Les AAA des plus gros studios sont de plus en plus en retrait, trop occupés à monétiser un maximum de choses sur leurs productions et à créer des jeux services qui bident (ou presque) les uns après les autres. Mais la nature n’aimant pas le vide, d’autres acteurs occupent cette place laissée vacante et les AA, avec notamment Clair-Obscur Expédition 33, et bien d’autres jeux indés, comme Pipistrello and the Cursed Yoyo, émergent plus facilement de la masse vidéoludique.
Développé par Pocket Trap, un petit studio brésilien, Pipistrello and the Cursed Yoyo est disponible sur consoles Xbox, PlayStation, Switch et PC depuis le 28 mai dernier et s’annonce comme une lettre d’amour à l’ère GBA (son écran d’introduction ne laissant que peu de place au doute) et à quelques-uns de ses titres les plus emblématiques. Une ambition qui a attisé notre curiosité et, après avoir essayé le titre via une démo, nous avons été immédiatement convaincus de lui donner sa chance. Restait donc à voir si les promesses esquissées durant cette généreuse version d’essai allaient être finalement assumées ou si les développeurs s’était finalement fait écrasés par le poids de cet héritage.
(Test de Pipistrello and the Cursed Yoyo sur PS5 réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Des gros pixels comme on les aime
Pour pouvoir apprécier Pipistrello and the Cursed Yoyo, il ne faut évidemment pas être hermétique à cette esthétique retro, tout droit issue de l’ère Game Boy Advance. Les sprites sont énormes et les personnages sont disproportionnés par rapport à leur environnement mais l’ensemble donne un cachet et un élan de nostalgie indéniable pour peu qu’on ai vécu cette belle époque. C’est mignon et les expressions faciales de Pippit, le jeune héros que l’on incarne, tout comme celles des autres protagonistes alimentent le côté bon enfant de l’ensemble.
Pippit est donc un jeune garçon oisif, vivant au crochet de sa tante, maire et maîtresse de la ville qu’elle dirige d’une main de fer, et ne pense qu’à lui réclamer de l’argent pour participer à des compétitions de yoyo, sans grand succès, à l’évidence. Ainsi, alors qu’il retourne dans la maison familiale pour quémander à sa tata quelques deniers, celle-ci est attaquée par d’anciens collaborateurs et son âme finie aspirée et déchirée par une machine afin d’alimenter des batteries pour une énergie illimitée. L’un de ces fragments se retrouve durant le processus confiné dans le yoyo de Pippit qui va donc partir à l’aventure aux quatre coins de la ville afin de redonner vie à sa tante.
Un scénario complètement barré qui est dans la lignée de toute l’aventure. Les dialogues, savoureux (et en français dans le texte) sont souvent très drôles, référencés et ont su trouver un écho à la pop culture moderne. Tout est fait pour que l’on passe un bon moment et on se surprend régulièrement à rigoler devant une réplique bien sentie, allant d’ailleurs régulièrement dans la critique de notre société capitaliste, tout en conservant un humour simple mais efficace.
Ce n’est pas particulièrement le point que l’on recherche en premier lieu lorsque l’on se lance dans ce genre de jeu néo-rétro, et pourtant l’histoire de Pipistrello and the Cursed Yoyo est étonnamment intéressante. Bien sûr, le parallèle entre les événements de New Volt City et la réalité de notre monde permettent d’autant plus de nous impliquer et de nous prendre au jeu. Et puis le titre réserve un paquet de surprises et chaque chapitre, symbolisé par un quartier de la ville, à sa propre approche scénaristique, offrant une variété inattendue et plaisante.
Une expérience bien ficelée ?
Pipistrello and the Cursed Yoyo se situe à la frontière entre le Zelda-like et un Metroidvania, un « Yoyovania » comme qualifié par le studio. On a donc un bon paquet de capacités à débloquer, certaines permettant de mieux nous en sortir en combat tandis que d’autres servent surtout à débloquer de nouveaux passages, l’ensemble étant axé sur l’utilisation de notre yoyo possédé par l’esprit de notre magnat de tante. Mais au-delà de l’exploration, et donc le franchissement de passages initialement bloqués si on ne dispose pas de la bonne technique, nous seront surtout amenés à combattre et à résoudre des énigmes.
Pour nous aider à combattre, on dispose de badges à collecter, améliorer et équiper pour nous aider dans l’aventure. Meilleure attaque, plus de vie ou d’argent collecté, mais aussi capacités supplémentaires permettant de gagner en souplesse durant l’exploration (rebond sur l’eau, ricochets supplémentaires en lançant le yoyo…), il conviendra de choisir judicieusement quels badges s’équiper selon la situation. Une souplesse peut être un peu trop exacerbée tant certaines synergies peuvent ruiner l’intérêt de nombreuses énigmes.
En effet, nous sommes régulièrement amenés à nous creuser la caboche pour résoudre les nombreuses énigmes qui se dresseront sur notre chemin, qu’ils s’agissent de faire avancer l’histoire principale, une quête secondaire ou pour collecter divers réceptacles de vie ou de compétence et autres objets de valeur. Mais comment les résoudre ? Il y a évidemment la solution « normale », mais bien souvent, grâce à certains badges, on peut contourner la solution d’apparence prévue et y aller de manière moins académique, voire même carrément bourrine.
Régulièrement, notamment pour les énigmes les moins évidentes, on a finalement pu récupérer la récompense en utilisant astucieusement des outils initialement non-prévus pour cela. On se retrouve donc à arnaquer le jeu de bien des manières, à tel point qu’on s’est même demandé si c’est arnaques n’était finalement pas prévues par les développeurs, et auquel cas, on pourrait dire que c’est brillant.
Dans un RPG par exemple, quand on est face à un défi trop difficile, on peut partir farmer et revenir plus fort. Dans Pipistrello and the Cursed Yoyo, on peut aussi partir explorer ailleurs afin de dénicher un badge ou une capacité qui nous permettra de surmonter une énigme un peu trop retorse.
Alors, cela peut ne pas paraitre très propre, manette en main, mais l’impression d’avoir trouvé une solution qui n’était pas prévue par les concepteurs (quand bien même elle l’ait en réalité été) rend sa résolution encore plus gratifiante que de trouver la solution « normale ». Un sentiment qui nous rappelle, en quelque sorte, celui ressenti durant les sanctuaires des derniers Zelda 3D, toutes proportions gardées.
Money money money !
En tant que société capitaliste, l’univers de Pipistrello and the Cursed Yoyo tourne autour de l’argent, du flouze, du fric et de la caillasse. Notre capacité à accumuler du pognon est donc au centre de notre évolution. Ainsi, au sein de notre base secrète, des alliés nous « offriront » leurs services, l’un pour fabriquer ou améliorer les badges collectés, l’autre pour gagner de nouvelles capacités passives.
Un arbre de compétence simple qui propose un système surprenant de prima abord mais bigrement intéressant. En effet, pour débloquer une capacité, on ne l’achète pas directement, quand bien même on serait riche à millions, mais plutôt en contractant une dette. Une fois signée, la moitié de l’argent collectée servira à la rembourser, permettant alors de débloquer de manière définitive ladite amélioration. Sauf que, le temps de la rembourser, et en plus de devoir de l’argent au PNJ, divers malus s’activent, tels que la perte de vie ou de puissance d’attaque.
Cela n’a l’air de rien comme ça, mais vu que les dettes, de plus en plus importantes au fil de l’avancée dans l’arbre de compétence, ne se remboursent pas si vite qu’on pourrait le croire, il faudra faire attention au moment où on en active certaines, histoire de ne pas se retrouver en difficulté durant des énigmes ou des combats de boss par exemple. Alors, globalement, le titre n’est pas bien difficile, et la plupart de nos Game Over ont été issus de vaines tentatives de résolution d’énigmes, mais dans des niveaux de difficulté supérieurs, ce choix revêt une importance supplémentaire.
Et puisque l’on aborde le sujet de la difficulté, nous avons été agréablement surpris de voir le niveau de personnalisation de l’expérience proposé par le titre. Dès l’écran titre, on peut s’octroyer pour l’aventure des bonus ou malus, allant de l’ajustement des dégâts reçus ou infligés, de l’argent récolté, des points de vie ou de capacité, etc. Que ce soit dans un sens ou dans l’autre, chaque paramètre est ajustable et on peut finalement se façonner à sa propre expérience.
Quel coup de cœur ! Pipistrello and the Cursed Yoyo nous a ravi du début à la fin et fait indéniablement partie des jeux qui auront marqué notre année 2025. Doté d’une durée de vie solide (plus d’une quinzaine d’heures pour en faire le tour), le titre de Pocket Trap rend un brillant hommage au Game Boy Advance dont il a su retranscrire l’aspect et l’esprit de certains de ses plus beaux représentants.
L’humour, omniprésent, et les énigmes proposées sont souvent très bien pensées, à défaut d’être compliquées, et contribuent à offrir un charme certains aux aventures de Pippit dans New Volt City. Pipistrello and the Cursed Yoyo est un jeu tellement malin ! Il sait nous surprendre avec ses idées scénaristiques, ses salles à résoudre et ses capacités à débloquer, et la possibilité de franchir les divers obstacles physiques ou intellectuels « à notre façon » augmente le plaisir suscité par ces résolutions.
Pipistrello and the Cursed Yoyo est un titre qui n’a finalement aucun réel point faible, pour peu que l’on adhère à sa proposition et à son humour. Il s’est parcouru avec beaucoup de plaisir du début à la fin. On pourrait éventuellement lui reprocher quelques pics de difficulté de ci de là, ou sa bande son pas toujours inspirée, malgré Yoko Shimomura (Final Fantasy XV, Kingdom Hearts…) au crédit mais ce ne sont que des petits écueils qui ne gâchent absolument pas une aventure pensée pour contenter les amateurs de Zelda-like à l’ancienne.