Il y a un peu plus de vingt ans maintenant, arrivait chez nous un certain Resident Evil 2 sur la première PlayStation. Suite directe de son prédécesseur, il connut un très grand succès commercial et critique et est aujourd’hui considéré comme un jeu culte.
Depuis quelque temps déjà, bien des années même, les joueurs fantasment sur un remake des aventures de Leon S. Kennedy et Claire Redfield dans une ville de Raccoon City dévastée par les hordes de morts-vivants. On a vu fleurir ici et là des fan-remakes en tous genres, ceci témoignant du désir des joueurs de voir débarquer un jour une telle chose de manière officielle.
Eh bien, leur vœu – et le nôtre – est exaucé puisque Resident Evil 2 sort de la tombe en ce début d’année 2019 avec un remake qui frappe très fort, autant que celui du premier épisode sorti à l’époque sur GameCube. Décidément Capcom sait y faire dans ce domaine, et ce n’est pas pour nous déplaire.
(Test de Resident Evil 2 réalisé sur PlayStation 4 avec une version fournie par l’éditeur)
Généralement l’annonce d’un remake est toujours synonyme d’excitation et d’appréhension de la part des joueurs, surtout s’ils sont fans du jeu dont il est question. Pour Resident Evil 2, il faut multiplier cela par dix au moins, car il s’agit d’une oeuvre culte, de l’une des pierres fondatrices du survival-horror et l’un des épisodes, si ce n’est l’épisode le plus apprécié de la série.
Capcom avait donc fort à faire pour réussir à contenter à la fois les joueurs d’aujourd’hui et d’hier.
Un remake ce n’est pas seulement faire un copié/collé en améliorant juste les graphismes, non. Il faut retravailler l’ensemble du jeu, des dialogues au gameplay, en passant par la mise en scène et les situations rencontrées. Cela doit être original et frais, tout en rendant aussi hommage à l’œuvre de base, un exercice difficile qui peut déraper à tout moment.
Il faut donc que la personne derrière le remake, en l’occurrence Kazunori Kadoi pour Resident Evil 2, ait une véritable vision et appose sa patte sur l’ensemble sans le dénaturer. Il faut une plus-value, sans laquelle le remake devient inutile.
Par une nuit d’été
Et ceci commence par l’écriture même du jeu. Sans en changer le scénario, on nous propose ici une réinterprétation des événements qui ont eu lieu à Raccoon City en cette fameuse nuit de juillet 1998. Si les personnages sont les mêmes, leur rencontre et leurs interactions sont différentes. Même les circonstances qui amènent Leon et Claire à se croiser pour la première fois, point de départ du jeu, sont aussi changées. Ainsi, si les grandes lignes restent les mêmes, c’est dans les petites qu’il faut chercher le renouveau.
Ce Resident Evil 2 cuvée 2019 se veut plus moderne dans son approche, blindé de cut-scenes, de discussions plus ou moins intéressantes, de jurons en tous genres et d’un rythme beaucoup plus soutenu. Il réactualise convenablement la formule, sans toutefois réussir à éviter quelques clichés que l’on aurait aimé ne pas voir. Une scène en particulier entre Leon et Ada fait vraiment dans le too much et casse toute la subtilité de leur relation pour notre plus grande déception.
Néanmoins, certaines mécaniques narratives, faites par le biais de journaux à trouver ou simplement par l’observation des lieux, sont toujours présentes. Capcom a eu la bonne idée de ne pas retirer purement et simplement les quelques documents que l’on pouvait glaner dans le commissariat et ses environs pour en apprendre plus sur l’apocalypse naissante.
Mais pas que, puisque nombre d’énigmes passent aussi par la recherche et la lecture de ces bouts de papier finalement bien utiles. Et c’est là la force de ce remake de Resident Evil 2, avoir su conjuguer au présent old-school et modernité pour en faire un tout cohérent.
I will survive
Une refonte de la formule des premiers Resident Evil passe aussi par la réinvention des mécaniques de jeu et donc du gameplay. Là encore, on a droit à des changements radicaux, même si ce remake garde globalement la même structure que l’original. Oubliez les angles de caméra fixe, la rigidité et la lourdeur de déplacement ou encore les décors en 2D précalculée et dites bonjour à la visée à l’épaule de type Resident Evil 4, avec un personnage agile répondant au doigt et à l’œil, ainsi que des environnements en 3D temps réel.
Et dans les faits, bah cela fonctionne à merveille. Ce Resident Evil 2 tout moderne qu’il est dans son approche, n’en reste pas moins un véritable survival-horror. Certes, peu importe le personnage que l’on incarne, il répond au quart de tour et se montre bien moins pataud que par le passé, la visée est vive et précise et les déplacements dynamiques. Mais à côté de cela, il reste très fragile, les munitions sont rares, les objets de soin aussi, les ennemis bien plus coriaces qu’auparavant, il faut d’ailleurs parfois dix balles de pistolets pour tomber un zombie lambda, et encore.
À l’instar de Resident Evil Rebirth, on peut aussi utiliser des armes d’autodéfense en dernier recours lorsque l’on se fait agripper par un zombie, comme un couteau ou une grenade que l’on insère dans la bouche de ce dernier avant de tirer dessus, mais autant éviter de gaspiller ce précieux arsenal.
La survie est très clairement au centre de cet épisode, les premiers runs sont difficiles et tendus, surtout en hardcore, et votre capacité à vous en sortir dépend en grande partie de votre intelligence de jeu. Il faut savoir quand partir à l’affrontement et quand l’éviter. Aussi ne pas gaspiller ses ressources, avancer avec prudence et en aucun cas se relâcher en se sentant en sécurité est une prérogative. Le jeu est surprenant et offre nombre de situations inattendues capables de nous envoyer ad patres en un claquement de doigts.
Il faut en plus faire avec un inventaire limité, même si les coffres sont là pour stocker du matériel, mais aussi d’autres contraintes en fonction du mode de difficulté, comme des sauvegardes via ruban encreur en hardcore et des sauvegardes auto disparues.
L’arrivée de Monsieur X, ou Tyrant 103, fait aussi très mal. Ce dernier n’est autre que le Nemesis de cet épisode et autant dire qu’il ne nous lâche pas d’une semelle. Effrayant et horriblement stressant, il est impossible à envoyer six pieds sous terre hors passages scriptés. Si bien qu’il faut faire son petit bonhomme de chemin et vivre sa vie dans le commissariat tout en se faisant stalker par une armoire à glace inexpressive de plus deux mètres.
Une sorte de Terminator à la démarche lourde, mais rapide, qu’il est possible de semer et de localiser grâce aux sons, mais qui tournera jusqu’à nous retrouver en défonçant des murs s’il le faut. Seule solution, avancer prudemment et éviter de tirer, chose difficile, mais pas impossible.
En territoire inconnu
Pour survivre, il faut aussi s’armer et s’équiper. On passe le plus clair de notre temps à farfouiller à la recherche de munitions, d’armes, de pièces pour les améliorer et de poudre pour fabriquer quelques balles. On retrouve d’ailleurs un système de craft proche de celui que l’on avait dans Resident Evil 3, autant dire qu’il est très utile. Les allers-retours au coffre sont légion, et heureusement que l’on a en notre possession notre précieuse map.
Capcom a su garder l’essence même du jeu en l’axant avant tout sur l’exploration, la résolution de casse-têtes et d’énigmes et le backtracking, le principe d’aller-retour propre à la série lors de ses débuts.
En cela, il nous faut arpenter les lieux de fond en comble quitte à affronter nos pires cauchemars et nous retrouver face à un bestiaire limité, mais soigné au possible. Jamais zombies n’ont été aussi beaux et détaillés, et il en va de même pour toutes les autres créatures, dont les redoutables Lickers ou ce magnifique Alligator géant qui hante les égouts. D’autant plus qu’il nous faut réapprendre à connaitre les lieux, car certaines pièces ont bougé ou n’existent plus et d’autres sont apparues.
Le level design est efficace et suffisamment labyrinthique pour que l’on se perde, sans pour autant devenir frustrant. Seul petit bémol, le passage dans les égouts est moins inspiré que le reste du jeu, même si quelques monstruosités redoutables y font leur apparition.
Au cœur de l’expérience se trouvent aussi des boss marquant bien souvent la fin d’une zone et que l’on doit affronter pour passer à la suivante. Que ce soit le fameux Tyrant G ou Monsieur X, ils sont impressionnants et deviennent de plus en plus dangereux à mesure que l’on avance en jeu. Une relecture de la mise en scène de chacun des affrontements a été effectuée et là encore pour le meilleur.
Reste cependant une légère déception quant au fait qu’ils deviennent assez faciles à vaincre une fois la bonne méthode trouvée, souvent évidente d’ailleurs, même si cela se corse sévèrement en toute fin de jeu.
Les énigmes, elles ont aussi changé, obtenir les armes et leurs améliorations n’est pas de tout repos, de même qu’avancer en jeu demande de trouver des éléments pour, comme les célèbres clés du commissariat ou encore des rouages mécaniques et même un détonateur et sa pile. On est face a une réinterprétation de la progression du joueur en jeu, sans pour autant renier les fondamentaux, et c’est peut-être là à la fois une force et une faiblesse. Car un joueur confirmé de Resident Evil ne sera en aucun cas surpris et reprendra bien vite ses marques, et ce même si quelques mécaniques, les scripts ou encore le level design ont changé.
Terror boréale
Cependant, l’intérêt se trouve aussi dans la revisite et la redécouverte de lieux emblématiques de la saga. La nostalgie y est certes pour beaucoup, mais redécouvrir le commissariat, la ville de Raccoon City ou encore les laboratoires sous un nouveau jour est un plaisir certain. Le jeu est d’ailleurs bourré d’easter eggs qu’il vous faudra découvrir par vous même, mais sachez que certains se réfèrent directement à Resident Evil 1.5 par exemple, ou encore à d’autres jeux Capcom, comme Street Fighter, et Megaman. Mais même sans avoir roulé sa bosse sur le jeu d’origine, on ne peut qu’apprécier le travail réalisé sur les environnements.
L’utilisation du RE Engine fait ici encore plus fort que sur Resident Evil 7 et apporte dans sa besace un niveau de détail sur les décors très impressionnant. On peut aisément comprendre ce qu’il s’est passé ou se passe dans la ville rien qu’en observant ce qui nous entoure.
C’est en outre varié et toujours dans le bon ton, on y trouve notre compte, et on a même droit à un environnement inédit que l’on arpente avec la jeune Sherry. L’occasion de faire remarquer que les passages durant lesquels on jouait cette petite fille ou Ada Wong sont présents et bien meilleurs qu’auparavant.
De même que le nouveau character design des personnages fait finalement mouche et le choc émotionnel annoncé de voir les têtes changer n’a pas eu lieu, même si on regrette parfois des expressions faciales en deçà, notamment au niveau du regard paraissant un brin vitreux.
Le reste est de l’ordre de la subjectivité, tout juste pouvons-nous dire que nous avons aimé, tout comme les jeux d’acteurs convaincants et le doublage qu’il soit français, anglais ou japonais.
Alors oui, on peut néanmoins chipoter sur quelques points. Notamment un rendu parfois un peu plastique ou sur des reflets franchement moches par moment, notamment dans le hall du commissariat, mais pour le reste c’est un sans faute. Le moteur se pose là pour ce qui est de distiller une ambiance et une atmosphère oppressante, étouffante, en travaillant ses jeux de lumière, ses différents effets volumétriques et en peaufinant à l’extrême le travail sur le clair obscur.
Resident Evil 2 fait peur oui, car on est sans cesse sous tension et ce grâce aussi à la spatialisation du son qui ne nous avait pas autant convaincu dans un jeu du genre depuis Dead Space, et une bande originale qui fait le boulot avec quelques thèmes bien marquants et épiques.
Enfin, Resident Evil 2 ne lésine pas sur le gore sans pour autant que cela vire dans le grotesque, mais du sang, vous en verrez. Le jeu est brut et cru, ne se cachant pas derrière un faux semblant de politiquement correct. Des créatures à nos game over ensanglantés, on en a vu passer des têtes qui explosent, des membres qui se séparent de leur support corporel ou encore des boss dégueulasses et repoussants. Morbide, mais foutrement beau, vous êtes prévenu.
L’histoire sans fin
Pour finir, il nous faut revenir sur une des particularités de Resident Evil 2 et de ce remake. Il se trouve qu’à l’époque on avait droit à deux scénarios distincts, le deuxième devenant jouable une fois le premier bouclé. C’est une composante que l’on retrouve ici aussi, mais pas de la même façon.
En gros, Capcom a fait le choix de mélanger les anciens scénarios A et B pour n’en faire qu’un seul, celui que l’on joue lors de notre premier run. Ainsi, Monsieur X qui n’apparaissait pas dans le premier cheminement fait aujourd’hui partie intégrante de l’histoire. Néanmoins, il existe bien un scénario bis que l’on débloque en finissant le jeu.
Ce dernier propose un routing différent, une difficulté accrue, des objets à l’emplacement changé, ainsi qu’un boss supplémentaire et l’accès à la vraie fin. Non dénué d’intérêt, il propose en fait de vivre ce qu’a vécu Claire pendant notre accomplissement du scénario de base avec Leon et vice-versa.
En plus de cela, le mode 4th Survivors nous mettant dans la peau de Hunk ou de Tofu refait son apparition pour des fuites en avant effrénées et timées, en plus des innombrables bonus à débloquer en jeu en fonction du rang que l’on obtient et du mode de difficulté joué. Il y a de quoi faire, notamment pour les speedrunners, sachant qu’en moyenne pour faire un tour complet des différentes campagnes, il faut entre 15 et 20 heures, un peu moins si vous êtes un habitué de la saga.
La version PC de Resident Evil 2
Nous avons pu, en plus de la version PlayStation 4, poser nos mains sur la version PC de Resident Evil 2. Clairement la version la plus belle de toute, elle demande néanmoins pas mal de ressources pour configurer la qualité graphique au maximum.
Les différents réglages graphiques disponibles et l’indication de leur impact sur la machine utilisée permettent néanmoins de configurer tout cela sereinement. Restent quelques petits ralentissements ici et là, mais sur notre bécane équipée d’une RTX 2070, de 16 Go de RAM et d’un Ryzen 5 cadencé à 4Ghz cela tournait à merveille. Quant au Ray Tracing, il n’apporte finalement pas grande différence. Quant à la jouabilité au clavier et à la souris, rien à redire, cela fonctionne bien et la visée devient même plus précise ainsi.
Ce remake de Resident Evil 2 est une franche réussite à tous les niveaux. Il réimagine le jeu d’origine, sans jamais le trahir et donc par là même les fans de la première heure. On est bien en face d’un véritable survival-horror, difficile, stressant et distillant une véritable ambiance horrifique sans faux artifices comme on n’en avait pas vu depuis longtemps.
Capcom nous livre ici l’hommage ultime à un genre qui pourrait bien devenir aussi culte que le matériel de base, avec en plus une revisite du mythe plus que convaincante et une modernisation des mécaniques de jeu qui fait mouche. Pas de doute, on est bien en face là de ce qui est probablement le meilleur survival-horror de cette génération et à n’en pas douter, l’un des prétendants au titre de jeu de l’année.