La série des Wonder Boy est celle de ces jeux dont la chronologie s’avère bien compliquée à suivre. Entre dénominations différentes d’un pays à l’autre, et ajout de sous-chapitres et de numérotations des épisodes là encore parfaitement abscons en fonction de la localisation, on s’y perd très facilement. Nous n’allons point en faire ici le récit détaillé, sachez simplement que la saga a évolué au fil du temps, partant du simple jeu de plateforme de base qu’était le premier opus pour s’orienter vers un gameplay plus évolué, comportant ce qu’on appelle couramment de nos jours un aspect Metroidvania certain mixé avec des éléments RPG indéniables. Monster Boy et le Royaume Maudit est de ceux-là.
Lizardcube (dont on attend avec impatience le Streets of Rage 4) et DotEmu, deux studios français, nous avaient livré une résurrection de haut vol de Wonder Boy: The Dragon’s Trap il y a quelques temps, un remake de toute beauté de ce jeu d’exception initialement paru en 1989 sur Master System.
Aujourd’hui, c’est un autre groupe qui s’attaque à la licence, un titre lui aussi développé par des Français, Game Atelier. Décidément, Wonder Boy à la cote ces derniers temps, mais faut-il sans cesse ressortir les vieilles gloires du placard ? Voyons cela de plus près.
Wonder Boy 8
Monster Boy et le Royaume Maudit est un jeu au parcours plutôt atypique. Initialement lancé sur Kickstarter il y a des lustres comme suite de l’excellent Flying Hamster du même développeur, un shoot’em up tout mimi, il avait subi un fail sur la plateforme de financement, mais avait été sauvé du gouffre par l’intervention de l’éditeur FDG. Dès lors, les développeurs avaient désormais une certaine latitude pour exprimer leur créativité.
De fil en aiguille, le style du jeu s’est plus ou moins réorienté vers une sorte de Wonder Boy-like, avant que celui-ci ne se voit propulsé vers le statut de suite officielle à la série, ce qui a impliqué pas mal de remaniements niveau gameplay et technique, ainsi que des retards à répétition totalement compréhensibles au vu du chantier à mener.
Et aujourd’hui, nous y voilà ; Monster Boy et le Royaume Maudit est bel et bien réel, et bénéficie même, tout comme le remake de The Dragon’s Trap avant lui, de la collaboration du créateur de la série originelle, Ryuichi Nishizawa. Un développeur talentueux, un créateur originel talentueux pour accompagner le projet, des musiciens talentueux… Il faudrait vraiment s’y prendre comme un manche pour accoucher d’un jeu tout juste moyen, et heureusement, vous vous en doutez, ce n’est pas le cas.
Tonton, laisse le tonneau tranquille
Monster Boy et le Royaume Maudit débute par une cinématique typée manga du plus bel effet, à laquelle fait suite le début du jeu en lui-même. On y découvre un jeune homme aux cheveux bleus, que l’on appellera Jin du fait que, heuu, c’est son nom, en train de pêcher posément près de chez lui, sur une île paradisiaque qui constitue un peu le décor récurrent des jeux de la saga. Quand soudain surgit son oncle, perché sur un tonneau volant et muni d’une baguette magique capable de transformer tout un chacun en créature animale, ce dont il ne se prive pas, changeant la majeure partie des villageois en bestioles diverses (y compris le frère de Jin).
Ni une ni deux, notre valeureux héro prend les armes et se lance à la poursuite de son oncle, apparemment sous le contrôle d’un être maléfique, afin de le libérer de son sort. C’est donc parti pour une aventure à l’ancienne, c’est à dire un action/platformer en 2D mâtiné de Metroidvania, ce qui impliquera moult allers et retours afin d’acquérir les sorts, armes et objets nécessaires à votre progression, puisque certains endroits ne vous seront pas accessibles sans aller récupérer tout ce barda. Un jeu non-linéaire donc, tel qu’initié par ses ancêtres les plus récents, le dernier en date remontant quand même à 1994.
L’aspect RPG s’introduit ici, non pas via une montée de niveau du personnage ou par l’acquisition de points de compétences destinés à faire évoluer telle ou telle capacité, mais plutôt en récupérant des pièces sur les ennemis déchus ou dans divers coffres et éléments du décor, lesquelles vous serviront à craquer votre PEL dans les magasins disséminés au fil des niveaux. Ce, afin d’obtenir armes, boucliers, éléments d’armure, potions de soin et autres recharges magiques bienvenues histoire de faire face à la menace sans se retrouver démuni. Et puis, Wonder Boy spirit oblige, il y a les transformations.
Transformers
Fer de lance, notamment, de The Dragon’s Trap évoqué plus haut, cet élément de gameplay original permet au fil du jeu de se changer en diverses créatures, chacune dotée d’une capacité propre octroyant au joueur la possibilité d’avancer toujours plus loin après avoir mis la main dessus. Par exemple, la forme serpentine vous permettra de ramper sur des parois inaccessibles aux autres, tandis que le dragon vous conférera la faculté de voler, ou encore le lion celle de charger dans des blocs de pierre indestructibles sans sa puissance. Cet aspect constitue bien entendu tout le sel de Monster Boy et le Royaume Maudit.
Tout ceci vous vaudra, on l’a dit, un bon nombre d’allers/retours pour retourner à une zone auparavant inaccessible afin de profiter de vos nouveaux talents. On pourrait s’y paumer, me direz-vous, mais en tout bon Metroidvania qu’il est, Monster Boy vous gratifie d’une carte parfaitement lisible vous indiquant les différents tableaux, endroits découverts, zones inexplorées, bref, la map classique mais efficace qu’on aurait bien aimé avoir dans les anciens volets de la saga.
C’est beau, et c’est re-beau par-dessus
Et techniquement, ça se passe comment ? He ben écoutez, ça se passe magnifiquement bien. Le jeu, dessiné à la main, est sublime à voir, les musiques sont parfaitement dans l’esprit Wonder Boy (bien qu’elles tournent rapidement en boucle et auraient tendance à devenir agaçantes au bout d’un moment), et la maniabilité est impeccable si tant est qu’on aime les jeux à l’ancienne en scrolling 2D. Le level-design est de fait conçu pour vous poser des pièges constamment, que ce soit via les ennemis ou les chausses-trappes à gogo dont regorge le jeu. L’apprentissage par la punition, tel sera votre chemin de croix, sachez-le. Et c’est ça qu’on aime, pas vrai ?
On applaudira également à deux mains (et deux pieds pour les plus souples) les sonorités du jeu, qui, des bruits de sauts au son des pièces qu’on récolte, nous renvoient directement dans le passé, c’est à dire aux épisodes les plus cultes de la série. Une belle petite intention pour les oreilles du nostalgique aiguisées que certains d’entre nous sont…
Si vous découvrez à peine la licence Wonder Boy, Monster Boy et le Royaume Maudit risque de vous déstabiliser un peu, car il s’agit d’un jeu clairement orienté rétro et destiné à ceux qui ont vécu les belles heures de la saga. Un ravissement pour l’œil et les oreilles, doté d’une maniabilité impeccable et d’une durée de vie conséquente, on a du mal à trouver quoi reprocher à Monster Boy.
Si vous n’avez rien contre un jeu action/aventure typé rétro en 2D avec une map pleine de passages cachés et de pièges et énigmes à vous taper, allez-y sans hésiter, c’est de la bonne !