convenir au tempérament du personnage de Kunio Kun !
Mon gros pixel dans ta face
Le jeu fait le choix d’une modernité conservatrice : on garde le modèle 8-bit de Kunio-Kun fait de gros pixels, (presque) identique à celui de River City Ransom (NES, 1990). Les autres personnages sont évidemment logés à la même enseigne. Cependant, les décors, eux, sont d’une finesse toute contemporaine : de jolies illustrations, sans pixels apparents.
Il en ressort une forme de « méta », le pixel étant fièrement affiché, on gardera à l’esprit tout au long de l’aventure qu’on est bien dans un jeu vidéo. D’ailleurs, certains commentaires des personnages viennent régulièrement nous rappeler leur situation de personnages numériques.
Et cet angle parodique permet aussi de justifier tout et n’importe quoi (surtout n’importe quoi), comme le fait de permettre à Kunio-Kun de convoquer comme un coup spécial (on parlait de « magie » à l’époque des bornes d’arcade) sa… moto ! (oui, oui, en 200 après JC !).
Button mashing
Conservateur dans son esthétique rétro, le jeu l’est aussi dans son gameplay : River City Saga Three Kingdom Next est essentiellement un beat’em all à l’ancienne : on avance, on tape, on avance, on tape… Le titre prétend pourtant varier la recette et même ajouter une dose de stratégie grâce à des arbres de compétences et de coups spéciaux, que l’on pourra apprendre au fur et à mesure de nos progrès.
Dans les faits, cela change un peu le comportement des personnages, varie les animations, mais pas tellement le gameplay. On est bien sur un beat’em all « à l’ancienne », avec un défilement horizontal et la nécessité de nettoyer un écran pour passer au suivant (même si ce que nous appelons ici « écran » est un peu plus étendu qu’un écran…).
En vérité, les ajouts que propose ce titre à une parution plus classique sont aussi ce qu’on va regretter le plus. D’abord, la carte se veut plus ouverte qu’une carte de beat’em all classique : elle est munie d’embranchements, et on n’y circule pas en ligne droite. Hélas, le jeu en profite pour nous faire d’interminables allers-retours qui nous forme à éliminer toujours les mêmes ennemis.
Mais surtout, tout au long du jeu, on nous raconte avec une bonne dose de comédie et de parodie l’histoire des Trois Royaumes, les rôles des personnages principaux (généraux…) étant assumés par les personnages habituels de la saga River City. Mais cette narration entraîne hélas des dialogues beaucoup trop nombreux, et qui semblent interminables. D’autant plus quand, comme dans notre cas, on n’est pas si familier de la légende des Trois Royaumes et de ses personnages, et que les références et autres aspects parodiques nous passent un peu au-dessus de la tête. Et le tout, il faut le préciser, uniquement en anglais, ce qui peut encore couper le jeu d’une partie du public.
Au final, il nous a semblé lors de notre partie avoir passé plus de temps à lire à lire ces passages narratifs qu’à nous bagarrer, alors même que c’est en priorité cette dernière activité qui est au cœur de l’expérience.
Beat’em all rigolo, avec une proposition graphique efficace, River City Saga Three Kingdom Next souffre de ce qu’il a voulu ajouter à la formule beat’em all. Un arbre de compétences et de « stratégies » un peu trop fouillé pour son propre bien, des allers-retours forcés sur la carte dont on se passerait bien, et surtout, un côté (trop) bavard qui fera lâcher la manette à plus d’un.
De plus, nous avons rencontré un bug particulièrement bloquant en cours de partie, nous empêchant d’utiliser les boutons de notre manette (ces derniers fonctionnaient pourtant bien dans les menus du jeu), bug qui a perduré après relance des sauvegardes. Ainsi, si nous sommes d’ordinaires plutôt client de la licence, il faut bien hélas reconnaître que cet épisode se sera fait remarquer plus pour ses défauts que pour ses qualités…