The Behemoth est véritablement un studio atypique, qui nous livre aujourd’hui son dernier délire, baptisé Pit People.
Ces développeurs de talent auront su se confectionner un style visuel et humoristique particulier tout en évitant, élément notable, les suites à rallonge basées sur le même modèle. De fait, chacun de leur titre propose une approche vidéoludique différente des autres. Leur première oeuvre était un run & gun à la Metal Slug (Alien Hominid), la seconde, un beat’em up terriblement efficace et prenant (Castle Crashers), et la troisième, un platformer déjanté très axé multi (BattleBlock Theater).
Avec Pit People, The Behemoth s’attaque cette fois au jeu de stratégie au tour par tour, à l’ancienne, il est donc temps de voir si ces magiciens possèdent toujours la divine flamme qui aura su les propulser sur le devant de la scène.
Pit People – Un jeu de stratégie peut-il réussir en assumant un côté délirant ?
La Behemoth-touch
S’il est une chose qu’on ne saurait reprocher à The Behemoth, c’est l’humour omniprésent qui émane de leurs jeux, souvent issu de situations parfaitement absurdes, et le pitch de Pit People n’en est pas dénué, pour le coup. Imaginez-vous un monde quelconque ravagé par la chute d’un ours interstellaire géant causant moult catastrophes climatiques suivies d’une belle invasion d’ennemis étranges, et vous n’aurez qu’effleuré les tenants et aboutissants du scénario au sein duquel vous allez devoir évoluer. Vous débutez l’aventure en choisissant entre 2 modes de jeu ; l’un, dit « normal », dans lequel vos héros morts au combat vous seront restitués à la fin de votre mission, et l’autre, empruntant au Rogue-like la notion de permadeath, qui mettra définitivement fin à la vie de vos personnages déchus, quitte à poser un point final au déroulement de l’aventure si lesdits personnages étaient des éléments cruciaux nécessaires à la progression du scénario.
A chacun son choix, mais si vous débutez, le mode permadeath risque fort de vous couper rapidement l’herbe sous le pied, étant donné que vos persos de base ne seront pas d’une grande vigueur. Bref. Ce choix fait, le moment est venu de se lancer dans la bataille. On débute dans les bottes boueuses d’un bon vieux paysan à la Charles Ingalls, dont la petite maison (dans la prairie) se fait soudainement envahir par une troupe de mécréants bien décidés à dévorer son jeune garçon. S’ensuit votre première bataille, qui vous servira de tutoriel. Le tout, desservi par une narration audio de qualité (avec traduction VF dans le texte) livrée par un narrateur cynique et dédaigneux à souhait, un très bon élément de ce Pit People, et qui ne manquera pas de venir commenter vos exploits de manière sporadique au fil du jeu en fonction de votre progression dans l’aventure. Re-bref.
La stratégie au coeur du gameplay
Cette première escarmouche pose les bases du gameplay avec lequel on va devoir composer, et qui n’est pas spécialement similaire à la plupart des jeux de ce genre. De fait, si l’on parlait plus haut de tour par tour, rien à voir ici avec une sorte de Final Fantasy d’antan. Ni avec d’autres jeux au sein desquels chaque unité, ennemie comme alliée, subissait un temps d’attente entre les attaques et où tout personnage se voyait attribué un tour en alternance entre méchants et gentils. Dans Pit People, lorsque vient votre tour de jouer, vous choisissez les déplacements de TOUS vos camarades, qu’ils soient archers, soigneurs, guerriers et autres, pour les positionner sur un terrain composé d’hexagones servant d’emplacements. Bien entendu, l’étendue de la distance que vous pourrez parcourir, ainsi que l’endroit où vous souhaiterez vous placer, dépendra de la classe des uns et des autres.
Dès lors, la notion de stratégie basique se met en place. Par exemple, inutile de coller un archer juste devant un bourrin, il se fera démonter direct, idem pour les healers ; par contre, si vous arrivez à les laisser hors du gros baston (ce qui est rarement aisé, vu que les adversaires prendront souvent un malin plaisir à les harceler sans relâche), ils seront d’un grand soutien pour vos gros-bills qui se tartent l’ennemi au corps à corps. Ceci dit, bien entendu, les troupes ennemies maîtrisent elles aussi cette technique, donc il vous faudra souvent pourchasser ces saletés d’archers et de guérisseurs, sous peine de recevoir des pluies de flèches ou de voir les adversaires que vous avez démontés regagner de la vie au tour suivant. Les tours, justement, venons-y.
Quelques curiosités dans le maniement
On l’a dit, à chaque tour, vous choisissez les déplacements de la totalité de votre équipe, et une fois ceci fait, chacun de vos personnages se rend à l’endroit que vous lui avez indiqué et effectue les actions pour lesquelles il est compétent, avant que l’ennemi ne fasse de même. Et ce fonctionnement bordélique, et fun s’il en est, pose une problématique : vous ne gérez que les déplacements, ce qui impose, certes, une certaine vision tactique du terrain. Mais pour le reste, admettons que vous positionniez votre bourrin au milieu de 3 ennemis, impossible de choisir lequel il attaquera, ce se fera automatiquement, et pas forcément comme vous l’auriez voulu. Idem pour les archers : vous le placez à bonne distance, soit, mais vous ne saurez jamais qui ils vont cribler de flèches parmi vos opposants. Et pareil pour le healer, qui guérira qui il a envie, et ainsi de suite.
En fait, vous n’avez de contrôle sur le combat que pour les déplacements, ensuite, chacun de vos persos fait sa vie sans vous consulter. C’est un élément qui peut parfois vous coûter cher. On a de temps en temps l’impression de déplacer des pions, sans savoir ce qu’ils vont faire une fois qu’on leur donnera la main ; parfois frustrant, ça. Surtout si on avait envie que tout le monde décharge sa puissance de feu sur tel ou tel ennemi bien balaise, et qu’au final chacun attaque son petit mob de son côté, avant de se faire défoncer comme un gros noob. Le manque de sélection d’un opposant à choisir d’attaquer ou d’un allié à guérir est clairement un point négatif ici. Un des seuls du jeu d’ailleurs, mais on pourrait en mentionner un autre moins important : la longueur des combats.
Des originalités très bienvenues…
Chaque ennemi, même le plus basique, est terriblement résistant (vous aussi, heureusement), ce qui fait qu’ils nécessiteront un grand nombre de tours avant d’être envoyés ad patres, et pour peu qu’on joue sur une longue session, le côté barbant commence à peser au bout de quelques combats. Pour le reste, on a affaire à un jeu de stratégie à la fois efficace et touché par la patte spécifique de son développeur, à savoir : un style visuel reconnaissable entre mille agrémenté d’un humour quasi-constant. En outre, il fourmille de petites innovations qui ne cesseront de vous surprendre au fil de l’aventure, évitant ainsi la lassitude parfois inhérente au genre.
Les quêtes principales et secondaires tentent toujours de vous proposer mieux que le simple « moi vois, moi tue, moi loot », ce qui est une très bonne chose, et aussi, pour ne citer qu’un point positif sans en évoquer 100, il y a le système de capture. A la fin de certains combats, et pour peu que vous ayez acquis des cages de capture, vous pourrez, après avoir bien usé l’adversaire de votre choix, vous emparer de sa personne tel un Pokémon sauvage. Ce qui vous permettra de l’intégrer dans vos rangs, à vous donc de bien sélectionner le type de compétences qui vous manque au sein de votre équipe pour tenter de choper l’adversaire qui les possède, histoire de combler vos lacunes.
… et bien d’autres qualités
Mais attention : même si vous pouvez vous forger toute une armée de combattants capturés, sachez que vous ne disposez que de 6 emplacements pour partir à la bataille ; et 6 emplacements ne veut pas forcément signifier 6 personnages. Les unités massives requièrent parfois 2 espaces, à vous donc de composer avec soin votre team en équilibrant au mieux les compétences dont vous avez besoin (tir à distance, tanks, guérisseurs…). Vous pourrez ainsi, au fil de vos captures, choisir de partir au combat comme un goret en ne balançant que des bourricots, ou bien préférer la prudence en n’oubliant pas les attaques de loin et les soigneurs. Chacun joue selon son envie et selon son personnel disponible, et c’est très prenant. Surtout que vos personnages actifs augmentent de niveau à force d’accumuler de l’expérience, avec pour effet d’accroître leur santé, leur défense et leurs dégâts causés, donc choisissez bien votre escadron pour le développer comme vous le souhaitez.
On ajoutera à tout ceci un panel d’objets d’équipement à débloquer, notamment ceux liés aux autres jeux de The Behemoth si vous les possédez, ainsi qu’un système de tâches quotidiennes à accomplir comme sur un jeu mobile, ce qui vous incitera à y revenir chaque jour pour votre plus grand plaisir. Pour terminer, on évoquera également la ville qui sert de hub, dans laquelle vous trouverez les magasins, le tableau de missions (à savourer en solo ou à 2), un lieu pour écouter les musiques du jeu (qui sont, d’ailleurs, excellentes, tantôt pêchues, tantôt bizarres, mais toujours efficaces), mais aussi un endroit pour sélectionner une difficulté accrue (comme si ce n’était pas déjà assez ardu de base) ainsi que le Pit. Le Pit n’est pas un chien, c’est une arène dans laquelle vous pourrez vous confronter à divers ennemis (jusqu’à 4 joueurs), mais attention : difficulté punitive dans ce Pit…
Conclusion Pit People
Pit People est la première incursion de son développeur dans le genre stratégique, et comme d’habitude, ça fonctionne du tonnerre. Alors certes, on pourra lui reprocher la longueur de ses combats et le fait de ne pouvoir sélectionner qui attaque (ou soigne) qui, mais pour le reste, c’est du tout bon. Bourré d’humour et de références, décomplexé, attractif, complet, le jeu saura fédérer tout autant les débutants qui souhaiteraient s’initier au genre, que les vétérans qui prendront bien vite les choses en main et auront l’opportunité d’augmenter la difficulté ou de se confronter au Pit. Encore une réussite de The Behemoth ; c’est quoi votre prochain essai les mecs ? Un FPS ? Un shoot’em up ? Quoi qu’il en soit, ce sera day one pour moi…