Après une bêta regroupant plus de 350 000 joueurs, Mortal Shell se révèle dans sa forme finale. Le jeu, développé par le petit studio Cold Symmetry, s’est rapidement forgé une solide réputation de Souls-like de par son univers sombre et sa difficulté ardue. On vous le donne en mille : tout transpire le Dark Souls. Ce n’est un secret pour personne, le studio s’est largement inspiré de la célèbre série de FromSoftware, à commencer par son sombre univers et sa narration alambiquée.
Inutile de le nier, Mortal Shell démarre avec un net désavantage. Celui d’être sans arrêt comparé à un titan adulé par une armée de fans et devenu maître d’un genre. Et même si l’on doit éviter une comparaison directe dans l’exercice d’un test, le jeu emprunte trop ouvertement le pas de ce titan d’acier et de sang. Par conséquent, la comparaison devient incontournable. Vous êtes prévenu.
Lords of the Fallen, The Surge ou encore Nioh, on ne compte plus le nombre de tentatives de développeurs de s’introduire dans la brèche Miyazaki. Seulement, n’est pas Dark Souls qui veut. Voyons voir si Mortal Shell arrive à proposer une expérience digne sans tomber dans la pâle copie sans saveur.
(Test de Mortal Shell sur PlayStation 4 via un code fourni par l’éditeur)
On déplore le lore
Tout n’est que désolation. Dans un monde ravagé par les ténèbres, une âme peine à s’en détacher pour rejoindre la lumière. Pour se frayer un chemin dans cette obscurité omniprésente, elle va devoir prendre possession de corps inertes, anciens guerriers tombés au combat. Quatre coquilles vides (shell) ayant leurs propres caractéristiques pour quatre manières de jouer. Notre âme ayant trouvé refuge dans ce quatuor de héros déchus devra retrouver des glandes (ne nous en demandez pas plus, on n’en sait rien) et les donner au gardien capable d’ouvrir une brèche afin de quitter ce monde putride.
D’apparence complet, le lore de Mortal Shell manque cruellement de profondeur pour plonger le joueur dans ses tréfonds, et ainsi l’immerger dans cet univers de dark fantasy. Pourtant, tous les ingrédients sont réunis, à commencer par son environnement et ses personnages. Tout suinte la décrépitude et le titre respecte, en ce sens, son matériau de prédilection. L’univers façonné fascine les premières minutes, mais s’effondre au bout de quelques heures, la faute à des bases peu solides.
De plus, et c’est devenu une récurrente du genre, le jeu se montre très avare en informations et indications. Mais là où Dark Souls récompensait ses joueurs appliqués avec des pièces de puzzles disséminées ici et là, Mortal Shell n’a rien à offrir aux plus persévérants, si ce n’est un vide scénaristique qu’on ne demande qu’à remplir. Qui suis-je ? Pourquoi ? Qui est ce personnage ? Tant de questions qui resteront sans réponses, même une fois le générique de fin passé. Un vide qui révèle une fois de plus un lore incomplet.
Et c’est fort dommage, car le jeu n’a rien à envier sur le plan graphique à son modèle, et ce même avec une équipe restreinte. Mortal Shell est beau et sublime ses décors avec un jeu de lumière réellement impressionnant.
Mieux encore, les textures des armures sont d’un réalisme saisissant et renforcent cet aspect de coquille vide et de vulnérabilité de l’entité spectrale enfouie. Même si l’on pointe du doigt un lore jugé limité, le jeu se rattrape par ses graphismes de haute volée, une couche de verni certes superficielle, mais néanmoins bienvenue.
Jeune âme solitaire recherche corps mortels
Comme expliqué plus haut, quatre personnages sont jouables. Ici, pas d’expérience à accumuler dans le but d’améliorer ses statistiques, chaque personnage est unique dans son approche. Il convient de préciser en amont que seules trois caractéristiques influencent un personnage : la barre de vie, d’endurance et de détermination. Cette dernière équivaut aux points de magie, enfin, magie, c’est vite dit, car le jeu ne permet pas d’en faire, juste des techniques de combat.
Vous aurez l’imposant chevalier à la barre de vie allongée mais à l’endurance limitée, le voleur furtif mais à la défense défaillante, le mage à la détermination importante et enfin le guerrier aux caractéristiques équilibrées. Chaque corps possède ses atouts et ses faiblesses.
Sur papier, l’idée est bonne et permet de justifier cette absence de leveling. Seulement, on en fait rapidement le tour et on n’utilisera finalement qu’un seul corps pendant toute l’aventure, celui avec qui on est le plus à l’aise. En aucun cas, le jeu vous invite à changer de corps. On pourrait penser que certains adversaires seront plus abordables en fonction du guerrier sélectionné, mais il n’en est rien.
Plus vous décimez d’ennemis, plus vous récoltez du goudron, la monnaie du jeu qui est ni plus ni moins que les âmes dans Dark Souls. Ce dernier permet d’acheter divers objets auprès des marchands ambulants, mais surtout d’acquérir de nouvelles compétences pour les personnages.
Dans les abysses
Il est temps de s’attaquer au gameplay du jeu, l’aspect le plus clivant et le plus différenciant de Dark Souls. Et pour le coup, Mortal Shell prend un chemin un peu différent. Ce dernier insuffle deux mécaniques inédites intéressantes aux premiers abords, mais qui deviennent assez vite déconcertantes.
La première, c’est les parades. Il sera possible de parer des attaques ennemies avec le bon timing (quelques secondes avant de recevoir le coup). Si vous disposez d’assez de détermination (les fameux PM mentionnés plus haut), la parade peut s’accompagner d’une contre-attaque régénérant quelques points de vie au passage ou d’une attaque spéciale en fonction de la glande équipée (explosion, gel, etc.).
Malheureusement, la parade fonctionne sur certaines attaques, et pas sur d’autres sans plus de précisions. En résulte une incompréhension totale sur le bon moment où il faut l’utiliser. On soupçonnera même un bug tant la logique est inexistante. La frustration ne sera jamais loin quand vous pensez avoir placé une bonne parade au bon moment, et que le jeu décide que non sans réelle explication derrière. Et dans ces cas-là, la mort vous tend gentiment ses bras.
Justement, la mort, seconde mécanique à détailler. Si votre barre de vie descend à zéro, la partie n’est pas terminée pour autant. Il vous reste une petite chance de rattraper l’affaire. En effet, votre entité spectacle sera expulsée du corps sans vie et vous aurez une poignée de secondes pour y retourner. Cependant, attention, durant ce laps de temps, une seule attaque ennemie peut définitivement vous mettre à terre.
Quatre armes différentes seront à débloquer au fil de l’aventure, l’épée (l’arme de base), l’espadon géante, la masse et le duo le marteau/ciseau ; ces trois derniers seront à récupérer après un boss optionnel. Chaque arme est améliorable, débloquant dégâts supplémentaires et nouvelles attaques spéciales. Mais ces améliorations sont bien trop limitées, et comme pour les personnages, le jeu ne vous incite jamais à changer d’arme.
Côté bestiaire, c’est assez pauvre. Le jeu ne dispose pas d’assez de types d’ennemis et n’hésitera pas à bombarder ses maps de la même créature encore et encore (on a dû massacrer une bonne centaine de fois le même bandit en à peine quelques minutes). Et ce ne sont pas les quelques boss qui redoreront le blason, puisque ces derniers manquent clairement d’inspiration, que ce soit dans leur apparence ou dans le déroulement du combat.
Dernier coup de pied : la durée de vie. Comptez environ six heures pour boucler l’aventure. C’est évidemment trop court, surtout que cette faible durée de vie alimente toutes les critiques énoncées jusque-là : le jeu est trop limité. Avoir de la matière en plus permettrait justement de développer davantage le lore, le bestiaire… Alors oui, on peut toujours se dire qu’on peut refaire le jeu avec un corps différent ou une autre arme, mais avouez qu’on a déjà fait mieux en termes de rejouabilité, non ?
Mortal Shell manque clairement sa cible et souffre d’un manque évident de profondeur pour marquer réellement les esprits. Il ne suffit pas d’afficher des créatures odieuses stylées baignées dans des ténèbres pour faire un jeu. Lore limité, gameplay bancal, bestiaire risible et durée de vie trop faible, le titre s’embourbe dans bien des travers de base.
On retiendra juste du jeu une forte volonté des développeurs de rendre hommage à la saga Dark Souls, tellement forte qu’ils en ont omis de créer un univers unique et cohérent à l’arrivée…