Projet en développement depuis 2017, ce fut pourtant le trailer et la démo présentés lors du dernier Steam Game Festival qui attirèrent l’attention sur Narita Boy, premier titre du petit studio Koba basé à Barcelone. Un jeu à l’univers rétro-futuriste ayant grandement séduit la presse et le public grâce à sa patte artistique très marquée par les années 80. Il n’est pourtant pas le premier à se revendiquer de cette période. Serait-il alors une simple madeleine de Proust venue profiter d’un engouement nostalgique ?
C’est ce que l’on vous invite à découvrir à travers ce test, Narita Boy étant disponible depuis le 30 mars 2021 sur Steam, PS4, Xbox One et Nintendo Switch.
(Test de Narita Boy réalisé sur PC à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Génération 80
Bienvenue dans les années 80 ! Alors qu’il vient de lancer LE jeu au succès international Narita Boy, un jeune garçon se retrouve aspiré dans le logiciel pour y découvrir le Royaume Numérique. Né de l’esprit de celui que l’on nomme le « Créateur », il est menacé par une entité dénommée « Il » ou « Lui », un programme défaillant nourrissant de noirs desseins.
Arborant l’apparence de Narita Boy, notre jeune héros devra explorer ce monde fait de matrices et de réseaux, recelant bien des secrets, directement liés à son concepteur.
Ce scénario, on le connaît déjà très bien, c’est celui du film Tron (1982), auquel l’on aurait greffé un peu de celui de Ready Player One avec la dimension du jeu liée à son créateur sur un plan personnel.
Des éléments scénaristiques ont été puisés, au même titre que son esthétique, dans la pop culture des années 80. Et encore, « puiser » est un mot faible. Parce que des œuvres se déroulant ou empruntant l’habillage de cette décennie, c’est qu’on en a vu défiler pléthore depuis quelques années.
Pourtant, les membres du studio Koba semblent, avec Narita Boy, avoir poussé l’exercice de la référence au-delà de ce qui avait été fait auparavant. De son pixel-art, aux néons, en passant par ses sons de synthétiseurs, leur (premier) jeu transpire les années 80. De fait, si vous n’êtes pas encore sous le coup de l’indigestion, vous vous régalerez de ce véritable festin référentiel, démarrant dès le menu du jeu avec son visuel reprenant sans détour l’affiche culte de Tron.
Pour autant, Narita Boy n’oublie pas de mettre en place son propre univers et usera pour cela grandement des dialogues. En effet, à peine arrivé sur les rivages de ce nouveau monde que l’on se retrouve noyé dans un véritable lexique fourni de termes tels que Techno-épée, la Simulation Azur, Les Maisons du Trichome, ou encore l’Arborescence Sacrée. Un jargon censé apporter de la profondeur à l’ensemble, mais qui, couplé à des tirades parfois bien trop longues, ne fait que gonfler artificiellement, voire alourdir un lore et une histoire qui pourtant se contenteraient très bien de la narration visuelle dont le titre fait preuve.
Mais outre leurs capacités à être vecteurs d’histoire, les visuels du jeu sont tout simplement sublimes. C’est que l’on atteindrait presque l’aboutissement de ce pixel-art hérité des 80s. C’est simple, l’exploration des différentes régions formant le Royaume Numérique ne cesse d’émerveiller et de nombreuses séquences poussent à poser la manette, tant l’on se retrouve pantois devant une telle maîtrise artistique.
Une maîtrise que l’on retrouve également une fois le casque posé sur les esgourdes. Sa bande originale est la création du compositeur Salvinsky, lui aussi originaire de Barcelone, qui nous livre avec Narita Boy une véritable orgie auditive pour tous les amoureux de synth-wave. Une farandole de synthétiseurs et de voix robotisées viennent sublimer les tableaux de pixels que l’on traverse pendant une petite dizaine d’heures.
Une réussite sur le plan artistique incontestable qui se trouve renforcée par la capacité du jeu à se démarquer, malgré le désavantage d’user d’une esthétique qui peut lasser, car déjà (trop) vue dans d’autres titres.
Pas de besoin d’une révolution pour être bon
Néanmoins, tout amoureux que l’on puisse être de sa plastique, Narita Boy ne peut compter sur cette seule composante pour plaire. Il est donc temps de regarder de plus près ce que le studio Koba nous a concocté en termes de gameplay, mais aussi de level design.
À l’instar du scénario et de son esthétique, les idées émanant du gameplay de Narita Boy se veulent très référentielles. Les membres du studio Koba citent même ouvertement des titres tels que Another World et Castlevania, de belles références qui peuvent tout de même induire en erreur.
Car si l’affiliation au premier est très juste, elle l’est un peu moins avec le second, notamment concernant le level design. On pourrait en effet croire que Narita Boy se rapprocherait d’un metroidvania en proposant un monde aux différentes zones reliées. Or, il se trouve être bien plus linéaire et, hélas, ne profite pas d’autant de cohérence que les titres appartenant au genre tout juste cité.
L’absence totale de carte couplée à la nécessité répétée de revenir sur nos pas crée des situations où l’on se voit refaire les salles de la zone l’une après l’autre afin d’espérer trouver notre chemin. Une lourdeur qui viendra sans nul doute irriter les joueuses et joueurs habitués au level design sans faille d’un Hollow Knight, par exemple.
L’on passera rapidement sur les phases de plateforme qui, bien que pouvant être un peu retorses en début de jeu, sont tout à fait abordables une fois la physique du personnage assimilée. De plus, les phases centrées sur cette mécanique ne constituent qu’un faible pourcentage de l’ensemble de l’aventure, la majorité étant dédiée au combat.
Ces derniers débuteront une fois la fameuse Techno-épée récupérée. À partir de là, un arsenal de mouvements typiques des jeux d’action/aventure sera débloqué au fur à mesure de la progression. Dash, coup d’épaule, frappe ascendante, attaque tombée et coups spéciaux surpuissants viendront composer un gameplay certes classique, mais efficace. En tout cas, c’est bien suffisant pour apporter des joutes nerveuses et satisfaisantes face aux très nombreux ennemis du jeu. En effet, très variés, les sbires de « Lui » possèdent tous un design et des patterns poussant à utiliser toutes les cartes en notre possession. Une variété dans les ennemis et un dynamisme des combats permettent ainsi d’éviter une certaine monotonie.
Autant le dire tout de suite, votre appréciation ou non de Narita Boy dépendra grandement de votre appréciation du folklore gravitant autour des années 80. Car si ce raz-de-marée revival débuté il y a déjà plusieurs années ne vous apporte au mieux que de l’indifférence, au pire une forte nausée, vous ne trouverez dans Narita Boy pas grand-chose d’autre que des mécaniques de gameplay, certes efficaces, mais ô combien déjà vues.
Par contre, si la découverte d’œuvres empruntant l’esthétique de cette décennie ne cesse de vous ravir, vous pouvez alors vous jeter sans une once de doute sur ce titre, tant ce dernier déborde d’éléments visuels et musicaux réminiscents de cette époque ayant très certainement bercé les membres du studio Koba.
Impeccable sur le plan artistique et tout à fait correct sur ses combats, Narita Boy pèche tout de même dans ses dialogues bien trop verbeux et son level design forçant à un backtracking parfois lourdingue. Des défauts qui, pour celui ou celle qui saura passer outre, seront bien vite éclipsés par ses qualités.
Ainsi donc, c’est avec son immense souci du détail, sa mise en scène grandiose et sa composition visuelle à couper le souffle que Narita Boy nous pousse sans difficulté à replonger une fois de plus dans la pop culture des années 80.