La France, terre d’accueil du J-RPG ? Alors qu’un certain jeu français est en train de tout rafler, un autre titre, sorti le même jour, lui aussi sous bannière tricolore, fait également un bel hommage au genre. Maliki Poison of the Past, réalisé par le tout jeune studio Blue Banshee et édité par Ankama transporte l’héroïne de bande-dessinée dans une aventure à travers le temps sur PC et Nintendo Switch
Il faut dire que le projet n’était pas chose aisée : transposer vingt ans d’histoire dans une vingtaine d’heures de jeu, c’est ambitieux. Pourtant, nous pouvons déjà l’affirmer : Blue Banshee n’a pas seulement réussi son pari, le studio a créé une superbe porte d’entrée pour une licence déjà présente de manière fragmentée sur plusieurs médias.
Comment faire pour créer un jeu qui puisse à la fois satisfaire le public déjà acquis à la licence depuis toutes ces années et toucher un nouveau public, plus général, amateur de RPG ? Une question qu’il est légitime de se poser lorsqu’on voit les origines du jeu : Souillon, le créateur de la licence, est un adepte des projets de financement participatif, et Maliki Poison of the Past ne fait pas exception à la règle.
(Test de Maliki Poison of the Past réalisé sur Switch à partir d’une version commerciale du jeu)
Sauver le monde, oui, mais de Poison ou des hommes ?
Maliki a vécu nombre d’aventures depuis 2004 et c’est ici une toute nouvelle épopée qui commence, mais ce n’est pas elle qui en sera le personnage principal. Dès les premières secondes, le joueur fait connaissance avec Sand, protagoniste du jeu… qu’il voit immédiatement attaqué par des plantes mutantes dans une rue parisienne ! Fort heureusement pour notre héros, le temps s’arrête, un portail s’ouvre et une voix mystérieuse (très) insistante l’intime de le traverser.
Sans aucune surprise, c’est Maliki qui nous attend de l’autre côté. Sand est alors embarqué dans une aventure pour sauver le monde de Poison, un monstre végétal qui cherche à se débarrasser des hommes, responsables de désastres écologiques en tous genres. Pour ce faire, il sera accompagné de personnages bien connus des aficionados de la licence : Fang, une technicienne de génie, Becky, une fermière protégée par ses animaux, et Fénimale, une fée chargée de protéger la Nature.
Afin de pouvoir affronter Poison, Sand et ses compagnons devront voyager à travers le temps grâce à l’une des inventions de Fang et les mystérieuses capacités de Maliki qui est, quant à elle, cantonnée au Domaine, le lieu central du jeu où vivent les différents personnages. Dans cette zone, le joueur découvrira l’une des réponses potentielles de l’équipe du jeu aux questions posées lors des interactions entre Poison et nos personnages : un domaine à la végétation luxuriante, où nos personnages vivent en harmonie avec la nature.
Vous l’aurez bien compris, le thème de l’écologie, déjà bien présent dans l’univers de Maliki, est au centre du jeu. Pour soutenir ces thématiques, Blue Banshee adapte le style très coloré de la licence à merveille. Que ce soit le Domaine, les différents environnements que Sand devra traverser ou les divers ennemis qu’il faudra affronter, les petits personnages prennent vie et sont un plaisir à suivre au cours d’un scénario qui laisse la part belle à l’émotion.
L’ambiance sonore et musicale n’est pas laissé en reste et Tai Wuang, qui signe ici son premier travail sur un jeu vidéo, sur l’OST et le sound design, réussit à mettre en valeur chaque phase de jeu. Le son est clairement l’un des points forts du jeu, avec des thèmes récurrents qui s’adaptent à chaque nouvel espace traversé par le joueur. Etant déjà habitué à travailler sur l’univers sonore de Maliki, à travers les campagnes et « le générique de la série animée qui n’existe pas encore », il s’appuie sur ces créations précédentes pour enrichir l’univers sonore du jeu.
Un scénario qui est mené avec brio, porté par des visuels et une bande-son de qualité, avec des dialogues qui font la part belles aux interactions entre les personnages et l’humour. Si les fans de la première heure pourront s’amuser à repérer diverses références aux aventures en BD de l’équipe, la construction narrative permettra à un public plus néophyte de découvrir progressivement les personnages de la licence et les liens qui les unissent.
Je voudrais inverser le temps…
Si nous nous attardons avant tout sur des questions narratives et thématiques, c’est que le gameplay de Maliki Poison of the Past est en totale adéquation avec eux. En bon RPG au tour-par-tour, le joueur devra alterner des phases d’exploration, avec divers puzzles à résoudre grâce aux capacités de terrain de nos quatre protagonistes, et des phases de combat.
Ces phases de combat, au tour-par-tour, sont, sur beaucoup d’aspects, très traditionnelles, dans le bon sens du terme. Les codes du genre sont adaptés efficacement, ce qui permet une prise en main facile dès le début du jeu. C’est grâce à cela que le twist trouvé par les développeurs fonctionne aussi bien : puisque Sand peut manipuler le temps grâce aux inventions de Fang, il est tout naturel qu’il soit possible de manipuler l’ordre des tours.
Remonter le temps, avancer le temps : il est possible de déplacer l’action des personnages et des ennemis afin de coordonner des attaques ou se protéger. C’est une mécanique novatrice, et le joueur aura besoin de temps afin d’en mesurer le plein potentiel à mesure qu’il avancera dans le jeu. Un plein potentiel qui se révèlera d’autant plus à mesure que l’équipement de Sand et ses compagnons seront améliorés dans le Domaine.
Des phases de gameplay sont également réservées au Domaine, et servent à appuyer le sous-texte écologique. Les personnages ne sont pas les seuls à vivre en harmonie avec la nature : Sand, également, doit s’adapter à cette manière de vivre. Grâce à ses capacités de manipulation du temps, il lui incombera notamment la tâche de s’occuper de l’Arbre aux Milles Racines, qu’il faudra faire grandir à l’aide de Naturons et de Souffles de Vie collectés dans l’aventure pour débloquer de nouvelles zones dans le domaine.
Les mécaniques de gameplay, qui sont satisfaisantes à suivre et à exécuter, sont clairement au service de ce récit, déjà rondement mené par ses dialogues, ses visuels et son ambiance sonore. C’est une manière de plus d’engager le joueur dans les aventures des personnages peuplant l’univers de la licence, et c’est un moyen particulièrement efficace.
Un projet de passionnés… avec ses succès et ses faiblesses
Si Maliki Poison of the Past brille tant par son histoire que son gameplay, c’est avant tout parce que c’est un travail de passionnés, de jeu vidéo et de Maliki. Blue Banshee n’est pas juste un nouveau studio, c’est un studio qui a été créé pour réaliser Maliki Poison of the Past avec, à sa tête, deux personnalités connaissant bien le milieu du jeu vidéo, Anthony Roux et Etienne Jacquemain. Souillon, le créateur de la licence, est le troisième dirigeant du studio.
C’est, à notre avis, probablement ce qui fait la force du titre : c’est une adaptation, certes, mais porté par une véritable flamme pour le fond comme la forme, et cela se voit dans chaque aspect du jeu.
Cependant le projet a été dirigé par des personnalités avec beaucoup d’expérience Maliki Poison of the Past reste un premier projet pour l’équipe. Si c’est un sans-faute d’un point de vue de l’histoire et du gameplay, la passion ne fait pas tout. Le (seul) point noir du jeu, c’est sa technique : l’expérience, très agréable, est ternie par la présence de nombreux bugs, notamment lors des combats, qui peuvent parfois demander d’aller jusqu’à relancer le jeu.
Cela peut parfois être particulièrement problématique : difficile de savoir si, sur certaines phases de jeu, un soucis technique était bloquant, ou s’il fallait juste chercher une autre solution. Les bugs ne sont donc pas un simple point noir du titre : ils peuvent parfois représenter un réel handicap. Pour autant, contrairement à certaines licences bien connues, l’équipe de Maliki Poison of the Past est très réactive, et est (déjà!) au travail pour régler les différents soucis que peuvent rencontrer les joueurs. Nul doute que le jeu deviendra alors une copie parfaite une fois ce patch validé par Nintendo…
Maliki Poison of the Past n’est pas un produit parfait. Il est le premier projet d’un studio jeune, et cela se ressent parfois. Cependant, il est clair que c’est un projet réalisé avec beaucoup d’amour pour l’univers qu’il adapte et pour le genre vidéoludique auquel il rend hommage. Bien que le calendrier ne lui ait pas été favorable, c’est clairement un jeu qui mérite de figurer dans la collection de n’importe quel fan de JRPG tant l’amour pour ce genre transpire sur chaque pixel de l’écran à chaque instant.
De plus, Souillon ayant pensé Maliki Poison of the Past comme l’ouverture d’un nouveau cycle dans les aventures de Maliki, c’est aussi un excellent moyen de découvrir la licence, touchante avec une bonne dose d’humour. La (re)découverte des personnages, des relations qui les lient à travers le médium vidéoludique et L’interactivité, la dimension sonore ajoutée avec le dixième art pourra certainement toucher un nouveau public, qui serait passé à côté de la bande dessinée malgré ses qualités…