Si on vous parle d’un jeu indépendant, à la direction artistique étonnante, et aux graphismes qui semblent avoir été griffonnés à la main, vous vous dites… Gris ! Et vous n’avez pas tort. Mais ce n’est pas de Gris que nous allons vous parler ici mais de Path to Mnemosyne, un autre titre qui satisfait cette description, mais tire du côté du puzzle-game quand Gris était plutôt un jeu de plateforme.
Sorti à l’automne dernier sur PC, le jeu a connu un succès commercial mitigé, mais a reçu un accueil critique bien plus chaleureux et de nombreux prix. Ce qui lui permet aujourd’hui d’arriver sur PlayStation 4 et Switch.
“Souvenir of sadness / Melting to the madness” (Korn)
“Aaah, we fade to grey…” (Visage)
Path to Mnemosyne est essentiellement un puzzle-game. On y joue une petite fille, a priori amnésique, enjointe par une voix-off dont on ignore tout à emprunter le chemin qui s’offre à elle. Commence alors une longue fuite en avant dans des décors gothico-psychédéliques en noir et blanc façon lithographie, qui auront souvent une capacité de nous mettre mal à l’aise : on voyagera ainsi au milieu de parties de corps gigantesques, mains, œil, langues…, en se jetant dans les bras d’un squelette immense, ou encore en traversant un fœtus humain.
Ces décors sont partiellement inspirés de l’œuvre de Maurits Cornelis Escher, qui travailla sur les représentations de l’infini, et utilisa beaucoup le triangle de Penrose (la « tripoutre ») qu’on traverse à plusieurs reprises dans Path to Mnemosyne (l’influence est néanmoins beaucoup moins directe que dans Fragments of Euclid, par exemple).
De la voix-off, on ne saura pas grand-chose, et ce jusqu’à la fin de l’aventure. Elle sera rejointe par une autre voix, un peu après la moitié du chemin. Le scénario de Path to Mnémosyne est du genre ouvert : au joueur de se faire son interprétation. L’héroïne est-elle en thérapie, le chemin parcouru pendant l’aventure serait celui qui mène à la guérison ? Est-elle victime d’expériences malsaines ? Manipulée mentalement par un culte ? Ou justement, en train de s’échapper d’une entrave mentale ?
Le joueur en décidera à travers les maigres indices dont il dispose : les encouragements de la voix-off, le dialogue avec la deuxième voix, qui ne semble pas tout à fait sur la même ligne que la première, et les flashs qui surviennent à chaque fin de niveau.
Dans quel état j’erre ?
Les niveaux, justement, on les franchit en passant un portail qu’il faut ouvrir en récupérant des flammèches bleutées représentant des fragments de notre mémoire. Et pour y arriver, il s’agira de résoudre des puzzles de types environnementaux.
On se balade en faisant des allers-retours sur une route qui serait comme une sorte de tunnel dont on peut faire tourner les tronçons. C’est-à-dire qu’à certains points du parcours, on peut choisir entre 2, 3 ou 4 morceaux de routes, chacun pouvant nous emmener vers d’autres embranchements, devant ou, plus retors, derrière nous.
Cette mécanique aboutit à différents puzzles, depuis le labyrinthe à la présentation originale, dans lequel il faudra trouver la route qui mène à la flammèche bleue, jusqu’à des énigmes dont les réponses sont cachées dans le décor (les joueurs de The Witness voient probablement de quoi il s’agit).
Une fois tous les fragments de mémoire retrouvés, on se présente devant un tableau situé tout au fond du niveau, qui s’ouvrira à condition de résoudre une énigme d’un genre différent, en 2D.
Pour ces énigmes comme pour celles des niveaux y aboutissant, le défi est plus dans la façon d’appréhender le puzzle que dans sa résolution. C’est-à-dire qu’il faudra réussir à comprendre les règles du jeu avant d’y jouer. En avançant dans l’aventure, d’autres mécaniques apparaîtront, telles que des téléporteurs ou des énigmes basées sur le rythme.
Une fois le puzzle 2D résolu, le portail s’ouvre, et l’héroïne poursuit sa fuite en avant (métaphore ?). Du début à la fin, le jeu se présente comme un zoom infini, rappelant un peu l’album 3″ de Marc Antoine Mathieu, qui d’ailleurs s’ouvre en nous faisant plonger dans l’œil d’un personnage, exactement comme les premières images de Path to Mnemosyne. Le style graphique choisi renforcera cette comparaison avec la BD.
“Tu ne m’as / pas laissé le temps…” (David Hallyday) (pardon)
La difficulté est bien dosée, les puzzles se basant sur des mécaniques de gameplay qui se renouvellent à chaque niveau, on n’a pas le temps de se reposer sur ses acquis. Cependant, on ne peut pas non plus parler d’un jeu difficile : nous n’avons jamais été vraiment bloqué pendant le parcours.
Le revers de la médaille, c’est qu’à se renouveler en permanence, le jeu est court, très court. Nous en sommes venu à bout en 2 petites heures, sans particulièrement rusher. D’un côté, c’est une bonne idée, puisque le jeu ne s’embourbe pas dans ses mécaniques, et la découverte est permanente. D’un autre côté, il faut bien dire qu’il laisse un goût de trop peu, la satisfaction d’arriver au bout du jeu étant entachée d’un petit « déjà ? ».
Malgré son originalité récompensée, on l’a vu, les comparaisons ne manquent pas, et Path to Mnemosyne n’est finalement pas aussi inédit qu’on l’imaginait en voyant les trailers. On est cependant loin du premier puzzle-game venu tel qu’il en pleut sur les stores d’applications mobiles.
Si le jeu a toute sa place dans une ludothèque dédiée aux indé PC, on doute quand même de son positionnement sur PlayStation 4. La Switch semble bien, elle, être devenue le nouveau foyer d’accueil des titres indé, mais les joueurs de consoles de salon sont peut-être moins habitués à ces titres courts, qui tiennent souvent plus de l’expérience interactive que véritablement du jeu vidéo. D’autant que le jeu reste un poil cher, affiché à 10€ sur Steam quand Gris ou Baba Is You, autres expériences indé marquantes à la durée de vie bien plus importantes, sont vendues autour de 12€.
Path to Mnemosyne n’est pas encore « le jeu dessiné à la main de trop » (après Gris, The Liar Princess and the Blind Prince…), mais on s’en approche quand même fortement. Il serait temps de trouver un nouveau gimmick…