Cela doit aussi vous arriver. De temps en temps, dans notre vie de joueur accompli, notre flamme vacille. On observe notre liste de jeux à faire, mais rien ne nous inspire. Nous avons pourtant quelques titres incroyables sur lesquels nous ne nous sommes toujours pas lancés, des Cyberpunk 2077 ou Resident Evil 4 Remake qui traînent sur notre étagère, physique ou numérique, depuis des mois, mais rien n’y fait, rien ne nous motive.
Trop de choix ? C’est possible, mais il y a aussi une appréhension à se lancer dans une aventure qui risque de nous prendre encore des dizaines et des dizaines d’heures, parfois éprouvantes par l’implication émotionnelle ou intellectuelle qu’elles requièrent. Alors, dans notre recherche d’une bouée de sauvetage à notre apathie vidéoludique est apparu Holy Cap Studio et leur premier jeu nommé Promenade, disponible depuis le 23 février dernier sur consoles et PC. A-t-il réussi à nous sauver de la noyade ou allons-nous continuer de ramer sous un décourageant océan vidéoludique ?
(Test de Promenade réalisé sur PlayStation 5 à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Squid game
Comme expliqué précédemment, au sortir des gros jeux de ce début d’année, nous étions dans un mauvais mood pour partir de nouveau sur une expérience intense, aussi exaltante pourrait-elle être. C’est donc assez naturellement que nous nous sommes tournés vers les productions indépendantes, souvent moins engageantes, histoire de souffler un peu, et il faut bien admettre que c’est la patine visuelle de ce Promenade qui a su rapidement attirer notre œil hagard.
Le titre ne vient cependant pas de nulle part, nous l’avions déjà repéré il y a quelques années lors de ses premières présentations, mais nous n’y avions guère prêté attention, la faute peut-être à cet aspect tout mignon qui lui confère, à tort, le statut de jeu pour enfant, sans grande profondeur, mais nous y reviendrons. Le fait est que nous nous sommes laissés embarquer par cet univers visuel mignon, coloré et tout en douceur. On sent qu’on est là pour passer un bon moment, sans se prendre la tête avec des concepts ou enjeux alambiqués. Le titre ne s’embarrasse même pas avec un scénario, il n’en a pas besoin, et nous ne sommes de toute façon pas là pour ça.
On y incarne donc un enfant qui, suite à une chute dans les profondeurs sombres d’une grotte, est sauvé par un poulpe local avec lequel il se lie d’amitié. Comme diraient certains chroniqueurs télé, « on se demande ce que prennent certains créateurs de jeux vidéo ». Enfin, trêve de plaisanteries, direction le « grand ascenseur » afin de pouvoir retourner à la surface. Hélas, une entité maléfique nous barre la route et disperse à travers le monde les engrenages nécessaires au bon fonctionnement de l’élévateur.
Pas besoin d’en savoir plus. Telles les étoiles d’un Super Mario 64 (les développeurs nantais l’ayant cité comme inspiration première), mais dans un environnement 2D, il nous faut explorer le monde bucolique de Promenade à la recherche de ces rouages afin de débloquer de nouveaux niveaux, et ainsi de suite jusqu’au sommet du monde.
Au-delà de la plateforme donc, le titre est surtout un jeu d’exploration. Une exploration linéaire, si tant est qu’on puisse la qualifier ainsi, mais une exploration tout de même, nous permettant de débusquer la quantité de trésors que recèle chaque monde. Ainsi, l’auto-qualification de leur jeu de collectathon (en somme, collecter des trucs afin de débloquer de nouveaux niveaux), généralement associée aux plateformers 3D, est finalement assez pertinente.
Une promenade de santé ?
Alors, on explore chaque environnement de fond en comble, et avant que l’on ait vraiment eu le temps de nous en rendre compte, nous sommes pris par le jeu qui arrive régulièrement à nous surprendre. Les épreuves à relever sont plutôt variées, mais surtout amusantes. Notre palette de mouvements n’est pourtant pas bien étendue et repose presque exclusivement sur notre ami poulpesque.
Celui-ci nous permet d’attraper et d’amener à nous objets et ennemis à proximité, et c’est précisément sur cette capacité que repose la quasi-intégralité du jeu. Avec ses prises, il nous est possible de les envoyer valser plus ou moins loin pour frapper un adversaire ou, plus original, pour marquer des paniers de basket, et avec toujours en ligne de mire la récupération d’un fragment de rouage une fois l’épreuve accomplie.
Mais porter un objet nous offre aussi la possibilité d’effectuer un double saut, indispensable pour passer des obstacles, et enchaînable à volonté, y compris dans les airs, si la configuration le permet. Imaginez donc à présent le spectre des possibles avec ses simples capacités, qui d’ailleurs s’enrichiront petit à petit au fil de l’aventure. D’aucuns pourraient dire que c’est simple, voire même vu et revu, et il n’aurait pas complètement tort, mais force est de constater que les situations sont suffisamment intéressantes et bien amenées pour qu’on n’y pense jamais vraiment.
Il faut néanmoins préciser que si nous nous sommes laissés envoûter par l’ambiance et le gameplay de Promenade, sa maniabilité n’est pas exempte d’imperfections. Au premier rang d’entre elles, il nous est impossible de ne pas évoquer une imprécision générale dans les sauts ou le lancer de poulpe, amenant parfois à des ratés assez injustes. Mais, fort heureusement, les conséquences ne sont jamais bien grandes et même dans les derniers niveaux, l’échec ne nous ramène qu’à quelques encablures plus tôt.
D’ailleurs, et contrairement à ce que nous imaginions au début, Promenade ne se laisse pas apprivoiser aussi facilement, du moins si on cherche à tout collecter. Si un nombre suffisant de rouages pour progresser dans l’aventure se trouvent facilement, obtenir le 100 % n’est pas si simple. Une difficulté qui ne réside de plus pas nécessairement dans une difficulté « plateformesque » à surmonter, mais plutôt dans notre capacité à comprendre ce que l’on attend de nous.
C’est d’ailleurs un point que nous avons tout particulièrement apprécié. Un peu comme l’avait initié Super Mario 64 en son temps, chaque étoile est associée à une énigme plus ou moins évocatrice. Alors au début de notre exploration, on dégrossit les principales activités puis, dans un second temps, on lit notre journal de bord, lequel liste les rouages à collecter, et on cherche à comprendre où pourrait se situer la ou les derniers collectibles à récolter.
Alors certes, globalement, trouver où se situent la plupart des objets est assez évident, les niveaux n’étant pas suffisamment étendus pour que l’on ait longtemps à chercher, mais la façon de nous pousser à réfléchir pour comprendre où chercher, et ensuite quoi faire, est devenue suffisamment rare dans nos jeux modernes ultra balisés pour être appréciée ici à sa juste valeur.
D’autant qu’au-delà de la plateforme, Promenade est presque un puzzle-game tant il s’appuie sur la résolution d’énigmes. Là des briques à empiler d’une certaine manière pour modifier la constitution d’un temple, ici jouer avec la taille de notre avatar pour progresser et obtenir l’objet nécessaire à notre ascension, et tant d’autres épreuves logiques bien pensées.
Les plus belles surprises sont celles que l’on n’attendait pas. Et Promenade s’est révélé être une excellente surprise. Le titre a beau être doté d’un gameplay simple et d’une structure très académique, il n’en est pas moins redoutablement efficace grâce à un level design intelligent et une propension à toujours vouloir nous surprendre, soit par une situation originale et drôle, soit simplement par son adorable réalisation graphique.
D’ailleurs, même si son aspect le laisse croire, le titre de Holy Cap Studio n’est pas un titre à réserver aux plus jeunes. Au contraire même, l’aventure a fait ressurgir des souvenirs des bons jeux de plateforme de la fin des années 90 aux trentenaires (bien tassés) que nous sommes. Alors oui, le jeu est globalement assez simple et plutôt court (comptez environ huit heures pour en faire le tour), mais qui a décrété qu’un jeu devait être difficile et long pour être intéressant ?
Véritablement, Promenade a été la bouffée d’air frais dont nous avions amplement besoin pour repartir de plus belle dans les gros triples A qui tachent. Une bulle de douceur que nous n’imaginions pas aussi salvatrice et qui a su nous conquérir par sa simplicité et son innocence. Promenade n’est sans doute pas le jeu que l’on retiendra lorsque viendra l’heure du bilan, mais, en redonnant un peu de naïveté à notre année vidéoludique, il a été la transition idéale avant d’autres parenthèses moins enchantées.