Si on nous avait dit un jour que 13 ans après l’on retournerait enfin dans les rues de Cité 17 avec un casque VR sur la tête, on ne vous aurait pas cru. Parce qu’il faut bien l’avouer, si on attendait avec une très grande impatience un hypothétique troisième épisode promis de longue date, on était à mille lieues de penser que l’on aurait droit à un spin-off prequel au second opus nous permettant d’incarner la charmante Alyx Vance, le tout en réalité virtuelle.
Half-Life: Alyx n’est très certainement pas la suite ou l’épisode que tout le monde voulait, mais est bel et bien une réalité et franchement, on ne s’en plaint pas.
Valve, société de Gabe Newell, aussi propriétaire de la plateforme Steam, a connu ses premiers faits d’armes avec Half-Life et une chose est sûre, elle n’en serait pas là aujourd’hui sans le succès qu’ont rencontré les deux épisodes canoniques de la série.
Et finalement, on n’est pas surpris que les développeurs de la firme s’attaquent à la VR, d’une part parce que le casque Valve Index est de sortie, mais aussi parce qu’ils ont toujours été des sortes de chercheurs essayant de pousser les limites du gameplay et de la narration toujours plus loin.
(Test de Half-Life: Alyx réalisé sur PC via une copie du jeu fournie par l’éditeur. Nous avons testé Half-Life: Alyx à l’aide d’un casque HTC Vive Pro nous permettant de profiter de toutes les options que le jeu peut offrir. Nous vous conseillons d’ailleurs un casque au moins d’égale qualité pour faire tourner convenablement le jeu.)
Un peu de contexte avant de débuter. Half-Life est un jeu culte de chez culte qui a révolutionné le FPS à l’époque en plaçant la narration sur le devant de la scène dans un genre jusqu’alors bien plus axé sur le gunfight qu’autre chose. Sorti pour la première fois sur PC (et par la suite sur consoles) en 1998, il connut un succès incroyable et on le prend aujourd’hui encore régulièrement en exemple lorsque l’on évoque certains aspects du FPS moderne.
Il racontait l’histoire de Gordon Freeman, un scientifique travaillant dans le secret laboratoire de Black Mesa au Nouveau-Mexique. Alors qu’il effectuait une mission de « routine » dirons-nous, avec tout de même l’ouverture d’un portail dimensionnel, un accident se produit et le lieu se retrouve envahi par des créatures extra-terrestres. Notre mission est alors de survivre et de mettre un terme à cette invasion, quitte à y laisser notre peau.
Cet épisode fut suivi par deux très bonnes extensions, puis en 2004 enfin le tout aussi révolutionnaire Half-Life 2. Plus vaste, plus ambitieux et fort de son moteur Source qui proposait une physique rarement vue jusqu’alors, il fut instantanément culte.
L’histoire prend place quelques années après celle du premier épisode alors que la Terre est tombée sous le joug du Cartel, une organisation extra-terrestre qui réduit le monde en esclavage pour son propre profit. Avec l’aide d’humains acquis à sa cause, elle contrôle les populations et les parque dans des Cités comme du bétail et un système dictatorial est bien entendu en place.
Avec Half-Life 2, on vire carrément dans la dystopie de science-fiction. On débarque dans un univers dans lequel l’Homme n’a plus d’autres droits que de servir l’ordre en place. Il n’est plus libre et n’est qu’un outil permettant à ses maîtres de s’enrichir. Gordon Freeman, aidé par une certaine Alyx Vance, reprend alors du service pour lutter contre ce système oppressif et libérer le monde du Cartel. Notre histoire commence dans la somptueuse Cité 17 avant de sortir de la ville pour une longue visite des contrées oubliées.
S’en suivirent deux épisodes-extensions et un autre bonus, puis l’annonce d’un épisode 3 que l’on attend encore. Véritable arlésienne que ce Half-Life 3 jamais véritablement annoncé, mais toujours teasé ; Valve a depuis la sortie de l’Épisode 2 sans arrêt laissé planer le doute quant au retour de sa franchise phare.
Pourtant, au fil des années, le studio n’a jamais cessé de clamer haut et fort que la licence reviendrait et fin de l’année dernière, notre rêve est devenu réalité puisque Half-Life: Alyx, épisode 100% VR, fut annoncé pour une sortie début 2020.
Power Gloves is life.
Alors, que nous raconte Half-Life: Alyx qui est, rappelons-le, un spin-off et non un épisode numéroté ? Eh bien, il raconte l’histoire de Alyx Vance alors âgée de dix-neuf ans avant qu’elle ne devienne l’une des figures les plus fortes de la résistance face au Cartel.
Prequel à Half-Life 2, ses enjeux sont de prime abord moindres puisque notre intrépide héroïne va dans un premier temps œuvrer à libérer son père, le célèbre docteur Vance, capturé sous ses yeux par la milice du Cartel. Elle aussi emprisonnée, elle est sauvée par Russell qui la guidera jusqu’à sa planque pour lui proposer un plan d’attaque afin de mener à bien sa mission. Bien évidemment, cette quête, qui n’est qu’un simple sauvetage, va en se complexifiant et nous emmène dans les endroits les plus crasseux de la célèbre Cité 17.
Autant le dire sans détour, dès l’introduction et nos premiers pas dans la ville, cette somptueuse retranscription nous a tout bonnement scotchés sur nos pattes. C’est éblouissant de beauté et on vous conseille un casque ainsi qu’une configuration costaud pour faire tourner cela comme il se doit.
Dès le départ, on peut tester les nombreuses options d’interaction du jeu, on peut ramasser, lancer des objets, écrire sur un tableau avec des feutres, faire peur aux pigeons, toucher à tout et encore plein d’autres choses que nous vous laissons la joie de découvrir.
Sans être trop didactique, le titre nous accompagne bien pendant cette phase d’apprentissage, et ce, pendant tout le prologue, car c’est une fois Russell rencontré que les choses sérieuses commencent. En effet, après un dialogue de mise en situation et quelques jets de tasse à thé dans sa vilaine trogne juste par plaisir, il nous offre un bien joli cadeau. Mesdames et messieurs, après la combinaison HEV du premier Half-Life et l’incroyable Gravity Gun du second, merci d’accueillir les Gravity Gloves dans ce spin-off.
Il s’agit de gants que l’on enfile et qui nous permettent alors de récupérer à distance nombre d’objets utiles et futiles pour notre plus grand plaisir. Ils s’utilisent instinctivement et très sincèrement sont l’une des meilleures features VR depuis très très longtemps.
Ce n’est certes pas inédit dans le contexte de la réalité virtuelle, mais quel pied monumental de pouvoir interagir de la sorte avec l’environnement si riche de Half-Life. Ces petites merveilles nous permettant aussi de stocker deux objets, un pour chaque gant, et de récupérer quelques munitions qui traînent sur un cadavre fraîchement créé par une de nos balles sans avoir à nous déplacer, et parfois donc, nous découvrir à l’ennemi.
Mais très sincèrement, les possibilités qu’ils offrent sont tellement nombreuses qu’il nous est impossible de tout résumer ici. La chose étant qu’ils permettent de faire passer la pilule aussi à un armement quelque peu décevant, car extrêmement classique et sans grande fantaisie, et permettent parfois de régler de délicates situations de manière assez peu conventionnelle.
En faisant par exemple venir à nous une bonbonne de propane nichée au loin pour la balancer sur des ennemis ou encore en récupérant en plein vol une grenade lancée par l’ennemi via nos gants pour lui renvoyer dans la tronche. Deux exemples parmi des dizaines possibles sur ce à quoi vous pouvez prétendre une fois le jeu bien en main, ce qui arrive très vite, tant Valve a pensé son jeu à la quasi-perfection pour ça.
La folie de l’ambiance
La première chose qui frappe lorsque l’on enfile notre casque et que l’on pénètre dans l’univers de Half-Life: Alyx, c’est la qualité du rendu visuel. C’est magnifique et très franchement, on s’y croirait plus d’une fois. D’autant plus que Valve n’a pas son pareil pour parsemer ses environnements de petits détails qui rendent l’expérience presque aussi vraie que nature.
Rarement un jeu VR nous aura procuré autant de sensations diverses et variées et donné l’impression que l’on évolue dans un monde qui pourrait être vrai.
Cela se voit, se ressent, que Half-Life: Alyx est taillé uniquement pour être jouable en VR. L’atmosphère se retrouve grandement renforcée par le casque, et les différents effets visuels conçus spécialement pour nous en mettre plein la vue n’auraient pas un aussi grand impact sans.
Les jumpscares, l’ambiance horrifique qui accompagne certains environnements, comme ceux de la distillerie ou encore des égouts, les sensations de vertige lorsqu’il n’y a que le vide qui nous sépare d’un sol à plus de dix mètres, tout ceci serait jugé comme lambda, et à juste raison, sans l’apport de la VR. Le moteur physique, déjà incroyable dans les jeux de Valve, prend ici une tout autre dimension et permet au studio de franchir encore un cap là-dessus.
Il trouve un écho de liberté d’ailleurs dans ce jeu assez cloisonné et au level design fermé. Linéaire et ne laissant que très peu de liberté de mouvement, il est impossible de s’y perdre ou de revenir sur nos pas, on avance et on suit le rythme imposé par les développeurs.
Rythme d’ailleurs très bon, car le jeu sait prendre son temps quand il le faut, pour par exemple poser une ambiance assez pesante, et accélérer lors de séquences plus musclées. Mais on reste dans l’approche la plus basique du FPS ou plutôt de la formule Half-Life, et on enchaîne donc les séquences d’exploration fermée, les gunfights, les quelques puzzles à résoudre et tutti cuanti avec une certaine impression de déjà-vu.
Alors pourquoi cela fonctionne-t-il si bien ? Tout simplement parce que rien n’est laissé au hasard par Valve et que chaque élément est pensé pour renforcer l’immersion du joueur et le faire voyager juste en enfilant un casque sur sa tête et en se bougeant un peu le train arrière.
Il faut bien comprendre que pour une expérience en réalité virtuelle longue d’une dizaine d’heures misant beaucoup sur l’immersion et l’ambiance, il ne faut pas s’éparpiller et le parti pris de l’approche simple, mais très bien exécuté, tout en prenant compte des particularités de la réalité virtuelle, est aussi intelligent que réussi.
Simple comme Gordon
Alors oui, Alyx réussit sans aucun problème à nous immerger du début à la fin dans Cité 17 et son univers si particulier. Durant une dizaine d’heures tout de même, nous avons pris un pied pas possible à arpenter les endroits les plus obscurs de la ville occupée.
Mais on attendait aussi Valve au tournant du point de vue de la proposition de gameplay, car on le sait, les dispositifs VR sont de formidables outils qui peuvent donner des choses assez grandioses, mais il n’est pas rare non plus que des développeurs veuillent trop en faire et finissent par rendre l’expérience trop complexe et du coup pas assez intuitive.
Et c’est là encore un écueil que Valve a su balayer du revers de la main. Half-Life: Alyx est, il faut le dire, très classique dans son approche, car ne proposant pas de choses inédites en termes de gameplay que l’on n’ait pas déjà vues ailleurs.
Mais c’est ce qui fait sa force, parce que l’on n’est jamais perdu et que tout devient vite intuitif, même les quelques mécaniques propres au jeu comme l’utilisation des Gravity Gloves. Les déplacements en mode téléportation ou non, par exemple, ne souffrent d’aucune fausse note, même s’il arrive que l’on se mélange parfois un peu les pinceaux et que l’on se retrouve un peu à aller n’importe où.
Mais hormis cela, recharger, viser, tirer, résoudre des énigmes ou tout simplement grimper ou sauter pour atteindre un endroit éloigné deviennent autant de mouvements et d’actions que l’on exécute au bout d’un moment de la manière la plus naturelle qui soit.
Il manque cependant quelques options vues dans d’autres jeux et qui auraient peut-être été intéressantes dans Alyx. La possibilité par exemple de définir un point de rotation lors d’une téléportation aurait pu palier quelques soucis de position dans l’espace, mais globalement, il n’y a rien à redire sur la gestion de la réalité virtuelle par le jeu.
On l’a dit, Half-Life: Alyx est un formidable outil d’immersion, on peut interagir avec la majeure partie des objets à l’écran et de ce point de vue, c’est une grande satisfaction. Le gameplay au HTC Vive Pro ne nous a posé aucun souci avec les contrôleurs de base et on si on a eu droit à quelques petits soucis de calibration parfois, dans l’ensemble rien de bien méchant à signaler.
Peut-être quelques petits bugs rencontrés parfois, mais les sensations sont là et les commandes répondent bien, c’est finalement ce que l’on attend principalement d’une expérience en réalité virtuelle. Que ce soit durant les séquences d’action, d’exploration, ou de résolution d’énigmes à l’aide de la réalité augmentée, il n’y a rien à redire.
Les énigmes, pour revenir un peu dessus si vous le permettez, sont assez bien pensées et sont généralement des puzzles que l’on résout le plus souvent à l’aide d’un gadget prévu à cet effet. Leur résolution sert non seulement à progresser, mais aussi parfois à débloquer des réserves contenant munitions, grenades ou medikits bien utiles.
De grosses machines sont aussi dispersées dans les différents niveaux et ces dernières nous permettent d’améliorer nos armes en échange d’une certaine ressource qu’il nous faut trouver au préalable et qui est parfois bien cachée, même très bien cachée. Aussi pour utiliser cet appareil, il faut là encore résoudre un petit puzzle en réalité augmentée.
Alors oui, il arrive que les énigmes changent un poil et nous demandent de récupérer quelques objets pour revenir sur nos pas ouvrir une porte avec, comme une source d’alimentation, mais globalement il faut surtout se servir de ses gants pour se débloquer une nouvelle voie.
Et on aurait aimé, il est vrai, peut-être un peu plus de variété dans ce qu’il nous est demandé de faire, au-delà même de la simple complexification du processus de résolution. Mais c’est chipoter pour pas grand-chose, tant cela fonctionne à merveille.
Le FPS dans tous ses états
Et on va finir par ce que l’on considère comme étant sûrement le seul gros point noir de ce Half-Life: Alyx, à savoir les gunfights. Ils ne sont pas bien passionnants et sont généralement très simples, à quelques exceptions près. Déjà, évitez au maximum les déplacements par téléportation lorsque vous vous retrouvez face à la milice du Cartel, car cela rend très franchement les séquences de combat trop faciles, l’IA mettant quelques secondes qui lui sont fatales à vous suivre et réagir.
Elle n’est d’ailleurs pas très puissante, sachant se mettre à couvert, mais réagissant avec trop de passivité à nos actions, et c’est bien dommage. Ce n’est pas là le point fort du jeu, d’autant plus que les affrontements sont souvent assez répétitifs et manquent de panache.
Votre pire ennemi ne sera donc pas ces militaires surentraînés et à l’équipement de pointe, mais plutôt votre capacité à gérer vos ressources. Il n’y a pas d’inventaires, et on peut stocker un nombre de médikits, de grenades et de munitions pour chaque arme, de manière très limitée.
Il ne faut donc pas tirer comme un bourrin sur tout ce qui bouge et savoir parfois user de stratagèmes pour nous en sortir sans trop utiliser de ressources. Vos gants et votre sens de l’observation vous aideront beaucoup en ce sens, et il faut apprendre à attaquer autant avec ses armes que son cerveau.
Aussi, on ne va pas se mentir, on a largement préféré nos joutes face à la ribambelle d’extra-terrestres présents en jeu que face aux soldats humains. Que ce soient les effrayants, et encore plus en VR, Headcrabs et dérivés, ou les quelques zombies qu’ils créent, ainsi que d’autres créatures issues du très bon bestiaire de Half-Life, on en a pour notre argent. Les rencontres sont souvent plus stressantes et mieux mises en scènes, plus directes aussi, car il est beaucoup plus question de combats rapprochés.
Un délice qui nous a parfois fait bien suer, et en ce sens, on aurait d’ailleurs aimé un peu plus de boss. Car là, autant dire que cela avoisine une sorte de néant absolu assez inhabituel pour un jeu de la franchise, mais vous savez quoi ? L’expérience fut si grisante, si unique et si incroyable à vivre que l’on pardonne aisément au titre ses quelques égarements ponctuels.
Half-Life: Alyx est impressionnant. Il n’est peut-être pas ce que les fans auraient voulu, mais il est ce que tous les amateurs forcenés de VR attendaient. Incroyable de réalisme, terriblement immersif, solide dans sa proposition de gameplay et en totale adéquation avec l’univers de sa franchise, on ne peut que très très rarement le prendre en défaut.
Pour un premier pas dans le monde de la réalité virtuelle, Valve frappe un gros coup de poing sur la table et nous pond là la référence que tout le monde espérait il y a de cela quelques années déjà.
Ce qui est sûr, c’est qu’il y aura un avant et un après Half-Life: Alyx et que la réalité virtuelle est devenue un objet ludique incroyable grâce à ce jeu qui annonce, de par sa fin, un futur radieux pour l’une des licences les plus appréciées au monde.