Mortal Kombat 1, c’est avant tout la célébration des trente ans d’une licence devenue culte, et dont le nom parle même à ceux qui n’y ont jamais joué. Que ce soit pour sa version arcade initiale (1992) et ses dérivés sur SNES et Megadrive, pour le rire inoubliable de Christophe Lambert dans l’agréable nanar de Paul W.S. Anderson (1995) ou les excellentes chorégraphies du film de Simon McQuoid (2021), ou encore pour ses improbables crossovers avec l’univers de DC Comics, Mortal Kombat est devenue une référence de pop culture (allant jusqu’à inspirer le jeu Fiscal Kombat de la France Insoumise en 2017), qu’importe la qualité variable de ses opus vidéoludiques.
Sans forcément que ce soit la volonté première de ses créateurs, Ed Boon et John Tobias, la saga aura eu une empreinte indélébile sur le secteur vidéoludique. La violence débridée du jeu, et surtout des Fatalities (attaques spéciales permettant d’achever les ennemis de façon particulièrement gore), aura notamment été à l’origine de la création de l’ESRB, l’organisme américain catégorisant l’âge recommandé pour les jeux, équivalent de notre PEGI. Parallèlement, Mortal Kombat aura été le sujet d’un certain nombre d’études portant sur l’influence comportementale du jeu vidéo, et au cœur de plusieurs procès qui auront effacé définitivement cette idée que le jeu vidéo était uniquement destiné aux enfants.
Trente ans de violence plus tard, la licence tente un nouveau reboot avec Mortal Kombat 1, dont les premières informations avaient un air de renouveau et d’accomplissement, cristallisé dans la présence de Jean-Claude Van Damme. Enfin ! L’acteur qui avait inspiré le personnage de Johnny Cage, et même la création de Mortal Kombat (Ed Boon a récemment indiqué en interview qu’il pensait initialement appeler le jeu « Van Damme: The Arcade Game »), prête à la fois sa voix et son image, avec un skin le représentant tel qu’il apparaissait dans Bloodsport.
Quelques mois après un Street Fighter 6 réussi, et avant le très attendu Tekken 8, Mortal Kombat 1 se devait de nous montrer qu’il avait des tripes.
(Test de Mortal Kombat 1, réalisée sur PS5 à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Le Grand Tournoi – Une Kampagne aware
Contrairement à d’autres licences qui se sont construites autour de leurs mécaniques de combat, Mortal Kombat se définit aussi bien par son gameplay que par sa campagne qui, au fil des opus, aura construit un univers improbable, déjanté et pourtant cohérent, gravitant autour de protagonistes aux personnalités fortes, tenant souvent du cliché.
Mortal Kombat 1 embrasse tout son passé pour réinventer la mythologie du jeu au travers d’un scénario appréciable, même pour les non-initiés. Au cœur de celui-ci, on retrouve l’indéboulonnable Liu Kang, ayant abandonné son statut de divinité créatrice de l’espace-temps pour celui de « simple » dieu du feu et protecteur d’EarthRealm.
Mais avant cela, il aura bien veillé à recréer le continuum temporel afin que les vilains d’autrefois (Shang Tsung, Quan Chi et Shao Kan pour les citer) ne se recroisent pas dans son nouvel univers. C’est donc, étonnamment, dans un monde de paix que se déroule désormais le Mortal Kombat entre les royaumes d’Earthrealm et Outworld, jusqu’à ce qu’un mystérieux personnage vienne perturber l’équilibre de cette timeline.
Et c’est bien là que réside l’essentiel de l’intrigue, qui fait de son mieux pour préserver la cohérence de la saga : une nouvelle timeline pourra-t-elle assurer que les dissensions passées ne refassent surface, malgré tous les efforts de Liu Kang ? Et quid des autres fins possibles de Mortal Kombat 11 ?
Sans plus en dévoiler sur le sujet, Mortal Kombat 1 est une réussite en ce sens qu’il se réapproprie parfaitement les événements, canoniques ou non, des précédents opus, pour en proposer une relecture incroyable.
Pour les habitués de la série, cette campagne sera un spectacle particulièrement délectable : Scorpion et Sub-Zero sont désormais deux frères, et non plus des rivaux éternels ; Mileena s’avère être une princesse affligée d’une maladie sévère, dont la force n’empêche la bonté ; Sindel est une impératrice juste, et Shao Khan son général dévoué. Les cartes sont complètement rebattues dans un univers bien moins sombre qu’à l’accoutumée.
Comme pour ses précédents jeux, NetherRealm Studios brille dans la réalisation. Toutes les séquences sont sublimes, les animations des visages sont bluffantes de réalisme, les plans sont léchés, et nos mâchoires déboîtées.
La campagne est un pur plaisir cinématographique, riche en auto-références comme en clins d’œil à des films célèbres, et saupoudré de quelques combats venant ponctuer les climax. On est emportés dans l’ambiance de ce nouvel univers dès les premières images, et l’envoûtement fonctionne jusqu’au bout de la campagne de Mortal Kombat 1.
« Le Grand Kombat, c’est kontre soi-même ! »
Il serait plus honnête de dire que la campagne est une réussite sur sa première moitié, vraiment rafraîchissante dans son contenu. À l’inverse, la seconde moitié, bien que plaisante, est finalement très proche de ce qu’on a pu voir jusqu’ici dans la licence, comme si toute tentative de reboot devait inévitablement amener à une conclusion similaire.
On aurait aimé que NetherRealm prenne plus de risques et nous emmène sur des terres inconnues, plutôt que de réutiliser de la même façon des plot twists vus et revus (l’amulette de Shinnok, l’armée du roi dragon, etc.), dont la présence fait certes sens, mais déçoit par son manque d’inventivité.
Mais c’est surtout après la dizaine d’heures nécessaires pour conclure la campagne que le manque de nouveautés se fait sentir. À l’issue de celle-ci nous est proposé un nouveau mode, « Invasions », qui sert d’épilogue sous forme de jeu de plateau.
On peut ainsi traverser les lieux emblématiques de la campagne en vue du dessus, pour découvrir les événements qui ont lieu après la conclusion du scénario principal. Un mode appréciable, rappelant le mode Aventure de Super Smash Ultimate, mais finalement assez limité dans sa narration, sans véritable impact, et avec des mécaniques de jeu spécifiques qui favorisent le challenge au détriment du plaisir. Il aurait été plus judicieux et ludique d’y mêler des cinématiques, plutôt que ces saynètes fades avec une simple voix off pour nous raconter les événements.
À part ça, un mode « Tour » plutôt classique, où il faudra soit atteindre l’étage le plus haut du bâtiment, soit survivre le plus longtemps possible à une suite de combats sans regagner de vie, et un mode de combat, en local ou en ligne. Un endgame bien maigre en somme.
Vous aurez bien quelques heures à passer dans le mode Training pour découvrir, en détail, les multiples mécaniques du jeu qui nécessiteront une assiduité certaine pour que vous puissiez vous les approprier pleinement, et découvrir les possibilités de combo des différents personnages. Le gameplay est toujours aussi efficace, et appréciable peu importe son niveau.
On peine toutefois à voir le renouveau de la série dans ce contenu optionnel, qui tient finalement plus du rodage avant de se lancer dans la compétition en ligne.
Une déception d’autant plus grande que l’on constatera l’omniprésence et l’efficacité de l’habituel merchandising de Warner Bros. Finir la campagne ne vous permettra pas de débloquer toutes les cosmétiques de votre personnage préféré, à la place de quoi vous les obtiendrez (plus ou moins rapidement) dans le mode Invasions, ou plus facilement en passant par le store.
Toutefois, rien ne vous obligera à passer à la caisse, sauf si vous souhaitez obtenir des personnages additionnels.
Il nous faut également évoquer ici l’inacceptable mouture Switch du jeu, dont le tarif (70€) nous paraît impossible à justifier dans son état actuel. Fuyez donc cette version, en attendant d’éventuels patchs correctifs.
Quelques ombres ternissent ainsi le tableau de Mortal Kombat 1, mais on ne peut nier tout le plaisir qu’il procure dans son mode campagne, véritable aboutissement de ce dernier opus. Un plaisir renouvelé, pour une année qui aura tenu ses promesses pour les amateurs de jeux de combat.
Mortal Kombat 1, c’est tout sauf une boîte de chocolats : on sait parfaitement sur quoi on va tomber, un praliné pour les fans comme les petits nouveaux. Les qualités de ce reboot sont celles auxquelles nous a habitués le studio NetherRealm, à savoir une mise en scène impeccable, une facilité à nous replonger dans un univers qui paraît familier même aux non-initiés, et un gameplay encore peaufiné.
Et même si le jeu donne plus le sentiment d’une nouvelle itération que d’un nouveau départ, en ne réussissant pas à se détacher de certaines habitudes scénaristiques, il parvient tout de même à nous proposer une campagne rafraîchissante et une perspective nouvelle sur des personnages que l’on connaît depuis plus de trente ans. Une relecture qui mérite forcément le respect.
Alors oui, les modes de jeu accessibles après la fin de la campagne paraissent bien pauvres en comparaison, mais ils ne sont finalement qu’optionnels. Et l’essentiel est ailleurs : dans la présence de Jean-Claude Van Damme, et des autres icônes de la pop culture dans cette licence, qui suffit à effacer les petits défauts du jeu et vient combler à la fois les fans et les créateurs de la saga.