Nouveau JRPG/visual novel de chez Marvelous sorti le 6 juin dernier (sur PS4, PC, Xbox One et Switch), Loop8: Summer of Gods tend à proposer à son public une expérience narrative clairement inspirée de la série des Persona. C’en est flagrant, et peut-être un peu trop même… Une ressemblance dangereuse qui ne pourra échapper au dur exercice de comparaison, puisque tenter de tenir la comparaison avec celui qui est considéré comme un roi dans son domaine n’est pas une mince affaire…
Et dans cette optique, Loop8 se loupe (sans mauvais jeu de mot) complètement. Mais c’est bien son dernier souci : en fait, qu’il ressemble ou non à la licence d’Atlus n’a ici que peu d’importance. Car, il ne livre pas seulement un raté en tant qu’ersatz, il est surtout une expérience peu engageante – laquelle s’apparente d’ailleurs plus à un supplice – que le joueur ne tardera pas à regretter si peu après avoir lancé l’aventure.
(Test du jeu Loop8: Summer of Gods réalisée sur PlayStation 4 à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
C’est une histoire de fin du monde
Dans Loop8, y a-t-il vraiment quelque chose à sauver ? On répond tout de suite par la négative. Un avis parmi d’autres, certes, mais qui n’aura (on le croit) pas grand mal à rallier un grand nombre de voix. En tout cas, de notre côté, on a vraiment du mal à penser que quiconque s’essaie à ce jeu pourra passer un bon moment. L’expérience ne peut que conduire au dépit. C’en est inéluctable. Le périple n’est qu’ennui et incompréhension. Et dans cela, tout ce qui a trait à l’histoire a une part de responsabilité absolument non négligeable.
En le lançant, Loop8: Summer of Gods nous envoie aux côtés de celui que l’on accompagnera, le dénommé Nini. Un jeune homme ayant apparemment vécu dans l’espace et qui se retrouve à recommencer une toute nouvelle vie sur Terre. Mais tout ne se passera pas comme prévu, car son nouveau quotidien est menacé par d’hostiles créatures. Dès lors, une tâche lui incombe : sauver le monde de sa destruction, quitte à revenir un grand nombre de fois dans le passé.
Dit de cette manière, c’est une construction somme toute classique. Du moins, c’est un genre de pitch que l’on connaît déjà. Ce qui ne devrait pas nous déranger outre mesure. Cependant, si on se place sur le plan de l’écriture même, on ne peut qu’être incrédule devant la proposition : les fautes se cumulent. Les personnages, par exemple, ne sont aucunement intéressants. Pire, ils sont sans âme. Certes, les clichés ne peuvent être évités, surtout pour ce type d’œuvre qui se repose sur les archétypes, cependant il n’y existe aucun autre élément qui permette de leur donner de la profondeur, de dépasser ce sentiment de déjà-vu, et de sortir nos protagonistes d’une espèce de vide dans lequel ils sont plongés.
On n’y croit pas du tout. Et ça, ça ne peut être que rédhibitoire, étant donné que l’empathie est censée être un élément clé du jeu. Un manque qui n’est le résultat que d’une chose en particulier : la narration. Comment peut-on avoir de l’intérêt pour ce qu’il se passe avec un personnage si justement, on ne nous donne pas l’occasion de s’y attacher ? On ne demande pas grand-chose. Simplement qu’il y ait des choses à exploiter, histoire de sortir ces derniers du grand vide dans lequel ils plongent allègrement. Un état grandement visible chez le héros principal. En fait, on ne comprend absolument pas son écriture. On lui donne une voix et donc une personnalité pour mieux les retirer par la suite. Si lors des toutes premières cinématiques, il est bien présent, pour notamment narrer son périple aux joueurs, il disparaît totalement, et dans tous les dialogues qui défilent par la suite, il ne fait simplement qu’acte de présence sans prononcer un mot, le plongeant inévitablement dans le néant.
C’est donc bien pauvre. Et par là, par l’absence d’explication, il est difficile de comprendre naturellement ce que l’on veut nous raconter. C’est très abscons. Il n’y a pas vraiment de lien logique, pas de contextualisation : pourquoi certains humains ont-ils migré dans l’espace ? Comment notre héros a-t-il obtenu le pouvoir qu’il possède ?… Rien de tout cela. En conséquence, le titre devient totalement inepte et le joueur ne peut que très difficilement garder sa manette en main.
Un univers à la peine ?
Le problème ne s’arrête pas là. L’univers de Loop8 n’est pas vraiment intéressant et est très limité en interactions. Par exemple, le monde qui peuple les rues ne se bornent qu’aux principaux héros censés avoir un lien avec l’histoire. De toute façon, il est difficile de les voir pulluler çà et là tant les environnements semblent définis par leur étroitesse. Et puis, on ne tient pas vraiment à voir ce que cela pourrait donner, car l’IA est très, très loin d’être parfaite. Les personnages s’entrechoquent et font à leur guise, comme aller un peu n’importe où alors qu’ils étaient censés nous suivre. Ce qui soit nous désespérera, soit nous fera quelque peu sourire. Alors, avec toute une population, on imagine très bien la galère.
Pourtant, artistiquement, ça se défend plutôt bien et même très bien. C’est coloré, il y a des jeux de lumière intéressant, et les décors ruraux sont dans le ton, arrivant à bien nous transporter dans un Japon estival et traditionnel. D’ailleurs, certains d’entre eux sont même assez beaux. Seulement, le cheminement dans ces paysages ne se fait pas vraiment dans les meilleures dispositions. D’une part, il y a tout ce qui est lié au contrôle de notre personnage. Le manipuler s’avère assez lourd : Nini est justement très rigide et, par extension, très lent. Et d’autre part, la bande-son, très inégale, peut possiblement confiner à l’agacement, voire l’incrédulité, à l’instar des grossiers bruits de pas, mais aussi d’émissions sonores désagréables que l’on peut davantage entendre en jouant avec le casque sur la tête. L’une d’entre elles justement attirera tout particulièrement notre attention. Il s’agit d’espèces de clameurs que l’on peut entendre dans l’enceinte de l’établissement. Ce qui n’a pas de sens. Ne nous dit-on pas qu’il n’y a que très peu de gens sur l’île ?
À cela, on ajoutera plusieurs autres défauts tels que les animations saccadées ou encore le problème de caméra. Cette dernière, fixe, nous empêche de voir sous un autre angle, et empêche ainsi toute aisance. Ensuite, il y a les voix qui ont tendance à disparaître quand on engage la discussion. C’est comme si on avait à un moment donné oublié de doubler les personnages… Et puis, il y a la musique qui change parfois de manière abrupte, voire de façon intempestive, passant alors d’une tonalité plus ou moins joyeuse à une autre plus grave, plus sérieuse.
Courage pour trouver votre chemin
Quant aux activités proposées, il ne faut pas s’attendre à force de propositions. Le jeu est uniquement défini par tout ce qui est lié à histoire principale ; aucune mission secondaire n’est au programme. Toutefois, il y un mais. Un grand mais. Car, bien qu’il n’y ait qu’une seule direction à emprunter, on se retrouve complètement perdu dans ce que l’on doit faire. Et ça, comme pour le scénario, c’est principalement dû à un manque de clarté.
Le joueur est laissé libre de ses mouvements, d’aller où il veut, faire ce qu’il souhaite. Il peut aller suivre un cours au lycée selon l’envie ou encore pratiquer quelques activités physiques. Ce qui permettra d’améliorer les statistiques (forces, agilité, intelligence, etc.), même si honnêtement, on n’en voit pas vraiment l’utilité. Pour les combats qui nous attendent ? Peut-être, cependant les dégâts que l’on inflige semble tellement faibles que l’on a vraiment du mal à juger de cette progression.
Les affrontements en question se déroulent au tour par tour et engagent Nini ainsi que ses camarades à qui l’on peut demander de nous suivre. Néanmoins, il est le seul que l’on peut contrôler. Les autres, eux, sont indépendants, intégrant ainsi une part d’aléatoire. Les attaques que l’on peut mettre à profit sont très peu nombreuses et s’acquièrent d’une façon originale. Ce n’est pas les différentes confrontations et donc les montées de niveaux qui nous en donneront des nouvelles, mais le temps qui passe apparemment.
En passant d’un jour à l’autre, on nous indique par des lignes de texte ces nouveaux changements. On appréciera ou non… Tout comme le système de combat. Les dégâts peuvent en effet (très légèrement) varier en fonction des sentiments que l’on utilisera : amitié, tendresse et haine. À quoi ça sert ? On a du mal à le voir. Toutefois, on imagine les possibilités. Cela aurait pu avoir une incidence sur l’histoire et le développement du héros. La haine aurait, par exemple, pu contribuer à développer un peu plus la psychologie du héros…
De même, on éprouvera un sentiment d’inachevé dans le principe de créer des liens avec d’autres personnages. C’est en effet très superficiel et les (très nombreux) dialogues défilant à la manière d’un visual novel n’ont rien de vraiment attrayants, surtout qu’ils deviennent vite pesants à force d’assister à une quantité assez restreinte de gestuelles de nos interlocuteurs. Et ces derniers sont souvent les mêmes. Tout du moins, il faudra souvent les repasser, car, on l’a dit plus tôt, on devra revenir dans le temps plus d’une fois. Ce qui finira par achever le participant, en le plongeant dans un profond état d’ennui. En fait, le seul point positif qu’il existence dans l’existence de ces conversation, c’est la présence du français en tant que langue de sous-titres. Ce qui est assez rare pour ce type de production.
Loop8: Summer of Gods avait de bonnes idées, que l’on arrive à entrevoir et que l’on regrette d’autant plus. Au final, le jeu nous perd et nous ennuie plus qu’autre chose. Et si, au tout début de l’aventure, il faisait naître un début d’intérêt, il l’annihile complètement au fil de notre progression.
Il y a de bonnes idées, une bonne ambiance musicale et un certain cachet artistique, mais tout cela est malheureusement si mal exploité, que l’on a du mal à trouver une bonne raison de dépenser quelque 50 euros pour se procurer le titre de Marvelous.