Avec Last Day of June, Massimo Guarini signe à nouveau une oeuvre singulière. Après le morbide mais fascinant Murasaki Baby, c’est sur le thème du deuil qu’a souhaité s’attarder le réalisateur. Pour cela, il s’est inspiré du travail musical et visuel des artistes Steven Wilson et Jess Cope, le premier étant reconnu pour son rock progressif alors que la seconde a notamment travaillé sur l’animation du film Frankenweenie de Tim Burton, mais aussi sur certains clips de Steven Wilson. Vous ne manquerez d’ailleurs pas de retrouver une OST intégralement composée des morceaux de ce dernier, dont nous vous partagerons quelques références durant ce test.
Après deux longues années de travail, Last Day of June voit enfin le jour et n’aura pas manqué ces derniers mois de recevoir pléthore de louanges venues des salons et autres rassemblements du monde entier. Mais à présent, c’est à nous de pouvoir nous pencher sur cette oeuvre mélancolique afin de vous dire si l’expérience fut à la hauteur de nos attentes.
Last Day of June – Une histoire d’amour sincère et touchante
Le début d’une fin tragique
Comme nous le disions en introduction, Last Day of June est une œuvre singulière, et ce à bien des niveaux. Pour commencer, le studio à l’origine du jeu, Ovosonico, le décrit comme une histoire interactive. Ce genre ayant beau faire polémique dans le milieu du jeu vidéo, nous retrouvons de plus en plus d’œuvres de ce genre, surtout chez les indépendants, qui n’hésitent pas à aller au bout de leurs idées, quitte à ne pas plaire à tout le monde.
Dans ce conte, Carl et June sont les deux personnages principaux. Tout commence et finit avec eux. Amoureux l’un de l’autre comme au premier jour, c’est lors d’une sortie romantique au bord du lac que leur existence va prendre une tournure tragique. Après quelques démonstrations d’amour sous l’irradiation chaleureuse de la lumière solaire, l’orage va se joindre à la fête, obligeant nos deux tourtereaux à prendre la voiture pour rentrer à la maison… Malheureusement, une suite d’incidents sans lien apparent vont se mettre en travers de leur chemin, provoquant la mort de June et la paralysie de Carl.
Nous retrouvons alors Carl au bord du désespoir, souffrant dans une solitude abyssale, et devant se déplacer à l’aide de son fauteuil roulant. Seulement, une chance va lui être donnée, la chance de pouvoir revivre autant de fois qu’il le faudra la journée où tout a basculé. Cette chance il va s’en saisir à pleines mains, mais sur cette voie, il ne sera pas épargné par le fait de revoir inlassablement l’accident ayant coûté la vie à sa bien-aimée. Nous pourrions aller plus loin et vous en dire plus mais le jeu étant déjà très court, environ 3 à 4 heures, il serait simple de vous gâcher l’expérience, et ce n’est clairement pas ce que nous souhaitons.
Ce que nous pouvons vous dire cependant, c’est que dans cette œuvre le deuil sera traité de plusieurs manières, car plus que le décès d’un proche, il s’agira aussi de vivre la perte d’êtres chers au sens émotionnel du terme comme lorsqu’une personne que l’on aime doit partir vivre si loin que l’on sait que plus rien ne sera jamais pareil, ou quand nous devons sciemment oublier la personne que l’on aime afin de reprendre le contrôle de notre vie.
Destins croisés
La performance réalisée par Last Day of June est de nous transmettre des émotions sans aucune parole du début à la fin. En effet, les personnages ne s’expriment que par des gestes ou des sons incompréhensibles, leur visage n’a d’expression que de par les accessoires qu’ils portent, et pourtant, le jeu arrive à nous prendre aux tripes avec force et à nous délivrer des émotions rares dans un jeu vidéo. Ici la justesse de l’écriture n’a d’égale que la mise en scène, élément qui sera appuyé par le gameplay, lorsque par exemple nous demanderons à notre personnage d’exécuter une action qu’il refusera de faire à moins que l’on insiste vraiment. Ce petit procédé n’est pas nouveau, mais nous fait comprendre en une seconde la dureté de ce qu’on lui demande de faire.
L’OST quant à elle n’a pas été écrite pour le jeu, mais c’est bien le jeu qui a été réalisé en s’inspirant des compositions de Steven Wilson. Alors autant vous dire que musicalement tout est absolument parfait. Toutes les musiques sont totalement adaptées à chaque situation, donnant vraiment l’impression d’être face à une œuvre à part entière et non pas à plusieurs éléments mis ensemble pour faire un jeu. Dans les références que nous pouvons citer, et dont vous reconnaîtrez l’influence après coup, il y a le clip Drive Home, ou le superbe Routine qui ne manqueront pas de vous émouvoir, d’autant plus une fois que le jeu aura trouvé une petite place dans votre cœur.
Ces magnifiques compositions vont vous suivre toute l’aventure durant, dans toutes les journées que vous revivrez. Le gameplay, que l’on caractérisera plutôt d’actions contextuelles, vous proposera d’influencer la vie de 4 personnages qui ont de près ou de loin à voir avec l’accident qui a brisé votre vie. On retrouve donc le phénomène de l’effet papillon, mais amené d’une façon originale qui n’est pas sans défauts.
Il y a plusieurs façons de vivre une journée avec un personnage, et votre défi sera donc de trouver comment vivre exactement chaque journée de chacun d’eux, afin d’aboutir à une fin meilleure que celle d’origine. Ce qui est intéressant c’est que ce que l’on fait avec l’un se répercutera avec l’autre. Par exemple, si je fais tomber un objet au sol avec un personnage, cela sera effectif pour tous. Il faudra donc passer de l’un à l’autre pour effectuer une action qui n’était jusqu’alors pas possible. Et ainsi, il sera question de résoudre plusieurs énigmes à la difficulté progressive, mais tout en restant assez simples pour ne pas nuire à la progression. Cependant, ce qui a un effet néfaste sur la progression c’est que nous allons devoir revivre certaines séquences plusieurs fois, et ce sans pouvoir passer les cinématiques. Heureusement bien souvent certaines énigmes déjà réalisées seront accélérées au moyen d’ellipses, mais le rythme en prend tout de même un coup au passage.
Enfin, il aurait été impensable de vous parler de Last Day of June sans aborder la direction artistique sur laquelle a été fait un travail de titan, et ce pour chaque recoin du jeu. Le boulot réalisé sur les lumières est tout bonnement dingue, et pour le coup il ne s’agit pas de cache-misère mais bien d’un parti-pris artistique qui vous en décrochera la mâchoire. Beau comme une toile de maître, jouant sur ses magnifiques ambiances pour nous faire passer d’un état émotionnel à un autre, Last Day of June restera certainement mon coup de cœur artistique de 2017 tant il m’a impressionné par sa maîtrise technique. Mais attention, une maîtrise technique transcendée par une sacrée dose de talent.
On l’attendait beaucoup, surtout à cause de sa direction artistique époustouflante, mais nous ne nous attendions pas à une histoire aussi touchante et aussi bien maîtrisée en termes d’écriture et de mise en scène. L’OST n’est elle pas en reste et les compositions de Steven Wilson font réellement corps avec cette histoire interactive aux thèmes intemporels. Malgré tout, nous aurions aimé un rythme un peu moins haché et le rajout de quelques personnages, afin de prolonger cette magnifique expérience.