Découvert en mars dernier, Moonscars, avec son air de fils illégitime de Blasphemous, donnait terriblement envie. Développé par le studio Black Mermaid, dont c’est le premier jeu, et édité par Humble Games, le titre avait su attirer l’attention notamment grâce à son esthétique singulière et son approche apparente entre Souls-like et Metroidvania, très à la mode depuis quelques années maintenant.
À présent que le jeu est disponible sur consoles et PC depuis le 27 septembre, qu’en est-il réellement ? Moonscars arrive-t-il à s’émanciper de cette image de rejeton de Blasphemous ? Et surtout, les équipes de Black Mermaid sont-elles parvenues à trouver un équilibre entre une approche très « soulsesque » de l’aventure 2D et des combats, et l’aspect exploratoire que requiert les Metroidvania ?
(Test de Moonscars sur PS5 réalisée à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Viser la lune, ça ne lui fait pas peur
Dès les premières minutes, on est happé par l’univers qui s’offre à nous. La direction artistique de Moonscars est indéniablement l’un de ses plus gros points forts. L’esthétique, très peinture à l’huile, rend les environnements sublimes et on prend beaucoup de plaisir, tout au long du jeu, à découvrir les différentes régions créées. Il se dégage de chaque décor une ambiance assez unique, à la fois morbide, désolante, mais aussi parfois mélancolique. La palette de couleurs utilisée a beau être limitée, les détails sont nombreux et les différents choix d’architecture confèrent au jeu un cachet indéniable.
Et sur ce point, les différents personnages et ennemis rencontrés ne sont pas en reste, à commencer par Irma la Grise, notre « héroïne » dont les animations sont particulièrement bien travaillées. Globalement même, on prend beaucoup de plaisir à évoluer dans ce monde décharné aux côtés d’Irma, à découvrir le design tout aussi soigné de nos différents adversaires, et notamment des boss, remarquablement peaufinés, qui constituent à n’en pas douter les meilleurs moments du jeu.
Même le postulat de départ de l’intrigue est assez intéressant. On incarne donc Irma la Grise, une argiléenne, basiquement un être pouvant être copié sous forme d’argile et y transférer sa personnalité, qui s’allie avec son créateur, subtilement nommé « Le Créateur » afin de détruire ses créations ayant échappé à son contrôle.
Un peu à la manière des Souls, l’histoire se veut cryptique et il faudra s’armer de courage pour découvrir et comprendre les différents tenants et aboutissants. Mais encore faut-il le vouloir, car au final, si la base du récit est vraiment intéressante, assez peu d’éléments, et encore moins les dialogues, globalement insipides, ont réussi à nous donner envie d’en savoir plus, jusqu’à un dénouement qui nous a laissés de marbre.
Après une introduction faisant office de tutoriel, on commence à comprendre comment s’articulera l’aventure, et quelques excellentes idées pointent le bout de leur nez. Ainsi, nos premiers adversaires nous permettent de nous familiariser avec la mécanique de contre, indispensable pour lutter à peu près sereinement contre tous les types d’ennemis. Les contrer en les repoussant contre les pièges environnementaux, ceux-ci les tuant instantanément, est un véritable plaisir qui ne faiblira jamais tout au long de l’aventure.
Il se dégage de chaque mouvement, de chaque attaque de notre Irma la Grise, beaucoup de dynamisme rendant la découverte de l’univers de Moonscars particulièrement grisante. Pour accompagner les classiques attaques physiques, nous disposons de sorts à débloquer via un arbre de compétences. Mais attention, à la manière d’un Hollow Knight par exemple, la jauge servant à les incanter est la même que pour nous soigner.
Nous sommes habitués maintenant à ce genre de mécanique, mais cela reste très efficace, manette en main, et permet d’éviter que la magie ne déséquilibre un peu trop le jeu en permettant d’user et abuser des attaques à distance. Surtout qu’ici, la plupart des adversaires n’auront pas vraiment de réponse face à une attaque à distance, ce qui se sera révélé finalement utile pour nous aider à avancer à de nombreuses reprises.
L’une des idées les plus intéressantes mises en place dans Moonscars, c’est la possibilité de faire évoluer notre avatar, certes provisoirement, sans passer par un système de niveaux. En effet, une jauge de « malveillance » se remplit à mesure que l’on occit des monstres sans faillir jusqu’à ce que, une fois pleine, nous ayons le choix entre trois améliorations plutôt puissantes telles qu’une hausse de 10 % des dégâts critiques ou une augmentation de 25 % des soins.
Une direction artistique de toute beauté, des affrontements dynamiques très bien animés, des idées permettant de bien récompenser nos bonnes performances, qu’est-ce qui pourrait mal se passer pour Moonscars ? Tellement de choses, malheureusement…
Madame Irma, c’est quoi ce jeu ?
Avant que nous posions nos mains sur Moonscars, tout nous le vendait comme un mix entre Souls-like en 2D et Metroidvania moderne à la Blasphemous. Et effectivement, sur les premières heures de jeu, on ressent l’inspiration des jeux de FromSoftware, avec des combats âpres, nos poudres d’os (équivalent des âmes d’un Dark Souls), surtout utiles chez les marchands, à récupérer à l’emplacement de notre mort et des autels (représentés par un miroir ici) faisant office de checkpoint.
Mais globalement, cela ne va pas plus loin. Au final, Moonscars n’est pas un Souls-like. Il ne propose aucune évolution permanente de notre personnage par exemple, au-delà de quelques sorts à débloquer. Il n’est même pas un Metroidvania, bien qu’il tente là aussi de singer certains points éprouvés dans les références du genre, mais la seule réelle compétence déblocable du jeu ne survient que sur le dernier quart de l’aventure (et avec l’une des cartes les plus illisibles qu’il nous ait été donné de voir).
Alors, on peut évidemment se dire que le problème vient de nos attentes finalement mal placées. Néanmoins, ce positionnement « cul entre deux chaises » empiète sur l’expérience globale. Car en chassant ces deux lièvres, les développeurs ont complètement détruit l’équilibre de leur œuvre, avec notamment des ennemis puissants nous tuant en deux ou trois coups, comme on en retrouve dans tout bon Souls-like, placés dans des salles par grappe de quatre ou cinq, et ce très régulièrement.
En résulte une expérience qui devient rapidement extrêmement frustrante, voire même pénible. Pire, le jeu insiste à chacun de nos trépas pour nous rendre la tâche encore plus ardue avec sa mécanique de lune sanglante. Concrètement, à chacune de nos morts, le jeu se place sous une lune sanglante rendant les monstres bien plus résistants et puissants.
Bien sûr, il est toujours possible d’utiliser un ganglion, mais cette ressource rare et limitée a aussi d’autres utilités et on préfèrera le plus souvent continuer de subir et souffrir en pestant contre ce concept saugrenu.
Il en va de même pour cette idée qui consiste à nous sanctionner lorsque, parfois dans la douleur, nous atteignons enfin un salvateur checkpoint. À l’activation de celui-ci, nous sommes automatiquement téléportés dans notre base où nous attendent marchands et autres PNJ amicaux. Voilà qui pourrait s’avérer pratique, du moins si à l’emplacement de l’autel précédemment découvert n’avait pas été créé une copie de notre avatar, plutôt puissante, attendant notre retour pour nous faire la peau… On a connu mieux comme récompense.
À deux doigts de la catastrophe
Impossible de ne pas évoquer ce point. Si vous jouez sur console, comme ce fut notre cas, prenez garde. Moonscars souffre de très nombreux pépins techniques, et encore plus si vous êtes sur Switch. Entre les crash réguliers (nous en avons bien subi une demi-douzaine sur les dix heures qu’il nous a fallu pour boucler l’aventure), les softlocks (une porte refusant de s’ouvrir malgré l’accomplissement de l’objectif par exemple), les bugs visuels et moult ralentissements, le titre de Black Mermaid est à la limite de l’inacceptable.
Hot fixes patch for Xbox and PS arrived.
It brings fixes for crashes, soft locks and systems balances
Thank you for playing and being patient while we continue working on bigger improvements for the next patch.— Moonscars (@MoonscarsGame) October 15, 2022
Depuis la sortie, les équipes de développement sont à pied d’œuvre et quelques patchs ont déjà été déployés, mais la route n’est pas encore terminée et nous ne saurions que trop vous conseiller de patienter si jamais vous souhaitiez découvrir le jeu, le temps que la plupart des soucis constatés soient, espérons-le, résolus. En tout cas, il est possible de suivre les évolutions et réparations prévues directement sur le compte Twitter du jeu
On se demande encore vers quelle direction souhaitaient s’orienter les équipes de Black Mermaid quand ils ont conçu leur jeu. En s’inspirant à la fois des Souls-like, des Metroidvania voire même des hack & slash, Moonscars se perd dans ces emprunts et se contredit régulièrement dans ses choix de mécaniques. L’expérience devient alors, au fur et à mesure que l’on progresse, de plus en plus déséquilibrée.
Pourtant, les développeurs ont réussi à créer un univers fascinant à la direction artistique remarquable, certes proche de ce qu’a pu proposer Blasphemous, mais avec son propre cachet, sa propre personnalité. Et du côté du gameplay pur, l’ensemble est très réussi, dynamique à souhait et les combats contre les boss peuvent mériter à eux seuls de se lancer dans l’expérience.
Il est donc d’autant plus regrettable que les excellentes bases du jeu soient ruinées par plusieurs choix douteux rendant le jeu particulièrement frustrant et de très nombreux bugs qui nous poursuivront jusqu’à la conclusion de l’aventure. On espère que les équipes de Black Mermaid sauront trancher quant au genre de leur prochain jeu, car c’est bien connu, à courir plusieurs lièvres, on n’en attrape aucun, et c’est un peu ce qui est arrivé à Moonscars.