Depuis 2007 les joueurs étaient dans l’attente d’un nouveau Metroid Prime. Il aura donc fallu 18 ans pour avoir une nouvelle aventure 3D de Samus Aran. Annoncé en 2017, puis complètement recommencé en 2019, Metroid Prime 4: Beyond arrive enfin sur Switch et Switch 2 en cette fin 2025. Un accouchement dans la douleur pour un résultat final qui sonne comme un étrange hommage à son cycle de développement, nous faisant passer par toutes les émotions, de l’extase visuelle à la frustration archaïque.
(Test de Metroid Prime 4: Beyond réalisé sur Switch 2 à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Un nouveau départ, sans le lore
La question brûlait les lèvres des fans : comment ce quatrième opus s’intègre-t-il après la trilogie originale ? Retro Studios a fait un choix radical : faire table rase (ou presque) du lore précédent pour accueillir les néophytes. On retrouve Samus en mission pour la Fédération Intergalactique afin de protéger une relique. Une opération qui tourne au fiasco suite à l’attaque de Sylux et des Pirates de l’Espace, propulsant notre héroïne et plusieurs soldats sur la planète Viewros. Pour regagner son monde, la chasseuse de primes devra réunir cinq clés activant un téléporteur, tout en préservant l’héritage de la civilisation disparue des Lamorn.
L’histoire de ce peuple, racontée via des journaux disséminés, constitue le cœur narratif du jeu et se révèle plaisante à suivre. En revanche, les fans de Sylux risquent de grincer des dents : l’antagoniste est quasi-absent. Pour connaître le fin mot de l’histoire le concernant, il faudra soit viser le 100% (scanner tous les objets, boss et personnages), soit passer à la caisse en achetant l’amiibo dédié pour 30€. Une pratique commerciale douteuse qu’on espérait ne plus voir.
Viewros : Le paradis et l’enfer
La structure du jeu repose sur cinq donjons distincts, contenant chacun une clé à récupérer, reliés par un hub central : Sol Valley. C’est ici que le bât blesse. Ce hub est un désert, au sens propre comme au figuré. Vide, artistiquement pauvre et dénué de musique (déblocable par amiibo…) et de cohérence avec le reste, il représente le pire du jeu. On s’y ennuie ferme, d’autant que, Metroid oblige, les allers-retours y sont nombreux au cours de l’aventure.
Cette faiblesse est d’autant plus frustrante qu’en dehors de cette zone, tous les niveaux frôlent l’excellence. Chaque donjon possède son écosystème propre (forêt, forge dans la tempête, ceinture de glace, volcan, mine), avec une mention spéciale pour la forêt et la glace, aux ambiances radicalement opposées mais toutes deux magnifiques. Porté par un sound design de haute volée et une technique irréprochable (4k à 60 fps constants), Retro Studios rend une copie parfaite sur la conception des donjons.
Une structure datée
Si la « boucle Prime » (explorer, scanner, tirer) fonctionne toujours, le studio semble parfois resté bloqué sur de vieilles mécaniques. Le jeu souffre d’une « fausse liberté ». Lors de l’obtention de la moto, on vous invite à aller « où vous voulez » pour la prochaine clé. Dans les faits, un seul chemin est praticable. On notera d’ailleurs une incohérence frustrante dans la zone de glace : si vous tentez d’y accéder trop tôt, l’accès se bloque une fois entré dans la zone après un temps de chargement, contrairement aux autres zones où le blocage se fait de manière organique dans le hub.
Le titre accumule les mécaniques d’un autre temps : retour de la sauvegarde manuelle, obligation de passer un « permis de pilote » pour la moto, et une structure très « vieux Zelda » qui manque de fluidité. L’exploration, cœur de la saga, est ici bien plus assistée. Entre les cartes complètes dès le début de zone et la possibilité d’afficher les objets manqués, le level design se fait plus « couloir ». On ressent rarement ce frisson de découvrir un chemin caché par soi-même. Ce choix permet néanmoins d’intensifier le rythme au sein des niveaux, enchaînant puzzles et gunfights sans temps mort.
Un gameplay de haute volée, sublimé face aux boss
Côté action et réflexion, il n’y a pas grand-chose à reprocher à Metroid Prime 4. Les phases s’alternent bien, les puzzles utilisent la plupart des mécaniques de Samus et les munitions élémentaires ajoutent une touche stratégique bienvenue (quel plaisir de geler un ennemi trop véhément !). Mais la véritable réussite réside dans les combats de boss. Variés, intenses et toujours très qualitatifs, ils constituent systématiquement le point d’orgue des donjons. Contrairement au reste du bestiaire, chaque boss propose une mécanique unique qui vient brillamment valider la maîtrise du gameplay et l’apprentissage des patterns.
On regrette cependant que les énigmes n’exploitent pas assez ces nouveautés. Le tir psychique est sous-utilisé en dehors des combats, et les munitions élémentaires se contentent souvent d’ouvrir des portes de la couleur correspondante. On aurait aimé plus d’inventivité, notamment dans le volcan avec l’élément de glace, plutôt que de simples clés colorées.
Le jeu tire également parti des fonctionnalités de la Switch, offrant plusieurs modes de visée. Le mode « Souris » offre une précision redoutable, mais rend l’accès aux boutons de façade (X et Y) douloureux sur la durée. Le combo Stick + Gyroscope s’avère être le meilleur compromis pour les longues sessions, offrant la précision nécessaire à la visée libre imposée par le titre.
Samus perd le rythme
Avec ses donjons de qualité et son aventure dynamique, Metroid Prime 4 est un modèle de rythme… jusqu’à ce qu’il décide de mettre un coup d’arrêt brutal. Une fois les 5 clés réunies, alors que le scénario s’emballe, le jeu tire le frein à main pour nous imposer une séquence de remplissage lunaire. Il faut alors parcourir le désert (encore lui) pour trouver des pièces de mécha et briser des cristaux verts. Une séquence obligatoire, longue (30 à 60 minutes) et molle, rendue pénible par une moto dont la hitbox sur les cristaux est inutilement exigeante. Heureusement, le boss de fin vient sauver les meubles avec un affrontement intense, à condition de faire abstraction d’une première phase parasitée par la nécessité de ressusciter des PNJ alliés à l’IA suicidaire.
Car Samus n’est pas seule dans cette aventure. Elle devra sauver différents soldats de la Fédération qui lui prêteront main-forte ponctuellement. Heureusement, 90% de l’aventure se parcourt en solo, évitant la surcharge de dialogues souvent génériques. Mention spéciale à McKenzie, l’ingénieur à qui il faudra rendre visite à chaque amélioration. Pensé comme un sidekick comique, il se révèle plus insupportable qu’autre chose, vous indiquant quoi faire après seulement deux minutes d’inactivité. Heureusement, ses apparitions restent limitées.
Après autant d’attente, Metroid Prime 4 était attendu au tournant. Si le désert raté, la moto sous-exploitée et les relents de game design daté de 2007 déçoivent, Retro Studios n’a pas perdu son savoir-faire légendaire en matière de donjons. Artistiquement somptueux, techniquement irréprochable et doté de boss mémorables, le jeu alterne le génie et la frustration. Un retour qui rappelle toutes les qualités de la saga, permet un bon point d’entrée pour les nouveaux venus, mais qui n’arrive pas tout à fait à passer la vitesse supérieure.


