La nuit tombant, l’inspecteur était encore sur le lieu du crime. Il y avait quatre corps disposés aléatoirement au sol dans un gymnase… Ou cinq corps ? Attendez, était-ce vraiment un gymnase, ou une boulangerie ? Je ne sais plus où j’en suis, ma mémoire me fait vraiment défaut.
Fan de thriller et d’exploration mémorielle, bonsoir. Nous sommes ici présents pour étudier le cas Get Even, qui a malmené le cerveau de mon client. Sachez dès maintenant que ce que vous savez n’est peut-être pas, et que ce qui va suivre ne sera peut-être pas réel. Au cours de la plaidoirie de mon témoin, prenez note que vous ne devez pas accrocher votre attention sur à quel point vous (et mon client) êtes perdus, mais plutôt quel chemin il a parcouru pour en arriver là.
C’est concrètement le ressenti que donne au premier abord Get Even, le jeu développé par The Farm 51 et édité par Bandai Namco Entertainement. Ce FPS à l’ambiance plutôt dark aborde comme thème l’exploration de mémoire au travers d’un patient, et accrochez-vous au scénario car il peut très vite vous glisser entre les doigts. Sans spoil majeur, le plot de Get Even tourne autours de l’exploration des souvenirs de deux protagonistes, Black et Red, afin de déterminer qui est fautif ou non dans une histoire de meurtre et de trahison.
La nostalgie, c’est franchement beau à voir
Si une chose frappe d’entrée de jeu quand on lance une partie (après s’être sans doute demandé où l’intro voulait nous mener et pourquoi on atterrit dans une sorte de bâtiment abandonné l’air de rien) c’est que le jeu est vraiment beau ! Les textures sont lissées, les décors sont crédibles, les personnages ont vraiment l’air tirés d’un film d’animation.
Et même si parfois les textures mettent un petit peu de temps à s’afficher (et c’est assez rare), on a réellement l’impression de se balader dans des décors qui pourraient être à quelques kilomètres de chez nous. Au grand malheur de la map qui quant à elle peut devenir un peu rigide, occasionnant certains blocages dans le niveau, le tout demandant de recharger au point de contrôle précédent…
De plus, l’interface se fait très discrète, ce qui rend la chose encore plus immersive. Toutes les mécaniques du jeu seront essentiellement affichées sur le smartphone de Black, un des protagonistes principaux. Et certes, si l’aspect crédibilité en prend un coup car la batterie du téléphone de Black ne descendra pas d’un pourcent, le côté immersif en est renforcé car le fait de passer à chaque fois par une application pour interagir avec l’environnement est plutôt une réussite.
Pour ce qui est de son arme, Black, malgré ses souvenirs troués comme du gruyère, saura se rappeler en permanence le nombre de balles qui lui reste (quel as ce Black !) ainsi que ses armes, et ce d’une manière assez discrète, les infos apparaissant quand on vient à recharger ou changer d’arme.
Cependant, les dialogues sont très peu animés, on a droit à quelques mouvements, mais rien de fou malheureusement, la faute à Black qui a une vilaine mémoire photographique sans doute ?
Mais pourquoi j’ai cette musique en tête constamment ?
Niveau ambiance sonore, Get Even fait le travail. Quand une situation vient pour vous rendre nerveux, un grondement métallique/électronique viendra vous caresser l’échine, rendant la situation plus stressante qu’elle ne l’était. De plus, le doublage est plutôt réussi même s’il n’est qu’en anglais, si vous n’êtes pas anglophone il vous faudra freiner l’action pour lire les sous-titres. Heureusement, la plupart du temps l’action freinera d’elle-même quand les dialogues apparaîtront. Chaque thème aura quant à lui deux versions : une quand tout est calme et l’autre quand vous êtes dans le feu de l’action, ce qui donne le bénéfice de ne pas faire de coupure sonore brutale quand vient le moment de faire parler le plomb en plus d’offrir une ambiance sonore adaptée à la situation.
De plus, l’OST est composée de 19 morceaux, oscillant entre musique électronique type Dark Ambiant, musique Symphonique/Classique et Pop (même s’il faut avouer que la Pop fait tache au milieu de l’OST, elle a au moins le mérite de faire redescendre la tension et rajoute même un côté fun et décomplexé quand elle intervient, tout en étant pertinente dans le scénario). Seul bémol, on a pourtant l’impression que certaines musiques se répètent vraiment trop souvent par rapport à d’autres, ce qui peut donner lieu à un ver d’oreille (vous savez, cette musique qu’on ne peut pas s’enlever de la tête ?) mais cela ne posera pas pour autant problème car toute l’OST est superbement bien écrite et composée, et transporte à la perfection les émotions qu’elle souhaite amener.
L’action dans un thriller, c’est comme les montagnes russes
Et Get Even le fait merveilleusement bien, peut-être même un peu trop. On a vite fait de passer du chaud au froid et inversement, chaque zone liée à des souvenirs étant bien souvent soit complètement vide, soit carrément blindée d’ennemis. Vient s’ajouter à ça que les zones calmes sont bien souvent bardées de documents à lire (en anglais, avec version française en Comic Sans sans les images et autres sucreries visuelles, dommage), ce qui vient freiner le jeu une fois de plus.
Et ces documents sont pourtant véritablement essentiels au jeu ! C’est un thriller, qui dit thriller dit rassembler un maximum d’informations de base, mais en plus le jeu nous demande de récupérer le plus possible de documents (si ce n’est tous). On peut facilement transformer le jeu en walking simulator durant ces phases.
Cependant, pendant les phases à chaud, Get Even nous offre le choix de l’infiltration ou de l’action. L’une présentant le côté pacifiste et l’autre le côté violent du protagoniste qu’est Black. et les deux facettes de cette partie sont très bien réussies. En tant que ninja on peut très bien faire apparaître des éléments de décor pour s’y cacher, attirer un ennemi sur le côté d’un bâtiment afin de faire le tour et de le contourner, ou tout simplement zigzaguer entre les champs de vision du côté adverse.
Côté offensif, le jeu de pan-pan est plutôt simple mais efficace, on a accès à deux armes maximum, la visée est précise, on tire, ça meurt, on continue. Si Black a accès à un arsenal un peu plus perfectionné que l’autre protagoniste, les mécaniques se ressemblent et on ne perd jamais pied. De plus, la difficulté est vraiment croissante, chaque palier, chaque niveau se faisant un peu plus ardu. Un problème vient s’ajouter à la difficulté qui jusque là était pourtant la bienvenue.
Les points de contrôles sont mal placés, et chaque mort nous fait parfois réapparaître sans des documents récupérés auparavant juste à côté, ou avant des dialogues qui sont impossibles à passer. Alors que dans d’autre jeux on accueille la mort à bras ouvert (c’est de bon jeu après tout) ici mourir peut devenir frustrant, vraiment frustrant, et pourtant les temps de chargement sont plutôt rapides !
Point final : les mécaniques sont bien trop limitées, entre pistolets, portable et… c’est tout ? Oui, c’est bien ça le problème, ce qui fait que je me suis bien trop souvent retrouvé à vouloir tenter une stratégie, avant de me faire repérer puis de fuir et contourner un arbre en me collant à lui avant de me retrouver bloqué dans celui-ci.
La mémoire me fait défaut, tu retiens pour moi ?
Là où Get Even brille, c’est dans sa façon de proposer une aventure de type thriller psychologique. Bien que les informations nous soient données au compte-goutte et que l’on sache d’ores et déjà qu’un plot twist aura lieu tôt ou tard, le jeu nous laisse vagabonder dans l’incertitude. Get Even se décompose en deux parties bien distinctes. Dans la première, chaque choix et certains actes seront mémorisés et pris en compte avec un aspect de jeu de détective où chaque document récupéré pourra être revu et étudié plus en profondeur. La seconde partie est bien plus linéaire que la première. Cela n’empêche pas pour autant le jeu d’être un énorme couloir.
Et bien que l’histoire mêle action, tension, suspense et tous les autres éléments présents dans un bon thriller, de par la nature déstructurée que présente Get Even, on pourra parfois avoir l’impression d’être au mauvais moment au mauvais endroit. Rien de bien inquiétant, tout est dévoilé vers la fin du jeu, sans qu’on soit pour autant totalement perdu. C’est là où la magie de l’écriture éclate, comme quand on regarde deux fois d’affilée Shutter Island et qu’on capte chaque détail qui jusqu’avant était perçu comme un événement bizarre.
L’incompréhension se change en évidence, et chaque mystère est résolu en une fraction de seconde. Bien sûr, on n’a plus le coup de choc du plot twist, mais on nous offre une version totalement différente des faits. Il existe deux types de spectateurs pour ce genre de spectacles, ceux qui ne l’ont pas vu et ceux qui savent comment les choses tournent, et pourtant les deux apprennent du spectacle.
Comptez environ 10h pour finir le jeu une première fois, Get Even n’a pas une durée de vie monumentale, mais plutôt correcte pour un FPS sans de mode multijoueur.
Avec une direction artistique vraiment soignée et un scénario des plus réussis, Get Even séduit de par sa beauté et on se laisse bercer par l’histoire sans aucun mal tant qu’on y maintient l’attention. Quel dommage que des détails viennent casser le charme et l’énorme potentiel du soft, le gameplay étant quant à lui complètement à la ramasse et l’action freinée beaucoup trop souvent, ce qui peut vraiment tuer l’intérêt du joueur.