À une époque où seul le Père Fourras pouvait être considéré comme le symbole national des énigmes tarabiscotées, Level-5 et Nintendo s’étaient associés pour donner vie à un personnage devenu incontournable pour tous les possesseurs de Nintendo DS : le fringant Professeur Layton, gentleman archéologue à haut-de-forme sur le papier, mais expert en résolution de casse-têtes en tous genres dans les faits. Depuis sa première apparition il y a dix ans, la série des Layton a atteint des sommets de popularité et un succès critique mérité, avant de voir ses ventes lentement décliner après son passage sur 3DS. La dernière apparition en date du professeur remonte au crossover audacieux avec un autre poids lourd du genre en la personne de Phoenix Wright. Mais aujourd’hui, la chasse aux Picarats reprend avec un nouvel épisode sur smartphone : L’Aventure Layton : Katrielle et la Conspiration des millionnaires. Derrière ce titre à rallonge se cache un nouveau départ (et une nouvelle protagoniste) pour la série. Retour gagnant ? C’est l’énigme que nous allons tenter de résoudre dans ce test !
L’Aventure Layton : Katrielle et la Conspiration des millionnaires – Tel père, telle fille ?
Les enquêtes de la détective londonienne
Comme il est mentionné plus haut, L’Aventure Layton voit un changement fondamental aux codes de la série. Exit le professeur Hershel Layton, héros de la saga éponyme depuis ses débuts : on nous présente ici sa fille, Katrielle, alias Kat. Si la jeune demoiselle surgit un peu de nulle part dans le canon de la saga, elle n’en demeure pas moins bien décidée à suivre les traces de son papa mystérieusement disparu, en ouvrant sa propre agence de détectives au cœur de Londres. À ses côtés, l’inévitable palette de personnages secondaires, à commencer par Oliver, assistant dévoué et digne fils spirituel de Jorah Mormont en matière de friendzone, et Sherl, un chien parlant amnésique et grognon venant initialement requérir les services de la détective pour découvrir son identité. On retrouve également l’inspecteur Musot, dans le rôle du policier de Scotland Yard perpétuellement largué, et Emilia Perfetti dans celui de la rivale hautaine privilégiant le profilage scientifique aux déductions fantaisistes de Katrielle.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que tout ce petit monde est magnifiquement dépeint dans ce titre, dont la patte graphique fort plaisante inhérente à la série bénéficie ici pour la première fois d’un rendu haute définition. Et le résultat est tout simplement magnifique, tant le soin apporté à l’esthétique du titre est flagrant à chaque tableau. Des animations fluides dont chaque personnage bénéficie, à leur design au charme désuet, en passant par des cinématiques tout simplement bluffantes : tout dans l’Aventure Layton est fait pour nous transporter dans ce petit univers à mi-chemin entre l’animation japonaise traditionnelle à la Ghibli et les références à la littérature policière anglaise, Sherlock Holmes et Agatha Christie en tête. Les décors ne sont pas en reste, qu’il s’agisse d’endroits fictionnels tels que le luxueux Cinéma Pâté (vous l’avez ?) ou de monuments historiques comme Big Ben ou le London Bridge. Enfin, ajoutez à cela un doublage français de fort bonne facture, et une bande-son calme et apaisante, faisant de l’atmosphère globale du jeu une franche réussite. Malheureusement, cela ne fait que rendre plus dommageable le manque de profondeur flagrant de sa trame globale.
L’affaire du scénario illusoire
On ne va pas se mentir : le budget alloué au design de Katrielle et la Conspiration des millionnaires a certainement été ponctionné dans le département du scénario. Le jeu part pourtant sur des bases prometteuses : entre le mystère entourant la disparition du Professeur Layton, l’apparition d’un chien parlant en quête d’identité, et une succession d’affaires impliquant les Sept Dragons (les personnalités les plus influentes de Londres, et accessoirement, les millionnaires évoqués dans le titre), il y avait de quoi donner envie de s’investir dans leur résolution avec Kat.
Mais en fin de compte, l’ensemble manque cruellement de la cohésion et de l’attrait des premiers opus. La faute en revient principalement au format plus épisodique du récit : le fil rouge tendu au début du jeu s’étiole rapidement au gré des différentes affaires qui, si elles sont faiblement liées par l’implication régulière de certains protagonistes, n’apportent finalement pas grand-chose à l’intrigue globale. Les personnages certes hauts en couleur n’ont en définitive pas beaucoup de profondeur, et sont pour la plupart cantonnés à alimenter une (trop) grande quantité de dialogues à l’humour Gulli, qu’on finit immanquablement par vouloir zapper et ce malgré quelques rebondissements scénaristiques hélas trop tardifs, et en fin de compte, assez anecdotiques.
Le cas du gameplay linéaire
Conséquence directe de cet écueil : les phases d’enquête du titre, qui constituent l’essentiel de l’aventure, deviennent rapidement des passages obligés entre deux énigmes. Comme dans les aventures de son papa, Katrielle se balade d’un lieu à un autre, fouillant chaque tableau dans l’espoir d’y dénicher de précieuses pièces SOS, des collectibles (dont l’utilité m’échappe) ou de nouvelles énigmes cachées. À noter que dans cette version smartphone, l’absence d’un stylet peut parfois être frustrante, surtout dans la prise de notes qui s’avère vite être difficile pour peu qu’on ait de grosses paluches. Les plus old-school privilégieront le bon vieux combo papier/crayon, en attendant la sortie de la version 3DS en septembre.
Chaque rencontre sera l’occasion de faire avancer l’intrigue, et de collecter des morceaux d’indice qui, une fois assemblés, sont censés vous livrer le fin mot de chaque affaire. Mais plus les heures passent, plus le processus devient mécanique, et on passe dans une logique de « quadrillage de zone » plutôt que de vraiment s’investir dans la résolution d’un mystère. Kat arrivera quoi qu’il en soit à ses propres déductions, avec plus ou moins de logique, faisant de vous un spectateur de la narration plutôt qu’un réel acteur. Quand aux mini-jeux annexes, débloqués au fil de la progression de l’histoire, ou encore la possibilité de changer la tenue de l’héroïne (à l’aide de DLC payants, bien sûr) ou l’aménagement de son lieu de travail, ils ne constituent pas nécessairement une grosse plus-value. Reste ce qui fait l’essence même de tout jeu Layton qui se respecte : les fameuses énigmes.
Le mystère des énigmes inégales
Avec plus de 150 énigmes incluses dans l’aventure principale, on ne peut pas reprocher à L’Aventure Layton : Katrielle et la Conspiration des millionnaires un contenu faiblard : sur ce point, il tient aisément la distance avec ses prédécesseurs, en accusant une bonne vingtaine d’heures de jeu pour en faire le tour. On y retrouve les grands classiques de la saga, avec des problèmes de logique, de mathématique, d’observation, ou de simples devinettes. Les habitués ne seront donc pas dépaysés, et si le tout manque un peu de renouveau, la majeure partie de ces énigmes tiennent la route et vous feront vous creuser les méninges comme il se doit !
Mais il convient toutefois de noter une certaine disparité au niveau de la difficulté de ces casse-têtes. Tandis qu’il vous arrivera plus d’une fois de trouver la solution en moins de dix secondes, vous pourrez tout autant parfois être confronté à des énigmes à l’énoncé flou, rendant leur résolution particulièrement hasardeuse. La faute à des traductions manquant ponctuellement d’exactitude, et pouvant donc être interprétées différemment, et ce même si vous vous résignez à utiliser les fameuses Pièces SOS amassées dans le jeu. Cette monnaie propre à la saga, qui vous permet de débloquer jusqu’à quatre indices à chaque énigme, peut être obtenue à profusion dans ce titre, à tel point que les utiliser ou non n’est plus vraiment un enjeu. Si cela peut permettre de rendre la résolution d’énigmes accessible même aux plus jeunes, cela a également pour effet d’encore amoindrir le challenge que pourrait représenter L’Aventure Layton.
Conclusion L’Aventure Layton : Katrielle et la Conspiration des millionnaires
Difficile de juger de manière catégorique un jeu comme L’Aventure Layton : Katrielle et la Conspiration des millionnaires, tant l’avis peut varier en fonction des attentes, ou plus simplement, du profil du joueur concerné. Globalement, on peut dire que le titre a été conçu avec soin, notamment pour ce qui est de l’aspect graphique, et de son ambiance inimitable, même si plus légère que ses prédécesseurs. Les choses se corsent lorsqu’on se focalise sur son contenu, qui s’il est certes conséquent, se repose un peu trop sur des acquis vieillissants, surtout en matière d’énigmes. Il en découle une aventure trop linéaire, malgré de bonnes idées de départ, et une difficulté peut-être trop atténuée surtout pour les aficionados de la série. Mais pour le prix proposé, il n’en demeure pas moins un bon jeu à la durée de vie plus qu’honnête, peut-être à réserver à un public plus novice.
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