Alors que le monde du jeu vidéo est tout entier plongé dans la D.A. un tantinet dépressive d’Hollow Knight: Silksong, on se disait que ce serait pas mal d’aller s’aérer un peu l’esprit dans la nature, se dégourdir les jambes entre deux sessions de plateforme hardcore et respirer l’air pur des alpages. Pas « en vrai », bien sûr : on reste des nerds. Mais dans Herdling, qui nous envoie jouer les bergers d’un troupeau de mystérieuses calicornes.
(Test de Herdling réalisé sur PC via une copie commerciale du jeu)
Tout plaquer pour élever des chèvres en montagne
Une décision radicale, mais bien plus facile à prendre quand on n’a rien, comme le personnage que l’on contrôle dans Herdling. Le jeu débute alors qu’on se réveille littéralement sous un pont, sur un matelas à même le sol. On ne saura pas ce qui a amené notre personnage, qui semble être un enfant, dans cette situation, mais on comprend à cet instant qu’il n’a pas grand-chose à perdre.
Rapidement, on tombera sur une drôle de créature qui pourrait paraître effrayante si elle n’avait pas le museau coincé dans un sceau dont elle ne sait se défaire. C’est en la sortant de ce mauvais pas qu’une amitié naîtra, et avec elle, comme une évidence, le besoin de quitter la ville.
La créature en question tient du bison croisé avec une chèvre, et fait deux ou trois fois la taille de notre personnage. Pas le genre d’animal familier qu’on dissimule sous un manteau ou dans un sac à dos… Et c’est en étant nous même astucieusement guidé par le jeu que, peu à peu, l’on prendra nos marques pour devenir à notre tour le guide de cette première calicorne, comme sont nommés ces animaux, bientôt rejointe par certains congénères.
Cette force qui guide mes pas
L’image du berger est celle qui colle le mieux aux contrôles d’Herdling. Pour progresser on se placera derrières les animaux et on leur indiquera la direction à suivre. Il faudra donc être légèrement sur la gauche pour que la troupe (qui n’est pas encore un troupeau au début du jeu) aille sur la droite, et inversement.
Si l’on veut que les animaux prennent un virage serré à 90°, il faudra alors se placer sur leurs flancs. Un système de chien de berger logique, mais qu’on aura des difficulté à pleinement embrasser jusqu’à la fin de l’aventure, notamment dans le cas des quelques phases plus orientées reflexes ou action, quand les vieux reflexes jeux vidéo reprennent le pas et qu’on incline le stick à gauche pour aller à gauche (alors qu’il faut placer son personnage à droite des calicornes pour les « pousser » sur la gauche).
Car le jeu tente de s’éloigner du walking simulator à la Journey, comme le faisait déjà les jeux précédents du studio, les deux très beaux épisodes de Far, Lone Sails (2018) et Changing Tides (2022). Ainsi, il ajoute un peu de danger à certains points de l’aventure, le Game Over est même possible si vous perdez trop de membres de l’équipée. De même que pour varier un peu le voyage, des éléments très light de puzzle environnemental apparaissent de temps à autres.
Avec Herdling, le studio suisse Okomotive passe du gameplay 2D de Far à un gameplay en 3D, ajoutant alors une pincée d’exploration au level design. Si la géographie des niveaux offre une lecture relativement claire de la direction à emprunter avec son troupeau, à certains moments du voyage, on aura un peu tourné à la recherche de notre chemin, ce qui, là encore, vient casser la potentielle monotonie que pourrait entrainer un « simple » walking simulator. Il faut aussi noter le hud très malin, déplacé sur le pelage des calicornes pour une plus grande immersion : c’est la coloration de celui-ci qui indiquera l’état de santé du compagnon.
Ce n’est pas la destination qui compte…
Outre ces petits éléments de gameplay qui viennent mettre du jeu dans le jeu, le voyage est aussi ponctué de petits moments de narration et de poésie qui rendent le monde dans lequel on évolue, mais aussi les calicornes, plus vivants.
Lors d’une pause à un feu de camp, qui vient marquer les passages d’un niveau à l’autre, une calicorne viendra ainsi déposer à nos pieds une balle pour qu’on lui la lance. On peut alors jouer avec l’animal (ou pas) sans que cela n’ait aucun impact sur le jeu en tant que tel.
Plongé dans l’aventure, accompagné des calicornes qui nous rejoindront tout au long du périple, on finit par oublier l’introduction en ville, et même par accorder peu d’importance à notre destination, qu’on ne connait pas vraiment, se laissant porter par les vents. On progressera un peu au jour le jour, au gré des indices que l’on aperçoit à l’horizon. Et c’est aussi plutôt appréciable de progresser durant les quatre heures (environ) que dure le jeu, sans véritable but, profitant simplement des paysages, du level design, de ses compagnons, et du (bon) moment.
Le générique de fin révèlera que le titre a été développé par une toute petite équipe ; les musiciens sont peut-être plus nombreux que les programmeurs. Herdling est un très joli petit jeu, qui, l’air de rien, a tout de même des choses à raconter et à proposer sur le jeu vidéo, sur la façon de mener une narration, sur la nécessité, ou pas, de proposer du challenge, sur la place du combat dans un jeu. Pour chacun de ces éléments, le titre d’Otomotive fait un pas de côté.
C’est aussi à nouveau un titre parfait pour le Game Pass (mais il est disponible également sur consoles et PC), que l’on lancera curieux, et qui nous laissera de façon assez inattendue son lot de beaux souvenirs.