Lorsqu’il a été annoncé en 2019, LEGO Star Wars : La Saga Skywalker a suscité une attente démentielle. Il faut dire que les célèbres briques danoises avaient connu leur premier vrai succès vidéoludique avec LEGO Star Wars : Le Jeu Vidéo, il y a 20 ans déjà en 2005, qui adaptait la prélogie de George Lucas.
Depuis, la formule instaurée par ce premier opus s’était solidement ancrée, mais montrait progressivement ses limites en peinant à se renouveler. On cassait, on ramassait des pièces, on construisait, on combattait un boss en fin de niveau… Le dernier jeu en date avant La Saga Skywalker, La Grande Aventure LEGO 2 : Le Jeu Vidéo, avait d’ailleurs été une déception totale ; un pur produit commercial fait à la hâte, sans âme ni intérêt.
Dès lors, l’annonce d’un LEGO Star Wars ultime, réunissant les neuf films numérotés de la saga culte, avait de quoi enthousiasmer les fans. LEGO Star Wars : La Saga Complète, sorti en 2007 et réunissant les six premiers films, est souvent cité parmi les meilleurs jeux en briques danoises. Revenir dans l’univers de George Lucas (et Disney désormais) s’annonçait donc comme une promesse alléchante.
L’ambition de TT games était claire : renouer avec l’essence des premiers titres, tout en offrant une expérience LEGO fraîche, avec des mécaniques revisitées et un véritable monde ouvert où explorer la vaste galaxie lointaine et ses différentes planètes. Mais après de nombreux reports, est-ce que le résultat était à la hauteur des attentes ?
(Test de LEGO Star Wars : La Saga Skywalker sur PS5 réalisé à partir d’une copie personnelle)
Un retour aux sources réconfortant
Dès les premières minutes de jeu, une chose frappe : LEGO Star Wars : La Saga Skywalker est bel et bien un retour aux fondamentaux. Et c’est tant mieux. Pour beaucoup, les divers titres LEGO ont été une porte d’entrée vers les jeux vidéo, étant enfant. Ce qui est assez fou, c’est qu’à l’époque des années 2000, les seuls jeux adaptés de licences véritablement réussis (et non des produits dérivés bâclés) étaient bien ceux de TT games.
Des titres comme LEGO Star Wars : La Saga Complète, LEGO Indiana Jones : La Trilogie Originale ou encore LEGO Le Seigneur des Anneaux ont pu en marquer beaucoup d’entre nous ; ces jeux évoqueront à certains d’innombrables après-midis avec des amis à explorer leurs niveaux en mode coopératif, à dénicher tous leurs secrets et à plonger dans ces sagas cultes qui nous faisaient rêver.
Peut-être même vous est-il arrivé, pour d’autres, de découvrir certains long-métrages incontournables grâce aux jeux LEGO, avant même de les avoir visionné, et parfois même de pousser le vice jusqu’à regarder les films en question, dans l’espoir désespéré de trouver la solution à des niveaux où vous étiez bloqués. À la rédaction, c’est le cas pour certains d’entre nous !
Ces dernières années pourtant, la formule de ces jeux s’était grandement essoufflée. La surabondance d’opus super-héroïques peu inspirés (LEGO Marvel Superheroes 2, LEGO Batman 3 : Au-delà de Gotham) avait dilué le charme d’antan. Quant à l’ajout des voix aux personnages, autrefois limités à un langage non verbal fait d’onomatopées, il avait ôté une part de la subtilité comique qui faisait leur originalité.
De plus, l’introduction de scénarios originaux (LEGO DC Super-Villains, LEGO City : Undercover…) avait prouvé une chose : les jeux en briques danoises étaient bien plus drôles lorsqu’ils parodiaient des films existants avec panache, plutôt que lorsqu’ils tentaient de créer leurs propres récits.
Et fort heureusement, La Saga Skywalker revient à cette approche : l’humour est toujours présent, avec ses clins d’œil et détournements malins des scènes cultes de la saga tout au long de l’aventure. Même si les personnages parlent, le comique visuel fonctionne ici toujours aussi bien. Ajoutez à cela un mode coopératif encore une fois bien pensé, permettant de faire toute l’aventure à deux, et on retrouve enfin ce qui faisait le charme des anciens opus LEGO : le gameplay en duo, le fun immédiat, et une progression simple et efficace.
Une structure plus fluide… mais un manque d’innovation
Une autre bonne surprise vient de la structure des niveaux. Alors que certains jeux LEGO des années 2010 proposaient des niveaux de plus en plus lourds et interminables (dans LEGO Batman 2, certains pouvaient durer près d’une heure), La Saga Skywalker revient à une approche plus concise et dynamique. Chaque film est découpé en cinq niveaux seulement, bouclés en 10 à 15 minutes chacun, ce qui permet d’aller à l’essentiel et d’offrir une aventure bien plus rythmée et soutenue.
Mais cela a un prix : certains moments clés des films sont complètement passés sous silence. Là où LEGO Star Wars : la saga complète de 2007 bénéficiait de 6 niveaux par opus, un brin plus confortable, ici ce chapitre en moins se fait clairement ressentir. Par exemple, dans La Revanche des Sith, toute la bataille d’ouverture de Coruscant n’est pas jouable, tandis que dans L’Ascension de Skywalker, c’est toute la confrontation spatiale finale d’Exegol qui passe à la trappe.
Pire encore, L’Empire Contre-Attaque introduit un niveau inédit qui n’existe même pas dans le film : une séquence sur Hoth où Han et un soldat rebelle activent des tours de signalisation sur la planète enneigée, au lieu d’utiliser ce temps de niveau précieux pour se concentrer sur des moments plus emblématiques (au hasard, Luke dans la grotte du Wampa).
Autre problème : malgré la promesse tant mise en avant d’un renouveau, le gameplay reste finalement très classique ; certes, le jeu propose un monde ouvert (plutôt restreint) où l’on peut explorer l’espace et différentes planètes, mais dans les faits, la boucle de gameplay reste inchangée : frapper des objets pour récupérer des pièces, résoudre des puzzles simples, utiliser des personnages spécifiques pour ouvrir des portes, combattre des boss…
On est finalement plus sur un remake de luxe de LEGO Star Wars : La Saga Complète que sur une véritable révolution. Avec les opus VII, VIII et IX en plus, certes, ce qui demeure un ajout très appréciable.
Un roster foutrac, pour le meilleur et pour le pire
Un des grands plaisirs des jeux LEGO, c’est bien sûr débloquer une quantité folle de personnages jouables, et La Saga Skywalker ne fait pas exception. Avec plus de 380 personnages au compteur, il est possible d’incarner absolument tout le monde, du Chevalier Jedi à Jabba le Hutt en passant par un Droïde Gonk. Les fans, salueront d’ailleurs l’ajout de personnages obscurs (et pourtant adorés de la communauté Star Wars) comme Yaddle, Nien Nunb ou encore Barris Offee.
Le système de classification des personnages en catégories (Jedi, Côté Obscur, Chasseurs de primes, Vauriens, etc.) manque cependant de consistance et crée une navigation fastidieuse. Par exemple, Rey peut être classée à la fois comme « Jedi » et « Pilleuse » selon sa tenue, tandis que Luke oscille entre « Héros », « Jedi » et « Divers », ce qui perturbe l’organisation.
LEGO revient ainsi à un ancien modèle où chaque variation d’un personnage peut être considérée comme un protagoniste à part entière. Par exemple, toutes les versions d’Anakin Skywalker (esclave, Padawan, Jedi, Sith…) auraient habituellement été regroupées sous une seule icône, centralisant ainsi les différentes variantes dans le roster, comme cela se faisait dans les derniers jeux en briques danoises.
Ici, cependant, le système de classes décide de traiter certaines variations comme des personnages distincts, dispersant ainsi les divers versions d’un même protagoniste à travers tout le roster. Cela entraîne une surcharge inutile et une régression qui aurait pu être facilement évitée… dommage.
Une mise en scène trop édulcorée ?
Enfin, un détail qui interpelle : l’aseptisation du contenu. OUI, on sait, on parle d’un jeu basé sur des jouets mais laissez-nous nous expliquer ! Avant, les jeux LEGO n’avaient aucun problème à représenter la mort de certains personnages de façon frontale (Qui-Gon Jinn se faisait trancher par Dark Maul, Davy Jones poignarder le cœur, Boromir transpercer de toutes parts…).
Ici, tout est fait pour édulcorer ces moments. Les personnages ne meurent plus vraiment : ils ferment les yeux, puis les rouvrent discrètement dans le fond du plan, sûrement pour rassurer les enfants. Si cela peut sembler anecdotique, c’est à noter car même si on reste dans un ton parodique et enfantin, ce refus de montrer la moindre mort (ou presque, le jeu ne le fait que lorsqu’il y est absolument contraint) atténue tout de même la dramaturgie de certaines scènes et donne un ton plus lisse, qui tranche avec l’approche habituellement plus maîtrisée des jeux LEGO.
Disons qu’en termes de cohérence, Padmé qui, en donnant naissance à Luke et Leia, s’évanouit simplement, Greedo qui ne meurt pas face au blaster d’Han Solo, et Kylo Ren qui ne transperce même pas son père… On perd un peu de l’intensité du récit, là où, jusqu’ici, le ton comique parvenait à garder une petite touche de gravité (rien qu’un tout petit peu) dans ces moments clés.
C’est à oublier, ici tout est désamorcé. Il ne faudrait surtout pas que les enfants aient des cauchemars en imaginant un bonhomme de briques se faire détruire en deux morceaux. Et oui, on parle ici d’un jeu LEGO et on en fait peut-être trop, mais ce n’est pas parce qu’on s’adresse à un jeune public qu’on doit les prendre pour des bébés fragiles et trop sensibles pour aborder des sujets comme la mort (surtout lorsque les anciens titres le faisaient sans problème).
LEGO Star Wars : La Saga Skywalker est un jeu réconfortant et efficace, qui joue à fond sur la nostalgie et le plaisir simple de redécouvrir la saga sous forme de briques. Il offre un retour aux sources agréable, un humour réussi, et une coopération toujours aussi plaisante. Cependant, le manque de vraies nouveautés, certaines décisions de mise en scène discutables et une sélection de niveaux parfois étrange l’empêchent d’atteindre l’excellence.
Si vous êtes un fan des jeux coopératifs LEGO ou de Star Wars, vous passerez sans aucun doute un très agréable moment. En revanche, si vous espériez une véritable refonte de la formule LEGO, ce n’est pas encore pour cette fois.