Annoncé en tout début d’année, Immortals of Aveum est une création EA Original qui a agrégé le savoir-faire de développeurs ayant participé à diverses productions réputées. Et parmi ces dernières se trouve une série, qui est (ou plutôt était) source de soucis majeurs pour les constructeurs (n’est-ce pas Sony et Microsoft ?) : la licence de FPS Call of Duty. Ainsi, quand il a été annoncé en début d’année, les joueurs fans de ce genre de la saga explosive pouvaient sans mal porter quelques espoirs vis-à-vis de ce nouveau jeu d’action à la première personne, d’autant que le concept fondé sur la magie avait tout pour attirer l’attention.
Malheureusement, les premières présentations n’avaient pas réellement fait une grosse impression et avaient semble-t-il plongé le jeu dans une certaine indifférence. Mais est-il réellement la catastrophe que l’on pouvait présumer ? Eh bien, non. Certes, ce n’est pas un chef-d’œuvre, mais un titre assez honnête, qui tombera cependant vite dans l’oubli.
(Test d’Immortals of Aveum sur PS5 réalisée via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Une guerre pas si magique…
Dans Immortals of Aveum, il n’est plus question d’armes… en tout cas, il ne s’agit pas de ces outils mortels que l’on connaît et dont on se sert pour semer actuellement chaos et confusion un peu partout dans le monde, lesquels sont souvent rendus accessibles aux joueurs pour, ne serait-ce que par le truchement de la fiction, prendre part à de furieuses batailles. C’est la magie qui les a remplacés, conférant donc à nos héros le pouvoir de se défendre, de combattre en vue de mettre fin à la « guerre éternelle » qui sévit. Eh oui, le fameux paradoxe : guerroyer, tuer autrui pour enfin obtenir la paix. Et, plus particulièrement, ici, c’est avec trois types de sorts que l’on sera amené à évoluer. Trois types de sorts caractérisés par leur couleur : bleu, vert et rouge, qui, si on fait le parallèle, pourraient correspondre à certaines pièces de notre arsenal traditionnel tels le pistolet, le fusil d’assaut et le fusil à pompe.
C’est par ce biais que Jak, notre héros (et non le compagnon de Dexter) sera amené à se confronter à ses ennemis, souvent issus de l’armée adverse bien évidemment (les Rasharniens), mais pas seulement, puisqu’il sera également question de créatures, assez quelconques, qui manquent cruellement de grandeur, de majesté. Et encore, ce n’est pas que cela, les combats en eux-mêmes n’ont pas le dynamisme auquel on aurait pu s’attendre.
De loin, lorsque l’on assistait aux premières présentations, il nous semblait que l’on avait affaire à une sorte de Doom-like. Cependant, déjà, on y voyait un défaut de taille : le dynamisme n’y était pas. Alors, manette en main, y a-t-il une différence ? Pas tout à fait, les combats sont corrects, mais pas nerveux, ou peu (il existe quelques fulgurances). En vérité , il y a comme un problème de rythme, et le joueur aura probablement une grande difficulté à s’accrocher.
Et outre ces affrontements, sur le plan de l’action, c’est d’abord vers un véritable problème d’ambiance que l’on attirera votre attention : tout semble faux. À première vue, il y a certes une intention d’intégrer du dynamisme et d’immerger le joueur – notamment par une musique qui se veut digne de mener à bien cette mission –, mais tout ce que l’on obtient, c’est une sorte de décalage entre le désir de tendre vers ce but et la réalité de la chose obtenue. Disons que plutôt que d’obtenir une atmosphère pressante, de celle que l’on a lorsqu’on fait face à un combat donc, on assiste plutôt à une sorte de pastiche sans saveur. C’est juste passable.
Il n’y a donc pas grand mal à se sortir des différentes batailles. Le sentiment de défi étant généralement en berne. Il y a bien des boss, mais on ne peut pas dire que ces derniers laissent un souvenir impérissable. La plupart du temps, c’est plutôt de la bagatelle. Enfin, en général, quand il n’y a pas grand monde côté ennemi. Autrement, quand c’est le cas, on n’y voit pas grand-chose. Toute l’action est gâchée par toute une pyrotechnie, tout un amas de couleurs. On ne voit que ça. Et c’est vraiment désagréable. Comment avoir un sentiment d’accomplissement lorsque l’on ne comprend pas du tout ce que l’on a à l’écran ?
Enfin, dire qu’il n’y a pas de difficulté dans le jeu serait quelque peu trompeur. Seulement, il est impossible de s’en satisfaire, car on verra plus ceci comme une maladresse qu’une volonté même d’instiller du défi. C’est simple, on a le sentiment que rien n’est maîtrisé, à commencer par la précision des attaques. Elles sont très approximatives, qu’il en devient même compliqué de viser correctement. En fait, on cherchera moins à verrouiller une cible que d’attaquer à l’aveugle.
Un univers mal exploité ?
On ressort donc quelque peu refroidi des combats que nous présente Immortals of Aveum. Et n’est-ce pas déjà rédhibitoire pour un jeu censé pourvoir une expérience basée sur l’action ? Pas vraiment ; on le répète, ce n’est pas tant mauvais que très générique. Mais, peut-être peut-on en tirer un certain sentiment d’exaltation en parcourant l’univers du jeu ? Et, il y a certains points positifs en ce qui le concerne, surtout sur un plan artistique. Les décors laissent plutôt une bonne impression, même si ce n’est pas extraordinaire non plus. Toutefois, pour le reste, il faut faire preuve d’une certaine ouverture d’esprit ou encore être un fidèle supporteur de tout ce qui touche au kitch.
La DA très colorée, les goûts vestimentaires des personnages, etc., tout est fait pour nous rappeler ce genre de « mauvais goût », que l’on croirait sans mal être tiré de toute une production cinématographique des années 70… ou pas. Car, en fait, il n’est aucunement besoin de remonter à aussi loin ; notre époque n’en est pas sans exemple. Il suffit d’axer notre regard sur les réalisations tirées des univers Marvel pour voir cette ressemblance incontestable. Et, ce n’est pas que sur un plan visuel. Les dialogues ont cette empreinte. L’humour y est constamment présent, voire forcé. Un coup, ça peut passer, un autre coup, on blâmera cette écriture qui aura tendance à instiller de la lourdeur. La légèreté, c’est bien, mais à petite dose, c’est mieux. Là, on a plutôt l’impression qu’il y a une sorte de nécessité, comme si sans cet humour forcé, le jeu se dirigeait vers le vide.
Et pourtant, on peut entrevoir certaines qualités, jamais assumées. Cela concerne les personnages et donc leur potentiel sympathie. Jak, par exemple, n’est pas si mal pensé. Cependant, là on l’on pense qu’il aurait pu tirer son épingle du jeu, en prenant davantage une posture dramatique, voire tragique, il se retrouve toujours à faire quelques traits d’esprit, prêtant parfois à rire, parfois non. C’est un passage obligé.
Des ambitions laissées de côté ?
En jeu, on voit bien une tentative d’apporter une certaine variété, grâce à une logique Metroidvania notamment : on devient possesseur de nouvelles facultés, avec des équipements qui serviront à atteindre des lieux auparavant inaccessibles. En outre, on peut également passer du tir à quelques phases de plateforme ou de puzzle. Et c’est tant mieux, ça casse un peu une possible monotonie. Cependant, quand ces phases « d’énigmes » ne se résument qu’à déplacer un objet, allumer des interrupteurs bien visibles, sans avoir donc la tâche de les chercher, on se demande quelle est réellement l’utilité dans cela. Tout comme le fait de combler le vide spatial qui règne çà et là par différentes épreuves (encore et toujours des interrupteurs), surtout si ce n’est que pour récupérer argent et autres items pas vraiment indispensables.
En vérité, avec Immortals of Aveum, on a comme l’impression d’avoir affaire à une œuvre plus qu’imparfaite : une œuvre pas finie. Et ça, on le verra plutôt sur la forme. Graphiquement d’abord, le titre n’est pas au niveau d’un jeu de la génération actuelle. Ensuite, s’ajoutent à cela un grand nombre de ralentissements très désagréables et autres effets de mauvais goût, même si sur ce point, c’est plutôt du ressort artistique. On pourrait faire une liste détaillée des lacunes, incluant celles que l’on a omises comme par exemple le moment où l’on meurt qui n’est guère convaincant, mais ça ne sera pas vraiment significatif. On l’a compris, loin d’être phénoménal, le jeu pourrait peut-être quand même surprendre ? Enfin à condition que l’on se soit mépris au regard des trailers et de l’appellation que lui associe son studio, celle de « jeu AAA indépendant ».
Eh oui, dans sa campagne de promotion, le développeur (Ascension) a tenu à ce qu’on en ait plein les yeux avec quelques images bien choisies, telles des cinématiques qui rappelleront d’ailleurs sans mal des productions de fantasy appréciées tel le Seigneur des Anneaux, ou avec l’exposition d’un casting d’acteurs assez connus dans leur domaine (telle Gina Torres que l’on a aperçue dans la série TV Suits). C’est bien normal, mais quelque peu trompeur. Dans les faits, on est vraiment loin de cette teneur épique, et les cinématiques ne sont là que de manière incidente, pour enrober le tout. Et on s’y résoudra très vite : Immortals of Aveum n’est qu’une production honnête qui doit être attendue comme telle. C’est de cette façon que l’on évitera les déceptions, et qu’on passera, pourquoi pas, un assez bon moment.
Immortals of Aveum ne laissera sans doute qu’une très petite trace en cette année 2023 particulièrement chargée. En effet, comment se faire une place parmi les mastodontes The Legend of Zelda: Tears of Kingdom, Final Fantasy 16 ou encore Baldur’s Gate 3 ? Eh bien, c’est assez difficile, d’autant que l’expérience que l’on nous offre ici est assez quelconque. Et, au vu du concours de développeurs assez réputés dans leur domaine, on aurait espéré un peu plus.
Au final, on a juste un petit titre moyen, assez vide (notamment en termes d’univers), qui pourra néanmoins se laisser jouer sans mal, si l’ennui ne vous prend pas avant.