Plus que le précédent jeu des développeurs qui le signent (Virginia, accueilli assez timidement par la presse), c’est son éditeur qui nous pousse à jeter un œil à Last Stop, aventure narrative signée des Anglais de Variable State, et éditée par Anapurna. Parce que le nom de l’éditeur sonne désormais comme la promesse de projets enthousiasmants, déjà sortis (Sayonara Wild Hearts, Kentucky Route Zero) ou à venir (Stray, 12 Minutes).
Et puis, pour être tout à fait honnêtes, ajoutons que le jeu étant au catalogue du Game Pass depuis le 22 juillet dernier, on ne risquait pas grand-chose à aller s’y arrêter (parce que Last Stop !) pendant les six petites heures que réclame son scénario.
(Test de Last Stop réalisée à partir de la version commerciale du jeu sur Xbox Series X)
Sans les mains !
Conte fantastique qui nous propose de suivre trois histoires entremêlées (dont on ne dira rien, la découverte du scénario étant le principal intérêt du jeu), Last Stop est une aventure narrative très vaguement interactive. Malgré les promesses faites par les premières bandes-annonces, où l’on apercevait notamment ce qui ressemblait à des phases d’infiltrations, ces séquences seront très rares, dotées d’une jouabilité très simpliste, et dont la réussite (ou pas) n’aura aucune incidence sur la suite des événements.
De même que les dialogues à choix multiples, élément d’interactivité principal, pourront influencer le ton des conversations, mais jamais la façon dont les événements se produiront.
On a, tout le long de l’aventure, l’impression que les moments d’interactivité ont été ajoutés pour déguiser le titre en jeu : on tourne le stick de façon circulaire pour que le personnage touille son café, on déplace une cible à la recherche d’indices qui sont déjà indiqués à l’écran avant même qu’on ne les découvre (?!) et on contrôle les déplacements d’un personnage sur un chemin décidé à l’avance par le scénario, et bordé de murs invisibles.
Nos actions et nos choix n’auront aucune incidence sur le déroulement de l’histoire, si ce n’est lors de la conclusion, où deux fins différentes pour chacun des trois personnages seront proposées.
Même l’ordre dans lequel suivre les trois histoires est faussement laissé au choix du joueur. Si l’on peut commencer le jeu avec n’importe lequel des trois personnages, on ne pourra pas passer au chapitre 2 avant d’avoir fait le chapitre 1 de chacun d’entre eux.
Terminus, tout le monde descend
En vérité, on pouvait s’y attendre. Le Last Stop, c’est le dernier arrêt, le terminus, la fin du voyage. Utilisée comme métaphore, c’est une idée rarement joyeuse, voire macabre. Le terminus, c’est aussi le fait de ne plus pouvoir changer d’avis : on va devoir aller au bout, et descendre quand on nous dira de descendre. Plus moyen de renoncer, de descendre avant… Plus le choix, plus de liberté.
Et justement, c’est le principal reproche qu’on fera à Last Stop, qui nous embarque dans son voyage narratif sans jamais nous laisser le choix du chemin à emprunter, de la direction à prendre.
S’il a choisi le thème du métro pour son préambule, mais aussi pour son titre et son habillage, le jeu rate complètement sa métaphore et oublie les changements, les correspondances et tout le maillage qui est le propre des lignes des transports en commun et des arbres narratifs des histoires interactives. D’ailleurs, si l’un des personnages se jette dans l’inconnu et dans l’aventure lors de l’introduction, c’est justement parce qu’il n’a pas le choix et qu’il est dos au mur.
Jeu vidéo
Mais alors, pourquoi en avoir fait un jeu vidéo ? Dans les œuvres essentiellement narratives, le média jeu vidéo permet de plus s’impliquer dans l’histoire, grâce justement à l’interactivité. En faisant des choix, même parfois futiles, on prend nous-même part à l’aventure. Surtout quand on incarne un personnage, et qu’on vit en même temps que lui ce qui nous est conté.
Or, dans Last Stop, cette interactivité conduisant à l’implication est assez systématiquement niée. Quand il est enfin l’heure de prendre la manette après une longue séquence cinématique, c’est pour agiter le stick afin que le personnage mange ses céréales… Malheureusement très parlante, l’une des rares vraies séquences de gameplay intervient quand un personnage tire avec des cailloux sur des objets dans la rue (bouteille, carton…) pour combler son ennui.
Même le style graphique, malgré une D.A. plutôt réussie, sent l’arnaque, quand on frôle parfois le low-poly comme pour nous rappeler qu’on est bien dans un jeu vidéo avec un peu trop d’insistance.
Peut-être – et ce n’est pas une idée qui fait honneur au média – un manque de finition dans l’écriture a-t-il empêché Last Stop d’être une fiction purement narrative (série télé, BD…), ce qui lui aurait pourtant plus convenu. Peut-être les auteurs se sont-ils dit que le format jeu vidéo et ses phases de gameplay arriveraient à dissimuler les manques quant aux motivations de certains personnages, certaines incohérences, et la finalité de toute cette histoire. Parce que si on passe un plutôt bon moment à suivre le scénario, il faut bien reconnaître qu’une fois achevé, tout ne tient pas parfaitement debout.
Au final, on est bien content que le jeu figure dans l’offre du Game Pass. Les premières bandes-annonces et la promesse implicite de la qualité Anapurna nous auraient convaincus de nous l’offrir, ce qui nous aurait encore plus déçus, son gameplay superficiel, presque là pour décorer, n’arrivant pas à dissimuler les trous dans le scénario.
On retiendra tout de même une B.O. réussie (c’était déjà le gros point positif de Virginia), évitant le cliché du folk de San Francisco, ainsi qu’une jolie fulgurance dans une scène sur le crunch. L’un des personnages se retrouve alors dans un studio de jeux vidéo, face à un patron qui fait appel à la « la passion » et au rôle « d’exemple » pour l’inciter à faire des heures sup’ non rémunérées…