Avant même de démarrer cette nouvelle aventure de la version papier du plombier le plus célèbre de la Terre, notre esprit est parti se perdre dans les méandres de la réflexion : « Paper Mario existe depuis 20 ans ». En effet, sa première apparition remonte à l’an 2000 sur N64 et se voulait la suite symbolique du premier jeu Nintendo développée par un studio externe : l’excellentissime Super Mario RPG.
Naturellement, tout en marchant dans les pas de son illustre prédécesseur (notamment en adoptant le genre RPG), le jeu se distinguait par bien des aspects, le plus évident étant son approche graphique. Depuis, les RPG impliquant le plombier ont rencontré gloires (avec l’apparition d’une deuxième série un peu plus traditionnelle, Mario et Luigi) et échecs (les scores de ventes des deux séries n’ont jamais réellement atteint des sommets, si bien que la seconde série de jeux de rôle a coûté la vie à son studio Alphadream).
Pour nous, malgré quelques fulgurances, la licence est en perdition, ou plutôt continuellement en quête d’une raison d’exister. Avec les nombreux changements d’approche des derniers volets, abandonnant coup sur coup le format JDR pour un platformer 2/3D avec de l’XP (Super Paper Mario) puis un simili jeu de gestion (Paper Mario: Sticker Star), on a fini par se questionner sur les raisons qui poussent Nintendo à changer la formule à chaque épisode (alors que l’éditeur aime généralement suivre une recette toute faite) et ce que Paper Mario: The Origami King aurait de nouveau à mettre sur la table.
Maintenant qu’on a pu s’y frotter, et avec du recul (ce dont ont pu manquer les rédactions ayant déjà rendu leurs copies), nous vous proposons de découvrir notre test de la dernière épopée de Mario.
(Test de Paper Mario: The Origami King sur Nintendo Switch réalisé à partir d’un code fourni par l’éditeur)
Empiler l’expérience comme un mille-feuille
Quitte à commencer en mettant les choses à plat, éliminons du chemin l’évidence, l’histoire prend une forme des plus classiques. Effectivement, comme l’annonçait déjà le trailer de présentation publié le 14 mai sans cérémonie sur YouTube, le Royaume Champignon et ses habitants sont à nouveau pris pour cible par un tyran. Laissons Bowser tranquille en revanche, cette fois, c’est l’auto-proclamé roi des origamis qui part à la conquête du royaume et il a jeté son dévolu sur celui de la Princesse Peach. Son plan est simple : il plie (littéralement) les plats habitants du pays à sa volonté en les transformant en origamis, situation prétexte à de nombreux jeux de mot qui ne manqueront pas d’apporter du relief aux aventures de notre plombier et de sa nouvelle cohorte.
Bien entendu, vous ne vous attendiez pas à ce qu’il laisse le despote faire, si ? Bien sûr qu’il s’y est opposé et son entêtement a amené à ce que le château de la princesse soit jeté sur une montagne et enrubanné. Il vous faudra donc avec vos alliés de fortune, dont la sœur du conquérant, le défaire de ses rubans en allant à leur source et y éliminer le gardien. On vous l’a dit, non ? On ne peut pas faire plus simple comme histoire. On ne s’en plaint pas, hein, Mario, c’est Mario, et on n’attend pas le niveau de profondeur de The Last of Us ou toute autre aventure narrative.
Et grâce à ça, l’écriture en sort magnifiée par son éternelle simplicité mais aussi grâce à son humour qui, s’il tape sur tous les terrains, pourra même faire rire des adultes. Parfois, très premier degré, parfois complètement lucide sur son approche, pour un effet des plus efficaces.
Pour la mise en scène, en revanche, inutile de tourner autour du pot : cet épisode est bien le plus beau jeu de la série. On voit clairement que Paper Mario: The Origami King a profité des années d’expérience des studios de l’éditeur avec les jeux de laine, de carton et de papier pour nous rendre ici le jeu le plus « réaliste » de cette catégorie. Nous ne choisissons pas ce mot au hasard, loin de là d’ailleurs.
En effet, s’il est difficile de parler de texture à proprement parler, le rendu donne réellement l’impression qu’on se retrouve face à des modèles réels, des montages élaborés que les trous rendent encore plus évidents avec les fils de fer qui maintiennent l’ensemble. Tellement efficace qu’on pourrait limite ressentir le matériel au toucher. Et ces couleurs, bon sang !
L’histoire de la vie, le cycle éternel
Maintenant qu’on a confirmé les éléments qui ont fait leur retour dans Paper Mario: The Origami King, il est temps de faire le tour de ce qui est nouveau : la forme que prennent les combats dans cet épisode. Si de prime abord le titre se présente comme un RPG, c’est en fait plus un puzzle-game qu’autre chose. Bienvenue dans votre nouvelle arène ! Autour de Mario, quatre cercles avec des ennemis qui se mélangent, un timer qui vous indique combien de temps vous avez pour aligner vos ennemis. Deux dispositions à atteindre en un nombre de coups limité : en ligne droite pour que le héros les élimine en sautant, ou en carré sur les deux premières rangées afin qu’il leur assène un gros coup de marteau.
Pour y parvenir, vous pouvez déplacer les cases en ligne droite ou en pivotant un des cercles. Comme d’habitude, certains ennemis ne pourront être éliminés si vous ne possédez pas les bons outils (sauter sur un ennemi à pointe… bof) et c’est pourquoi il vous faut vous équiper d’autres armes. Cela vous permettra de rendre votre progression plus simple en infligeant plus de dégâts ou d’ignorer des dispositions naturelles de vos opposants.
Curieusement, quand vous affrontez les boss, l’arène se retourne et le boss occupe son centre, et avec un nombre de coups limité, vous allez devoir aligner les cases pour définir votre parcours en mettant, par exemple, une case pour cogner et un bonus si c’est possible, mais en évitant les pièges. Tout ceci semble compliqué ? Une fois les mains posées dessus et le coup pris, ça se passe, faites-nous confiance !
Ceci dit, rien ne vous empêche d’éviter le combat. Effectivement, à l’exception des boss et de quelques affrontements clés, les monstres se promènent sur la carte et peuvent donc être contournés. La carte proposera d’ailleurs d’autres manières de s’occuper et les completionnistes prendront un réel plaisir à découvrir les nombreux secrets qu’abrite chaque zone. Si on aura toujours droit à des coffres cachés, à des blocs « ? », le plus gros de votre temps, vous le passerez à remplir les nombreux trous dans le décor (en les recouvrant de confettis que vous récolterez un peu partout ou en cognant des éléments dans le décor) ou à rechercher les Toad, pour qui le méchant voue une haine évidente, ce qui fait qu’on en retrouve à tous les coins, pris en chasse par des monstres, pliés en insectes ou froissés et jetés derrière le décor. Mais où est le respect ?
Coloré, mais tout n’est pas rose
Mais alors, qu’est-ce qui ne va pas dans ce Paper Mario: The Origami King ? Très honnêtement ? Qu’est-ce qu’on peut s’y ennuyer. Si on peut débattre qu’il s’agisse vraiment des raisons qui motivent les bons guerriers à se battre, il faut reconnaître que pour nous, ça n’a pas fonctionné. Attention, le rythme n’est pas mauvais (et encore qu’on pourrait aussi débattre sur ce point), mais à jouer, on a vraiment l’impression qu’il se traîne et il est difficile de savoir réellement pourquoi. Enfin si, c’est très probablement dû aux combats, pour être franc.
Effectivement, si le principe est dans l’absolu très intéressant, la répétition ne peut que vous avoir à l’usure (en dépit de la musique qui file grave la pêche). Ainsi, à force d’enchaîner les affrontements, et ce même si on panache son équipement, la répétition des phases de puzzles, couplée à la lassitude de les manquer (qui rallonge d’ailleurs très longuement ces scènes), ainsi qu’à l’absence de points d’expérience tend à les rendre rapidement imbuvables.
C’est simple, se battre n’apporte rien. Hormis les combats obligatoires qui permettent de progresser dans l’histoire, les affrontements n’ont aucun enjeu, aucun intérêt, et s’avèrent bien plus frustrants puisqu’ils peuvent amener la destruction de vos outils, vous poussant par conséquent vers la boutique la plus proche afin de vous rééquiper…
Enfin, c’est plus un grognement qu’une plainte, mais les scènes qui impliquent l’utilisation du capteur de mouvement auraient pu se jouer aux sticks. Si elles ne sont pas mauvaises en soi, le fait de ne pas avoir le choix entre les contrôles gyroscopiques et le stick en mode off-TV n’est pas des plus confortables et est même relativement imprécis. Au détriment de l’impact (quand on porte un coup par exemple), nous aurions apprécié simplement presser les boutons. Certes, l’impact est amoindri, mais on peut faire en deux secondes ce que l’on met trente à faire.
En conclusion, Paper Mario: The Origami King n’est pas un mauvais jeu, mais se glisse malheureusement dans la directe lignée des épisodes précédents. Si les nouveautés apportées (en particulier les combats) peuvent charmer pendant un temps, le tout perd vite pied face à son absence d’enjeu et la lourdeur que cela engendre.
Ensuite, oui, il reste un titre correct qui aura de quoi amuser les joueurs, petits ou grands, grâce à la qualité de son écriture et ses mécaniques, mais il n’a pas les épaules pour offrir le nouvel élan dont la série a besoin. En gros, beau, sympa, drôle et coloré, mais poussif.