Tout comme le beat’em up classique ou le platformer 2D en même temps que lui, le shoot’em up d’antan aura pris une bonne claque avec l’arrivée de la 3D, reléguant ces oeuvres à défilement horizontal ou vertical au rang de lointains souvenirs pour moult gamers, alors qu’ils avaient pourtant constitué nos délires extatiques d’enfants ou de jeunes adultes, scotchés à leur Dreamcast ou abreuvant à profusion les bornes d’arcade de pièces de 10 francs. Quelle ingratitude, joueurs chevronnés ! Heureusement, Pawarumi est là pour vous remettre en selle.
Car l’arrivée des jeux 3D n’aura pas toujours constitué une réussite infaillible, loin de là, et nombre de développeurs indé ont préféré ces derniers temps se tourner vers un retour aux sources salutaire dans bien des cas, constituant le mouvement appelé communément « néo-rétro », une appellation explicite et fourre-tout qui évoque généralement des notions de nostalgie et de « c’était-mieux-avant ». Et pourtant, avant aussi, on en a eu des bousins, l’AVGN et le JdG en sont des témoins bien connus parmi d’autres. Allons donc voir dans quelle catégorie se classe notre Pawarumi au nom énigmatique.
Ikaruga. Voilà, le fameux blase est cité, et comme il se retrouvera probablement dans tous les textes concernant Pawarumi que vous lirez, on ne va pas déroger à la règle et on le balance d’entrée de jeu. Pourquoi ? Pour deux raisons précises. D’une, Ikaruga constitue un fer de lance que tout le monde reconnait pour sa grande qualité dans l’univers du shoot’em up à défilement vertical, et sa difficulté extrême l’a fait entrer dans la légende du genre « shmup » aux côtés de son pseudo-prédécesseur, Radiant Silvergun (dont on reparlera aussi pour illustrer certains points de notre propos). Et de deux, il y a cette histoire de couleurs… Mais avant de se pencher dessus, il serait plutôt courtois de définir de quoi on parle ici de manière globale.
5 reasons why
Pawarumi est donc, vous l’aurez compris, un shoot à défilement vertical mêlant la 3D (pour les changements de phases) et la 2D (pour la majeure partie du gameplay), en vue de dessus. Il est réalisé par un studio français, Manufacture 43, et comme tout shoot’em up qui se respecte, il propose un scénario bateau qui sert simplement de background et de motif pour aller déglinguer hordes après hordes de vaisseaux ennemis de taille, de nombre et d’armement plus ou moins compliqués à appréhender. 3 niveaux de difficultés sont laissés au choix du joueur, en fonction de ses aspirations et de son expertise en bullet-hell, en sachant que le niveau « facile » n’offre que 4 stages là où les niveaux « moyen » et « difficile » en proposent un 5ème en plus d’une difficulté revue exponentiellement à la hausse quant à la menace adverse.
Contrairement à des jeux comme R-Type ou Life Force, Pawarumi, comme le sus-cité Radiant Silvergun pour ne mentionner que lui, n’offre pas d’options à récupérer pour améliorer son engin spatial et la puissance de ses attaques. Vous partez au fight à bord de votre vaisseau, et vous n’avez que 4 solutions pour vous en sortir, point à la barre. Il va alors vous appartenir de choisir quelle arme utiliser contre quel ennemi, et quand. C’est là que réside tout le sel de ce jeu, et ce en quoi il sera comparé dans tous les médias à Ikaruga, qui jouait sur la dualité noir/blanc des tirs et des adversaires (rien de raciste là-dedans, les haineux, on parle de couleurs de lasers).
True colors
De fait, là où la dualité régnait dans un Ikaruga, on a ici affaire à une Trinité. Trinité concrétisée par trois couleurs, et l’on en revient au début de cet article : la gestion des attaques de chacune des trois couleurs (bleu condor, rouge jaguar, vert serpent). Vous pourrez switcher d’une simple pression d’un bouton entre les différents types d’attaque (rayon laser, simili-mitrailleuse ou missiles chercheurs de proximité), et ils vous seront accessibles à tout moment. Mais comme on l’a dit auparavant, ce trio de tirs n’est pas qu’esthétique.
Car les ennemis eux aussi arborent l’une de ces trois couleurs (voire toutes dans le cas des boss, car oui, vous aurez affaire à plusieurs boss et mini-boss au fil du périple). Va alors s’installer une dimension de réflexion et de mémorisation dont dépendra votre progression en fonction de vos besoins du moment. Chaque couleur de tir est attribuée à l’une des touches classiques (la 4ème sert pour l’attaque spéciale). Lorsque les ennemis se présenteront, vous aurez des décisions à prendre, et donc une couleur à choisir selon que vous souhaitiez faire grimper votre jauge d’attaque spéciale, faire le maximum de dégâts possible ou régénérer votre barre de bouclier, ce qui s’effectue, par exemple, en utilisant l’arme de la même couleur que l’ennemi.
Non, le puits c’est tricher
Une sorte de shifumi (ou pierre-papier-ciseaux) galactique en somme, dans lequel telle couleur l’emporte sur telle autre, la part de hasard / chance en moins, étant donné que c’est en fonction de vos décisions adaptées à la situation que l’aventure se poursuivra.
On se retrouvera souvent, surtout en augmentant le niveau de difficulté, à faire en sorte d’utiliser la même couleur que l’adversaire pour regagner de la santé. En effet, chaque coup reçu entame copieusement la barre de vie, et là où Pawarumi s’avère particulièrement punitif, c’est qu’une fois celle-ci réduite à néant, c’est game over et retour au commencement. Point ici de nombre de vies limité et à gagner, de « continue », de seconde chance ; quand vous mourez, il ne vous reste que vos yeux pour pleurer… et pour lire votre score et le comparer à celui des copains du monde entier.
De fait, comme il était de mise à la belle époque des salles d’arcade, Pawarumi comporte une grosse part de scoring, qui poussera le joueur à toujours retenter sa chance (le petit message de game over l’incite d’ailleurs à remettre son ouvrage sur le plan de travail) et à tenter les niveaux de difficultés supérieurs pour tester toujours plus ses limites en matière de bullet-hell. Une manière de prolonger la longévité du titre, parce que quand même, 5 stages, ça fait un peu léger…
Boulettes hell’s kitchen
Alors certes, c’était dans les normes en vigueur au cours de l’âge d’or des shoots de ce genre, mais en 2019, pourquoi ne pas avoir recréé cette ambiance nostalgique (ce qui est fait avec une grande maestria ici, par ailleurs) tout en proposant au joueur moderne un éventail de stages bien plus conséquent que sur les machines des années 90 ? Un petit point noir pour le jeu, du coup, car la belle diversité des quelques niveaux proposés (neige, désert, ville…) nous laisse un peu sur notre faim par manque de contenu plus vaste, d’environnements plus nombreux…
Et puisqu’on en est à parler d’environnements, concluons cette review très enthousiaste sur un peu de technique. Le jeu est visuellement superbe, avec ses décors qui cherchent sans cesse à évoquer l’époque précolombienne, c’est à dire montrant des temples et des constructions qui rappelleront à tout un chacun les Mayas ou les Incas. On déplorera simplement quelques ralentissements lors des dialogues entre niveaux, mais tant que le gameplay en lui-même n’est pas impacté (ce qui aurait été pénible dans un bullet-hell), on ne va pas jeter la bière à Pawarumi.
Les musiques accompagnent parfaitement cette tambouille précolombienne que cherchent à mettre en avant les décors, avec des sonorités tribales qui se partagent le devant de la scène avec les riffs de guitare énergiques qui ponctuent les boss-fights ou les moments un peu plus intenses que la promenade dominicale avec les petites frappes de chez les mécréants comme compagnons de route. Rien à redire sur cet aspect du jeu, sa réalisation est au poil, tout autant que son maniement qui saura récompenser les vaillants et punir implacablement les erreurs des moins attentifs et adroits d’entre nous.
Pawarumi est une belle réussite. Il a su capter l’ambiance et l’esprit des shoot’em ups de nos jeunes années, tout en proposant une atmosphère précolombienne originale, tant au niveau visuel qu’au niveau musical. Son système de Trinité décrit dans ce test lui donne un caractère unique tout en nous rappelant celui d’Ikaruga sans le plagier, titre qui constitue probablement la source d’inspiration principale des développeurs. Outre les quelques petits freezes lors des entre-stages par ailleurs anecdotiques, seul son très faible nombre de niveaux disponibles pourra lui être reproché, pour le reste, c’est du tout bon, sur grand écran comme en nomade.