Vous ne l’ignorez point, fervent lecteur de LightninGamer que vous êtes : le beat’em up 2D à l’ancienne est le style favori de votre Humble Narrateur, dont le jeunesse fut bercée d’oeuvres telles que les séries Double Dragon, Final Fight et autres Streets of Rage. Du coup, il va sans dire que Raging Justice, développé par MakinGames et distribué par Studio 17, a été ardemment attendu par l’amoureux de ce style de jeu antique, jusqu’à sa récente complétion finale, dont nous vous proposons le bilan dans sa version Nintendo Switch. Allons voir si les rues délabrées de nos jeunes années conservent encore un peu de punch (pas la boisson hein, la mandale) à nous proposer.
Raging Justice – Injustice for all ?
Warriors, warriors, la partie commence…
Développé par une petite équipe de quatre personnes, MakinGames, Raging Justice affiche ouvertement sa volonté de ranimer un genre vidéoludique vénéré dans les années 80-90, le beat’em up en 2D. Très populaires en arcade, avec une difficulté vous délestant copieusement de vos maigres deniers pour progresser, mais aussi sur consoles, notamment 16-bit, ces jeux vous permettaient généralement d’incarner un panel variable de combattants au sein d’environnements très souvent urbains post-apo (même si l’heroic-fantasy fut efficacement abordée aussi). La progression dans l’aventure s’effectuait en scrolling horizontal, et vous y étiez invité à déglinguer des mobs par douzaines avant de vous retrouver confronté au boss du niveau.
Le genre a beaucoup périclité suite à l’émergence de la 3D, mais le retour du rétro sur le devant de la scène indé actuelle lui a insufflé une seconde vie inattendue, et c’est sur cette vague nostalgique que souhaite de toute évidence surfer Raging Justice. Moralité : on a ici affaire à un jeu de baston au scénario sans importance, simple prétexte à aller distribuer des tatanes à des hordes entières de loubards bien cliché. Et on ne va pas s’en plaindre, parce que si on s’intéresse à ce jeu, c’est exactement ce que l’on attend de lui : une réminiscence du passé, qui ne manquera d’ailleurs pas de clins d’oeil discrets à d’autres titres du style. Ce postulat étant posé, entrons un peu dans le détail. Outre le mode Histoire principal, sur lequel nous reviendrons, que nous propose d’autre ce titre ? Pas grand chose, mais là encore, on reste dans le classique du beat’em up.
Rue barbare
Votre seule autre option sera le Combat, qui n’est rien de plus qu’une sorte de mode Survie, au fil duquel vous allez devoir enquiller vagues après vagues d’ennemis de plus en plus nombreux et virulents, après avoir sélectionné votre stage de prédilection, qui reprendra bien entendu l’un des niveaux parcourus dans l’autre mode (il n’y en aura que 4 par contre parmi vos choix…). Ce mode Combat est essentiellement basé sur le scoring online, bien entendu, et nous allons voir dès à présent que cet aspect compétitif s’avère également très présent dans le mode Histoire, chose plutôt effacée de nos jours, mais bien implantée dans les bornes d’arcade qui faisaient notre joie dans les salles enfumées d’époque. Et d’ailleurs, Raging Justice pousse le bouchon bien plus loin que le banal score final d’antan.
On en vient donc à ce fameux parcours classique, qui vous fera arpenter les éternels quartiers de la ville, des ruelles mal-famées à l’hôtel de luxe, en passant par le port et autres lieux de villégiature usuels pour les aficionados. Pour ce faire, vous aurez bien entendu le choix entre plusieurs persos, en l’occurrence 3, ce qui peut paraître un peu léger en 2018 comparé, pour ne citer qu’un exemple, aux 4 de base proposés par Streets of Rage 3 en 1994 (sans compter ceux à débloquer). Ces 3 héros, parlons-en. L’une est une ancienne militaire, l’autre un flic (qui rappelle fortement un personnage jouable du jeu 64th Street), ça se tient pour aller délivrer le maire de la ville enlevé par des malfrats. Et le troisième, c’est un gamin de 15 ans. Qui est flic. Et qui peut procéder à des arrestations. Il se déroule dans quelle ville ce jeu, pour qu’un ado puisse faire office de policier et appréhender les malandrins ? Un sérieux manque de logique, sur ce coup-là.
La fouletitude
Bref, passons. Vous apprendrez à les découvrir l’un après l’autre en jouant plusieurs fois au jeu, et saurez choisir ce qui vous convient le mieux (notamment, entre rapidité et puissance). Votre choix effectué, vous êtes lâché dans la rue. Et d’entrée, vous savez que vous allez morfler. Même si Raging Justice offre 3 niveaux de difficultés, soyez conscient que la minimale ne sera absolument pas une promenade de santé pour se faire les dents. Vous me direz : on ne va pas le lui reprocher ; à jeu à l’ancienne, difficulté à l’ancienne, et c’est tout à fait concevable, comme théorie. Après tout, à l’époque des beat’em up 2D, on ne nous faisait pas de cadeaux. Sauf que là, on en arrive au point noir de ce jeu : l’injustice.
Dans un beat d’antan, on dégommait des pégus à foison, avant de tomber sur le gros poisson, calmement. Là, on a affaire à des mobs sur-qualifiés et sur-nombreux, qui vous déglinguent impitoyablement en vous balançant des armes et objets dans la quiche, de loin, pendant que vous gérez un de leurs collègues. Tout l’éventail classique répond présent : punks neuneus, chiens relous, motards agaçants, nanas habillées comme des dames de joie et munies d’appareils électriques… Et une fois passé tout ce petit monde (non sans mal) vous tombez sur un boss entouré lui aussi d’une horde de baltringues, qui vous en mettra plein les naseaux. Oui, Raging Justice est dur, mais aussi, oui, il est rageant. C’est bien simple, on est souvent submergé sans trop savoir comment s’en sortir. Ce qui lui ôte une bonne part de plaisir inhérent au genre, hélas. D’autant que (autre élément déplorable) en dépit de tout le pognon que vous pourrez amasser sur les cadavres de vos ennemis, aucune possibilité de progression du perso n’est proposée, aucun nouveau coup, rien.
Mortels qu’on bat (ou pas)
Encore une fois, ce n’était pas la norme en 1990, mais sommes-nous en 1990 ? On peut faire du moderne en composant avec le rétro, nom de nom ! Bon, bref. Une fois cet aspect punitif compris, il est temps de voir ce qu’on nous offre. Mise à part la progression classique dans le niveau, plusieurs défis à remplir vous seront proposés en début de stage. Tuer tant d’ennemis avec telle arme, terminer le niveau en tant de temps, parvenir à tel score, ne pas perdre tant de vies… Des considérations qui vous sortiront probablement du crâne dès que vous aurez commencé à survivre à la rue, à moins d’essayer encore et encore pour le scoring.
Et puis, il y a les arrestations, élément bien sympathique (et qui viendra s’ajouter lui aussi dans vos défis). Une fois votre ennemi groggy, vous aurez l’opportunité de le placer en état d’arrestation, éliminant par là-même une de vos nombreuses menaces, vous octroyant en passant un item d’énergie. Cool, ça ! Par contre n’essayez pas cette stratégie avec les boss… Pour terminer, parlons technique. Le jeu affiche des graphismes léchés et pseudo-réalistes à l’image de ce que proposent les Mortal Kombat, avec des décors génériques certes, mais qui rendent très bien l’aspect beat’em up d’antan. La maniabilité risque par contre de vous sembler un peu rigide, mais on s’y fait vite. On reprochera le fait de ne pas pouvoir changer de perso lors d’un continue comme dans beaucoup de jeux de ce style, mais on appréciera par contre de voir les ennemis (en surnombre, on l’a dit) se mettre copieusement sur la tronche en voulant vous attaquer, vous facilitant parfois bien la tâche, ainsi que la possibilité rare de contrôler un véhicule.
Conclusion Raging Justice
Raging Justice est un jeu bien curieux, empli de nostalgie et de contradictions. Graphiquement agréable, il souffre d’un gameplay assez rigide. Mais jouable à plusieurs, il pallie en ce sens sa difficulté punitive qui en fera rager plus d’un sur son écran tellement l’on se fait enchaîner parfois. Il lui manque un système d’évolution des persos, et le nombre très limité de ceux-ci aurait pu être compensé par une plus grande diversité pad en main. Il n’en demeure pas moins un beat’em up à l’ancienne comme on les aime (enfin, vous, je sais pas), très axé scoring et multi (normal). Ceci étant dit, il risque de vous faire passer de sales quarts d’heure, surtout si vous êtes assez couillu pour monter la difficulté ; une difficulté hélas souvent injuste, un gros point noir du jeu, même en easy. Un conseil : trouvez-vous un pote pour vous assister, vous en baverez (un peu) moins…