Vieux succès du début des années 2000, Mafia: The Lost City of Heaven, premier volet d’une trilogie de renom, se refait une beauté dans une nouvelle version intitulée Definitive Edition. À comprendre ici que le titre signé Illusion Softworks (devenu 2K Czech) a profité d’un remake tant sur le plan graphique que scénaristique (oui, des séquences inédites ont été ajoutées), projet chapeauté par le studio Hangar 13. Et il faut avouer que les premières images du jeu nous envoyaient du rêve, nous promettant toujours plus de réalisme au pays des malfaiteurs.
Maintenant, même avec la meilleure volonté du monde, il est toujours ardu de remettre au goût du jour un jeu vieux de plus de 18 ans. Que ce soit sur le plan graphique comme sur le gameplay, le chantier s’avère colossal bien que Mafia, premier du nom, fût un succès incontestable et reste encore aujourd’hui une référence en matière de narration. Alors, mission accomplie ? Nos gangsters sont-ils toujours dans le coup ?
Avant de continuer, il nous semblait important de préciser l’offre 2K au sujet de leur trilogie Mafia. Seul le premier a bénéficié d’un remake, le second épisode sorti en 2010 a simplement joui d’un remaster, le troisième et dernier n’a pas eu besoin d’un travail supplémentaire étant donné sa récence (2016). Mafia: Definitive Edition peut être acquis de manière individuelle, mais également en lot avec les deux autres jeux mentionnés (et leurs DLC respectifs) dans un pack nommé Mafia Trilogy. Maintenant que c’est plus clair, revenons à nos scélérats à beaux chapeaux.
(Test de Mafia: Definitive Edition sur PlayStation 4 effectué à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Vis ma vie de malfrat
Mafia nous raconte l’histoire de Tommy Angelo, inoffensif conducteur de taxi qui bascule, en à peine un soir, dans la vie tumultueuse de gangster. En un claquement de doigts et par un total hasard, le jeune homme devient membre de la famille Salieri, organisation peu scrupuleuse ayant des vues sur la ville fictive de Lost Heaven. Ses talents de conduite et de tir lui permettent peu à peu de gravir les échelons pour devenir l’un des piliers du groupe. Seulement voilà, le succès et l’argent attirent toujours des rivaux, et dans notre histoire, il s’agit du clan de la famille Morello, autre parrain de la pègre. Va s’ensuivre alors une guerre sanglante entre les deux familles, guerre dans laquelle tous les coups sont permis.
Même après toutes ces années au compteur, le scénario reste toujours autant prenant (du moins pour ceux qui aiment le genre). Car derrière le jeu se cache la vie d’un homme régie par la violence et la vengeance. Mais là où Mafia: Definitive Edition brille, c’est dans sa narration que l’on qualifiera d’exemplaire. Déjà convaincante en 2002, celle-ci passe à un niveau supérieur. Sublimée par des graphismes de haute volée (nous y reviendrons un peu plus tard), l’histoire est contée tel un film. D’ailleurs, tout le scénario est organisé sous la forme de flashbacks chapitrés, une mécanique assez rare dans un jeu vidéo. Osons ces mots : par moment, c’est comme si nous étions devant un long-métrage à la Martin Scorsese tant l’intensité est présente.
Lorsque Hangar 13 avait annoncé vouloir ajouter du contenu, le doute était permis avec un risque d’éparpiller le récit et de briser cette narration ô combien précieuse. Mais il n’en est rien, bien au contraire. Les scènes inédites approfondissent l’univers sans le dénigrer, en résultent alors une immersion agrandie et une meilleure compréhension des personnages et de leurs relations.
Personne n’échappe aux affres du temps
On le disait plus haut, Mafia: Definitive Edition a profité d’un travail méticuleux sur ses graphismes. Le rendu est saisissant et n’a plus rien à voir avec celui du passé. Le jeu est magnifique, que ce soit sur ses décors ou sur ses personnages. On souligne également les impressionnantes expressions faciales, amplifiant son rapprochement avec le septième art. Néanmoins, on n’échappe pas aux affres du temps si facilement. Car même si de façade le jeu répond aux standards actuels (mention spéciale au travail effectué sur les lumières), dans le détail, c’est autre chose.
Déjà, le jeu accuse de sérieux problèmes de clipping (on le rappelle, test sur PS4) et de contraste essentiellement lors des passages d’un intérieur vers un extérieur, le soleil éblouit bien trop et vous bloque littéralement la vue.
Ensuite, l’interaction du personnage avec son environnement se veut datée et accuse un retard conséquent, en décalage avec les graphismes affichés, à commencer par une action toute bête : descendre des escaliers. Monter dans une voiture, se cacher derrière un élément du décor, toutes ces actions de base d’apparence anodine nous rappellent en une fraction de seconde l’âge de l’œuvre.
Autre coutume du temps passé, la manière dont les protagonistes échangent lors des phases de conduite. Ces derniers discutent et si le joueur heurte un élément de la route, l’interlocuteur interrompt sa ligne de dialogue pour sortir une phrase du type « Apprends à conduire ! » avant de reprendre ladite conversation, une mécanique qui fonctionnait à merveille en 2002, mais qui ne passe plus aujourd’hui.
L’IA affiche également un coup de vieux, à commencer par les forces de l’ordre un poil aveugles et impatientes. Ces dernières abandonnent bien trop facilement les recherches lors de vos méfaits, même si vous êtes à moins de 10m. Les ennemis plus traditionnels ne sont pas en reste et se contentent de se cacher derrière un obstacle et de tirer lors des gunfights. Encore une fois, 18 années ne s’effacent pas aussi facilement…
Le Diable est dans les détails. Cet adage permet de révéler un manque de finition pas si flagrant mais bien réel, et qui peut briser à plusieurs reprises le réalisme du jeu, et ce malgré un travail remarquable sur les graphismes.
Lost Heaven n’a rien perdu de sa superbe, bien au contraire
Le gameplay de Mafia: Definitive Edition alterne entre phases de conduite (plus ou moins mouvementées) et phases de tirs. On enchaînera alors les missions avec la possibilité de se promener librement dans Lost Heaven (ville similaire au New York des années 1930) entre chacune d’elles.
D’ailleurs, la carte s’est vue agrandie, toute la zone du nord a été repensée et permet de fuir les rues animées de la ville pour arpenter des routes de campagne plus tranquilles et désertes. Hangar 13 nous avait informés au préalable de cet agrandissement/changement et avait partagé sa volonté de miser davantage sur ce terrain de jeu. Malheureusement, « miser davantage » se résume simplement à la recherche de collectibles. Le scénario ne nous emmène que trop peu de fois en ces recoins.
Malgré ce constat dommageable, la ville de Lost Heaven reste toujours autant impressionnante de par son réalisme et son animation. Arpenter ses rues est un réel plaisir et participe activement à cette immersion si chère au jeu. À noter qu’il est désormais possible de passer les phases de conduite dans la ville pour directement se rendre à une mission, fonctionnalité bienvenue, mais que nous décommandons, car cette dernière passe également des phases de dialogue, et donc une partie de l’histoire. Et puis surtout, ça serait dommage de ne pas profiter de la ville tant elle a à offrir.
La conduite s’est vue allégée, gommant en partie cet effet de lourdeur des véhicules et des dérapages incontrôlés lors de virages trop serrés. Concernant les gunfights, ces derniers sont certes classiques, mais remplissent le contrat haut la main. Par ailleurs, certaines missions ont été repensées pour augmenter le panache de ces phases d’action. Par contre, si les affrontements font le job, c’est moins le cas pour la partie infiltration expliquée par cette IA perfectible.
Notre petite virée au pays des bandits arrive à son terme. Force est de constater que Mafia: Definitive Edition est un excellent remake qui ravira les fans de la saga comme les néophytes. Ce dernier remet au goût du jour un récit vieux de plus de 18 ans. Malgré quelques manques de finition, le pari est bel et bien réussi. Le jeu reste une leçon en matière de narration et d’immersion.
Apporter de l’inédit à un titre déjà bien établi est toujours dangereux, le premier risque étant d’éclater ce qui a fait le succès du jeu initial. Mais Hangar 13 échappe aux pièges et réussit à approfondir le scénario, son action et son réalisme sans quasiment aucune fausse note majeure. Un tour de force qu’il convient de saluer. Nos gangsters sont toujours dans le coup.