Sorti depuis treize ans déjà, le dragon de Dojima a su enflammer le cœur des joueurs occidentaux avec sa licence de jeu Yakuza. Développée par le studio Ryu Ga Gotoku et éditée par SEGA, la série a à ce jour pas moins de quatorze jeux donnant une vision à la fois sombre mais idyllique de la pègre japonaise. Après la sortie de Yakuza 6: The Song of Life l’an dernier, les développeurs ont décidé de conclure la série afin de s’éloigner légèrement de l’univers des yakuzas.
Cela a donné Judgment, un jeu à l’esthétique sombre et qui a, malgré les difficultés rencontrées lors de son développement, quand même pu arriver jusque dans nos contrées. Mais ce nouveau départ pour le studio Ryu Ga Gotoku leur a-t-il permis de proposer un jeu à la hauteur de leur licence phare ?
(Test de Judgment réalisé via une version PlayStation 4 fournie par l’éditeur)
Enquête sur l’affaire de la Taupe
Comme précisé dans l’introduction, Judgment cherche à s’éloigner quelque peu du monde de la pègre japonaise, sans toutefois y renoncer complètement. Nous suivons les aventures de Takayuki Yagami, un avocat connu pour avoir réussi à obtenir la libération de son client face à la justice intransigeante du Japon, un fait plus que rare. Malheureusement sa vie bascule quelques mois après, lorsque le client qu’il a fait acquitter est une nouvelle fois accusé d’un meurtre.
Comme il se sent responsable du meurtre, la jeune carrière de Yagami vole en éclats en même temps que sa réputation. Notre histoire débute quelques années après ces tragiques événements. On y retrouve un Yagami qui a délaissé son emploi d’avocat pour un bien plus salissant, celui de détective privé. Et Judgment ne fait pas dans la dentelle, puisque le joueur est directement confronté à une nouvelle affaire de meurtre, où les victimes ont toutes les yeux retirés de leurs orbites.
Le jeu nous propose donc un revirement à 360 degrés, en nous invitant non pas à suivre un criminel, mais bel et bien son exact opposé. Le monde des yakuzas est présent, mais il n’est pas le cœur même de ce scénario qui va plutôt tourner autour des crimes de la taupe, et de tous les complots qui en découlent.
Malgré tout, les nombreuses querelles entre clans et l’omniprésence de leurs membres nous ramènent sans arrêt aux origines du jeu. Les habitués de la série auront donc l’impression d’un peu de fraîcheur sans toutefois être perdus, tandis que les nouveaux arrivants n’auront pas la désagréable impression de prendre le train en marche.
Le scénario n’a d’ailleurs pas grand-chose à envier au cinéma, tant les références aux films de gangsters sont légion dans le jeu. La trame semble avoir subi un soin tout particulier puisque celle-ci est captivante. Le tout est sublimé par des cinématiques à la sauce Ryu Ga Gotoku, qui font honneur aux jeux vidéo avec leurs mises en scène.
On peut malgré tout noter que le jeu fait parfois preuve de quelques facilités scénaristiques ou que quelques rares longueurs sont présentes lors de la mise en place de l’intrigue, mais à part ça, l’ensemble reste plus que solide. Le jeu se permet même quelques références et des traits d’humour fort appréciables.
Concernant le doublage, ce dernier reste convaincant, que ce soit en anglais ou japonais. De plus, chose appréciable, l’intégralité des sous-titres sont traduits en français afin de permettre une parfaite compréhension de la trame. Il vous faudra au bas mot une cinquantaine d’heures pour venir à bout de l’intégralité de l’intrigue en comptant les nombreuses enquêtes secondaires disséminées au travers des treize chapitres de Judgment, ainsi que la pléthore d’activités présentes dans Kamurocho.
Kamurocho, le quartier qui ne dort jamais !
Le métier de détective n’est pas de tout repos, il est donc nécessaire pour notre bon Yagami de trouver des activités pour se relaxer lorsqu’il n’enquête pas. Heureusement pour lui, le quartier de Kamurocho regorge de vie et d’activité en tous genres. Toujours à la manière des jeux Yakuza, les joueurs vont pouvoir participer à de très nombreuses activités qui se déclinent souvent sous forme de mini-jeux. Pour les trouver, il vont devoir explorer chaque recoin du quartier.
Assez connu des fans de la licence, Kamurocho est un lieu emblématique constamment éclairé par les néons des immeubles. Mais si jusqu’à présent on avait eu le droit à une vision assez colorée et idyllique du quartier, Judgment le montre sous un tout autre registre, puisque l’on découvre un quartier sombre et malfaisant où les néons ne servent que de camouflage à la corruption.
S’il est agréable de parcourir une nouvelle fois ces rues très bien modélisées et grouillantes de vie, on ne peut s’empêcher de regretter que la map soit si petite comparée aux normes actuelles. L’entièreté du jeu ne tient quasiment que dans une seule zone.
Cela n’empêche pourtant pas notre détective de prendre part aux diverses activités qui composent la ville. On y retrouve le sempiternel jeu de cartes tel que le blackjack, ou encore le poker. Mais le jeu se permet aussi quelques activités plus originales telles que le shogi ou encore le baseball. Mais c’est dans les activités vidéoludiques que Judgment se démarque. En plus de proposer un grand lot de bornes d’arcade, le jeu se laisse tenter à des rails shooter avec Kamurocho of the Dead, et même à la réalité virtuelle (mais seulement pour Yagami) avec Dice & Cube, un jeu de plateau.
Mais les mini-jeux ne sont pas les seules activités, et de nombreux événements pullulent dans le quartier. En effet, des restaurants et lieux de rencontre sont présents sur la carte. S’ils peuvent paraître secondaires au premier abord, ils ont en vérité un rôle essentiel dans l’intrigue. De très nombreux lieux offrent la possibilité à Yagami de rencontrer des personnages atypiques. La particularité de ces PNJ, c’est que Yagami peut s’en faire des amis et ainsi augmenter sa réputation, ce qui à court terme lui donne des bonus.
Chacun de ses futurs amis a droit à son petit scénario qui tourne en général autour d’un problème qu’il vous faudra résoudre pour obtenir ses faveurs. Bien que cette mécanique puisse donner l’impression de n’être là que pour le remplissage, il n’en est rien. En effet, la réputation obtenue auprès de ses amis va permettre à Yagami de se faire connaître dans le quartier et d’obtenir plus d’affaires. Il est donc nécessaire pour vous d’avoir un niveau de réputation élevé afin de débloquer toutes les enquêtes secondaires.
Face à un tel nombre d’activités, il devient alors très difficile de s’ennuyer dans Judgment puisque le joueur peut à tout moment varier son gameplay. Il n’est d’ailleurs pas rare de se perdre dans les activités secondaires et de délaisser un temps l’intrigue principale.
La force du tigre et l’agilité de la grue
Il est évident qu’avec le métier qu’il exerce, Yagami se fasse un grand nombre d’ennemis. Heureusement pour notre détective, ce dernier n’a pas son pareil pour remettre à sa place tous les loubards cherchant à le racketter. Exactement comme Kazuma Kiryu dans la série Yakuza, Yagami maîtrise à la perfection les arts martiaux. Afin de molester joyeusement vos adversaires, notre détective possède deux styles de combat radicalement opposés.
La grue est un style beaucoup plus acrobatique privilégiant le combat contre plusieurs adversaires en même temps. Plus rapide, ce mode fait par contre moins de dégâts. Si vous êtes plutôt rentre dedans, le style du tigre vous correspondra mieux puisqu’il privilégie la sauvagerie et les coups puissants, mais en contrepartie, les combats en infériorité numérique sont bien plus compliqués. Le joueur va donc devoir alterner entre ces deux styles tout au long des combats afin de s’adapter à la situation.
Mais Judgment ne serait pas un jeu du studio Ryu Ga Gotoku sans de spectaculaires coups spéciaux. Nommées coups EX, ces attaques sont dévastatrices et infligent de lourds dégâts à vos adversaires lors d’une mini-cinématique. Chose appréciable, les coups varient selon les situations et l’environnement, donnant lieu à des coups tantôt impressionnants, tantôt hilarants, notamment lorsque Yagami est ivre ou que votre adversaire se fait enlever par des yakuzas qu’il a insultés juste avant.
Le tout donne lieu à des combats vraiment plaisants et assez diversifiés puisque le jeu propose une grande variété d’armes et de coups. Il est d’ailleurs possible d’en débloquer dans l’arbre de compétences, contre des PA qui sont obtenus en combattant ou en réalisant divers objectifs/défis. Mais le détective privé n’excelle pas seulement dans les combats, il a notamment toute la panoplie du parfait espion.
Plusieurs fois dans l’aventure, il va vous être demandé de faire preuve de discrétion ou d’ingéniosité afin d’avancer dans une enquête, et cela donne lieu très souvent à des phases de filature. Même s’ils sont appréciables durant les premiers instants, ces passages montrent très vite leurs limites. Bien qu’elles soient bien réalisées, le gameplay des filatures reste toujours le même, suivre une personne et se cacher quand celle-ci se retourne. On est donc très vite lassé, surtout qu’elles sont nombreuses durant l’aventure. Les courses-poursuites ont un peu le même défaut, mais la courte durée du gameplay et la nervosité des actions évitent aux joueurs de se lasser.
D’autres phases de gameplay vont au contraire vous demander plus de doigté afin d’arriver à votre but. On pense notamment aux diverses zones nécessitant de crocheter une porte ou de forcer un taquet. On a alors droit à deux mini-jeux se basant exclusivement sur l’emploi de joystick. Assez basiques, ces moments n’opposeront pas de réelle difficulté pour peu que votre manette soit en bon état.
Les séquences en drones sont par contre bien plus sympathiques, notamment les courses qui demandent de bien personnaliser son engin et de faire preuve de réactivité. Judgment se permet même de nous offrir quelques rares moments de shoot avec ledit drone, avec souvent à la clé des moments pittoresques.
Que valent les versions nouvelle génération du jeu ?
Si les versions PS4, Xbox One et PC (dans une moindre mesure) souffrent de quelques soucis techniques, comme un framerate un peu instable, quelques problèmes de popping ou encore de cet éternel effet de flou qui s’affiche lorsque l’on regarde à l’horizon, est-ce toujours le cas des versions PlayStation 5 et Xbox Series X ? Nous avons pu tester la dernière et autant le dire sans détour, cela change tout.
Dans un premier temps, force est de constater que la rehausse graphique est notable et visible au premier coup d’œil. Les textures sont plus fines, l’éclairage bien mieux maîtrisé et le rendu global se veut plus réaliste, notamment grâce aussi à des ajustements sur l’étalonnage. La 4K native apporte un plus de netteté indéniable et il devient alors très dur de retourner sur moutures old-gen après avoir goûté à ces nouvelles versions.
Mais la plus importante des améliorations se situe sans conteste au niveau du framerate. C’est simple, nous n’avons rencontré aucune baisse, quelle qu’elle soit, durant notre longue phase de test. Judgment tient, dans sa version Series X tout du moins, ses 60 FPS constants sans sourciller et en plus de ça, on ne trouve plus aucun popping de texture. Un vrai régal que seul l’effet de léger flou parfois encore un chouïa présent entache un peu, mais dans des proportions bien moindres qu’auparavant.
Alors oui, vous pouvez facilement ajouter un point à la note finale de Judgment tant ces versions consoles nouvelle génération sont réellement plus agréables à jouer. La fluidité sans faille amène un nouveau dynamisme au jeu, la solidité et les améliorations techniques une immersion plus solide. Non, rien à dire, ces moutures PS5 et Xbox Series X valent leur pesant de cacahuètes. Et c’est sans parler des temps de chargement quasiment inexistants et des DLC inclus d’office.
Judgment est donc au final une excellente surprise pour ce début d’été. Le spin-off n’a clairement rien à envier à la série originale et se permet même d’élever le niveau grâce au soin apporté à son scénario et sa réalisation.
Le gameplay est lui aussi appréciable malgré quelques ratées sur les phases d’infiltration, mais cela n’entache en rien le plaisir de jeu. Mais c’est sur son univers que l’œuvre frappe fort avec un quartier qui, bien que petit, est très vivant et ne laisse jamais le joueur avec rien à faire.