Fear Effect Sedna n’est autre que la continuité d’une série entamée en 2000 sur PlayStation, Fear Effect, dont le premier opus sera suivi l’année d’après par Fear Effect: Retro Helix, et dont le troisième volet, initialement prévu sur PS2, ne verra finalement jamais le jour. Entre temps, développeurs et ayant-droits concernant la licence ont changé du tout au tout, et aujourd’hui, c’est le studio français Sushee qui se lance dans la tâche de développer le Fear Effect nouveau (Sedna, donc). Le studio est placé sous l’égide du géant Square Enix, dont la branche appelée Square Enix Collective offre aux indépendants la possibilité d’utiliser certaines de ses propriétés pour tenter de faire revivre des figures oubliées de leur catalogue.
Les deux premiers Fear Effect étaient des jeux à la troisième personne type Resident Evil dans le maniement (en plus souple, quand même), dans lesquels aventure et espionnage se mâtinaient de surnaturel, voire d’horreur. Donc, suite à une campagne Kickstarter concluante et 17 ans après la sortie de Retro Helix, l’heure est venue de se poser la bonne question, qui est la suivante…
Fear Effect Sedna – Est-ce qu’Hana nous barbera ?
Refonte de gameplay
Haaa, l’ère PlayStation… Lorsque l’on est passé de 16 à 32-bit pour le plus grand émerveillement de toute une génération de joueurs, qui bavaient devant ces graphismes ayant fait briller des millions d’yeux époustouflés (et qui nous donnent aujourd’hui envie de lécher une barre de rame de métro plutôt que subir ce supplice)… C’est aussi l’époque des premiers Resident Evil, de bonnes grosses claques, tant niveau ambiance que déroulement, mais généralement maniables comme des tractopelles (pour ma part, courir droit dans un couloir tenait de l’exploit, si mes souvenirs sont bons). Or, outre la fameuse saga horrifique de Capcom, qui aura su subsister au fil des années (comme le montre notre test de Resident Evil 7) en dépit de quelques opus très dénigrés, d’autres jeux inspirés de façon plus ou moins lointaine de celle-ci n’auront pas connu un parcours aussi fructueux. Comme nous le disions en intro, c’est le cas de Fear Effect.
Nous n’allons pas nous attarder indéfiniment sur les deux premiers volets (ni sur le troisième inexistant), mais il conviendra néanmoins de les évoquer sporadiquement afin de nous offrir des points de comparaison entre la série originelle et le petit dernier, Fear Effect Sedna. Pour commencer, ne vous attendez pas à retrouver dans Sedna le même style de gameplay que dans les autres Fear Effect. Aussi, exit le maniement ultra-rigide en écrans fixes qui proliférait à l’époque, on a ici droit à un genre de maniabilité tout à fait différent. Nous verrons dans un instant que, si l’idée n’est finalement pas idiote d’abandonner cette antiquité de gameplay, la mise en œuvre pêche sur plusieurs points.
Infiltr-action avec quelques soucis
Quoi qu’il en soit, on se retrouve désormais avec un jeu d’infiltration/action en 3D isométrique, une réalisation qui est, elle aussi, loin d’être récente, et que l’on retrouvait notamment, pour ne citer qu’un exemple, dans une série que Votre Humble Narrateur affectionne, les derniers Shadowrun. Les déplacements s’avèrent somme toute assez efficaces, surtout en mode infiltration, et il vous est aisé de trouver au fil des niveaux des murs, caisses et autres éléments de décor derrière lesquels vous faufiler histoire de ne pas vous faire griller par les caméras, esprits et autres gardes. Un point positif, donc, contrebalancé par quelques points sombres.
Sombre, justement, parlons-en. Si, contrairement aux premiers Fear Effect, les stages que vous visitez ne sont plus découpés en écrans fixes agaçants qui hachaient inlassablement le déroulement de l’action à chaque fois que vous faisiez cinq pas, on a par contre affaire à des niveaux certes entiers d’entrée de jeu, mais plongés dans d’étranges ténèbres qui ne s’éclaireront qu’au fil de votre avancée. Parfois pesant, puisque d’une, vous aurez du mal à vous repérer tant votre spectre de lumière est réduit, et de deux, pour la même raison, vous risquez de tomber sur un ennemi que vous n’aviez pas vu car caché par cet incompréhensible voile noir omniprésent, ce qui vous conduira souvent à manger les pissenlits par la racine. Un premier élément négatif un peu frustrant donc, mais ce n’est pas le seul, hélas. La petitesse des personnages, par exemple, ainsi que celle de certains textes, vous obligera parfois à plisser les yeux si vous ne possédez pas un œil de faucon impeccable. Ce que le côté sombre évoqué plus haut ne vient en aucun cas améliorer.
Bancal dans ses diverses phases de jeu
Voilà pour les petites critiques concernant la réalisation globale, il est donc temps de passer au détail de l’aventure, et là encore, vous allez voir que tout n’est pas rose. On retrouve la jolie Hana des précédents opus ainsi que le petit groupe de compagnons qu’elle avait su rameuter à ses côtés, plus quelques nouveaux. Vous voilà donc partis aux quatre coins de la planète pour un périple au cours duquel l’humanité ne sera pas toujours votre seul opposant. Et comme les forces placées en face de vous vous sont terriblement supérieures en nombre, il va s’agir de la jouer fine et d’essayer de progresser sans se faire trop repérer. Fear Effect Sedna alterne ainsi entre scènes d’infiltration, scènes de fight et énigmes. Dans chaque stage, un certain nombre d’ennemis sera présent sur les lieux, et mieux vaudra pour vous les éliminer petit à petit et en toute discrétion, sous peine de rameuter tous les autres.
Pour ce faire, la meilleure option est de se déplacer accroupi, de se dissimuler derrière les objets présents, et de tenter d’échapper au regard des adversaires (symbolisé par un angle de vue précis comme dans tout bon jeu d’infiltration), puis d’éliminer sans un bruit les mécréants. Chose souvent plus facile à dire qu’à faire, surtout en cas de grand nombre ; et pas simple d’observer les déplacements adverses pour se constituer une stratégie, n’est-ce pas, quand quasiment tout l’écran est plongé dans l’ombre… Bref, on ne va pas y revenir… Quoi qu’il en soit, avant d’avoir acquis le pattern ennemi, vous allez souvent vous faire cramer par les caméras ou les gardes, ce qui (sans compter les boss) déclenche la plupart des scènes d’action, au cours desquelles vous allez devoir esquiver au mieux en plongeant à droite à gauche, tout en matraquant le bouton de tir et en essayant de toucher les adversaires. Ce qui n’est pas chose aisée, puisque vous n’avez aucune indication de la visée précise de votre arme, et que les ennemis seront souvent en surnombre, vous criblant de balles sans aucun remord, surtout que l’énergie vitale (et la dose de peur, élément important de la série) baissent à vitesse grand V.
Encore une poignée de critiques, mais aussi quelques bons points
Alors après, on peut trouver des médikits sur certains ennemis ou dans des boîtes, pour regagner à la fois santé et courage, mais leur activation prend trop de temps pour être vraiment viable en pleine baston. Heureusement, si vous débutez l’épopée en solo, vous rejoindrez rapidement vos coéquipiers, et lorsque l’un de vos personnages perdra la vie, vous en incarnerez un autre, et ainsi de suite jusqu’à la défaite de l’ennemi – ou la vôtre. Notez également que vous disposez d’un bouton pour demander à vos alliés (avec qui vous devrez parfois coopérer en switchant de l’un à l’autre en fonction de leurs talents) de vous suivre ou de rester sur leur position, ce qui leur évitera de se faire déglinguer alors que vous aviez joué la furtivité tel un chat avec le perso que vous commandiez ; en outre, vous pourrez pré-sélectionner les déplacements de chacun avant de lancer l’action.
Quant à la troisième phase de gameplay, les énigmes… Assez absconses, elles vous demanderont de rechercher des indices tout au fil des niveaux pour trouver comment passer telle ou telle porte, ce qui vous enverra cavaler dans les couloirs en réfléchissant à des énigmes un peu tordues. Pas magique, ça. Pour conclure, un peu de technique. Les graphismes s’avèrent très satisfaisants (à part les défauts évoqués plus hauts), et les jolies cinématiques en cel-shading, qui sont la marque de la série depuis ses débuts, sont très plaisantes. La musique, bien que répétitive, est elle aussi un bon point de ce Sedna. On regrettera un peu l’abondance de game over et le temps qui s’ensuit pour reprendre sa partie au dernier point de passage…
Conclusion Fear Effect Sedna
Un jeu dans lequel on ne sait pas toujours quoi faire, des énigmes souvent un peu tirées par les cheveux, une visée approximative en mode action, des écrans trop sombres et des persos trop petits, trop de game over et même parfois injustes… Difficile de définir Fear Effect Sedna comme une pure réussite. On prendra certes plaisir dans certaines scènes d’infiltration, mais la frustration pointera souvent le bout de son nez. On appréciera néanmoins de retrouver Hana et sa team, mais seulement si l’on a connu la licence à ses débuts, ce qui ne doit pas être le cas de tant de joueurs actuels. À essayer si vous aimez la licence et êtes prêt à faire fi des nombreux défauts du jeu. On attendra, dans le cas contraire, Fear Effect Reinvented, des mêmes développeurs, un remake du premier volet prévu pour les mois à venir…