Depuis que la Fédération Internationale Automobile a laissé le jeu vidéo s’emparer de la licence officielle en 1996, pas une seule année n’est passée sans la sortie d’un jeu estampillé Formule 1. Si les éditeurs et les développeurs se sont enchaînés les premières années, ce sont les Britanniques de Codemasters qui ont hérité du bébé depuis 2009, faisant de la franchise F1 une valeur plutôt sûre de la simulation sportive automobile.
De retour aux affaires pour ce F1 23, disponible depuis le 16 juin sur PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series et PC, Codemasters, accompagné d’Electronic Arts Sports à l’édition, ont l’obligation de se relancer après un dernier opus critiqué pour ses micro-transactions trop nombreuses et l’insipidité de son mode histoire F1 Life. La mission est-elle accomplie, et F1 23 parvient-il à redonner ses lettres de noblesse vidéoludique à un sport qui mérite qu’on s’y intéresse, malgré l’ultra-domination récente de l’écurie RedBull et de son leader Max Verstappen ?
(Test de F1 23 sur PS5 réalisée à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Du stress et des paillettes
Dès la cinématique d’introduction, le ton du jeu est donné. Dans l’univers de la Formule 1, les stars, ce sont les pilotes. Seules vingt personnes au monde ont l’honneur de pratiquer cette discipline, et F1 23 se doit de capitaliser sur eux. Bienvenue dans leur monde, qui va devenir le vôtre pendant de nombreuses heures.
La force du jeu, c’est bien sûr sa licence, la possibilité d’affronter ses pilotes favoris, et de piloter des voitures uniques sur les plus grands circuits du monde. De ce point de vue, le jeu est une réussite. La modélisation des lieux et des monoplaces est magnifique, et la présentation des courses, comme à la télé, permet une véritable immersion dans le grande monde de la Formule 1, avant même de monter dans la voiture. Que vous soyez un tifosi de la scuderia Ferrari, un amateur de Mercedes ou que vous préfériez partir en bout de grille en pilotant une Alpha Tauri, tout est possible.
Dans F1 23, les choix sont nombreux, et chacun des modes de jeu offre au joueur un plaisir de conduite totalement différent, en fonction du temps dont il dispose, mais plus simplement au gré de ses envies. Que ce soit lors d’une course unique, d’une session de contre-la-montre, d’une longue carrière à batailler du fond de grille à la pôle position, ou encore dans la quinzaine de missions du mode histoire, dont nous parlerons plus tard, nous avons aimé la sensation de liberté d’action que nous a laissée le jeu.
Si vous connaissez un peu la Formule 1, vous le savez déjà, un pilote n’est pas dans le même état d’esprit chaque jour de son weekend de course. Il ne vit pas le même stress lors d’une journée d’essai libre le vendredi, lors d’un tour chronométré de qualifications le samedi ou lors du jour de course le dimanche. Et F1 23 nous l’a parfaitement fait ressentir. Au volant de nos monoplaces, nous sommes passés par toutes les émotions. La frustration de l’apprentissage pendant les essais, la joie d’une victoire, la déception d’une sortie de piste ou d’une contre-performance, ou encore l’adrénaline d’un dépassement risqué, le jeu réussit vraiment à nous mettre dans la peau d’un pilote, avec ses réussites, mais aussi ses doutes. Et un jeu qui joue avec nos émotions, n’est-ce pas généralement un bon signe ?
Tourner en rond comme à Indianapolis ?
Dans F1 23, vous serez ponctuellement amené à rentrer dans le quotidien d’une écurie, mais principalement à prendre en main une monoplace. Et à ce niveau-là, F1 23 ne nous a pas déçus, sans pour autant révolutionner le genre. En caméra embarquée notamment, les bolides lancés à 280 km/h, les phénomènes d’aspiration ou de décélération avant un virage, les dépassements, tout le jeu respire la vitesse. Il nécessite également une concentration de tous les instants pour ne pas être surpris par une courbe prise trop rapidement ou un adversaire tenté de vous dépasser. Attention à vos yeux, tout va vite, très vite, parfois trop. Mais c’est l’apanage même de la Formule 1.
Malheureusement, ce qui était au départ la force de F1 23 a eu du mal à nous tenir sur la durée. Non pas que le jeu n’ait pas de nombreuses propositions à nous faire, mais plutôt parce que passées quelques heures de jeu, nous avons eu du mal à nous positionner par rapport au niveau des adversaires géré par intelligence artificielle. Entre les premiers niveaux de difficultés et de règles officielles activées, dans lesquels F1 23 est plus proche d’une proposition arcade simpliste, et les niveaux de difficultés supérieurs (vraiment supérieurs !) où la simulation reprend ses droits, il y a un monde.
Dans les plus bas niveaux, vous pourrez vous appuyer sur des trajectoires dessinées au sol, des retours dans le temps en cas d’accident, des retours immédiats sur la piste en cas de sortie, et surtout sur des adversaires beaucoup moins coriaces. Sympathique au début, mais déposer Max Verstappen en ligne droite au volant de son Alpha Roméo devient vite décevant par manque de réalisme. Au contraire, batailler pendant des dizaines de courses peut également devenir très vite frustrant lorsqu’on décide de se frotter aux pilotes de F1 23 à la loyale en augmentant les niveaux de difficulté.
En bonne simulation, il ne faudra pas compter vos tours et vos heures de travail sur le circuit. F1 23 est exigeant, voire trop, comme l’est la conduite professionnelle à haute vitesse dans la réalité. Pour certains, ce sera une qualité, pour d’autres, un défaut.
Donner de l’humanité à un monde de machines
Avec la sortie et le succès de la série Formula One: Drive to Survive sur Netflix, la Formule 1 a connu un boom d’audience entre 2019 et 2022, après de longues années de désamour du grand public. La recette ? Mettre en avant les hommes derrière les casques, les hommes et les femmes dans les stands, ceux derrière les cordons de la bourse. La Formule 1 est un monde fermé, et qui dit monde fermé dit souvent histoires croustillantes et rivalités à se mettre sous la dent. Les gens ont adoré découvrir les personnalités diverses de Lewis Hamilton, Carlos Sainz Jr ou Esteban Ocon et de leurs dirigeants hauts en couleur sur Netflix. Mais le format série était-il transposable en jeu vidéo ?
Dans un hommage même pas masqué à la série Netflix tant certains plans sont proches du plagiat, le mode histoire de F1 23, intitulé Point de Rupture 2 (suite du mode histoire de F1 21), met en avant la vie dans les paddocks. Au sein de l’écurie fictive Konnersport, vous ferez la rencontre et incarnerez différents acteurs d’une saison, des pilotes et leur famille aux directeurs sportifs. Des gentils, des méchants, des gentils devenant méchants, des méchants devenant gentils, le quotidien de Konnersport ne sera pas de tout repos. Si ce mode histoire ne sera certainement pas en lice pour l’Oscar du meilleur scénario original, il a toutefois le mérite de proposer des temps calmes, des cinématiques et quelques rebondissements qui changent du simple mode carrière et de ses temps de conduite à répétition.
Pour amener encore plus d’humanité dans ce monde de moteurs, F1 23 tente même de piquer quelques éléments très simplistes de RPG dans ses modes carrières et histoire. Ainsi, certaines réponses données lors d’interviews aux journalistes ou par mail pourront avoir des répercussions (très légères) sur la suite de la carrière. On pourra également faire quelques choix personnels d’amélioration de notre monoplace, en échange de points de compétences remportés durant nos différentes courses. Eh oui, quand on ne peut pas augmenter nos points de magie, on trouve autre chose.
Malheureusement, F1 23 n’ose pas assez, et on reste très vite sur notre faim, en répondant de plus en plus rapidement aux dilemmes proposés, sans même prendre le temps de tout lire, quand on se rend compte qu’ils ne changeront finalement rien à la carrière de notre pilote. Les idées étaient bonnes, mais on sent que les développeurs se sont trouvés pris en étau entre l’envie de se lâcher complètement et celle de rester proches du bitume, la conduite avant tout.
Si F1 23 nous a convaincus par l’immersion qu’il arrive à créer dans chacun de ses modes, quelques défauts purement inhérents aux simulations sportives, comme un niveau de difficulté très difficile à calibrer, nous ont empêché de trouver l’envie d’aller plus loin qu’une première saison.
Malgré tout, F1 23 reste un très bon jeu de course automobile, qui oscille entre arcade et simulation selon les choix que feront les joueurs. Il permettra à tout fan de Formule 1 qui se respecte de prendre de longues heures de plaisir, et, si le cœur leur en dit, d’entrer ensuite dans le gargantuesque monde multijoueur pour affronter des pilotes du monde entier. Notre temps de jeu ne nous ayant pas permis de le découvrir complètement, nous n’en dirons pas plus ici.
Exigeant, F1 23 permettra tout de même aux novices du monde de la Formule 1 de faire leurs armes dans le mode histoire, qui, s’il ne surprend pas, reste très agréable à vivre durant une dizaine d’heures environ. En tout cas, F1 23 est à l’heure actuelle le meilleur hommage rendu à la Formule 1 sur nos consoles, et si vous cherchez à vous amuser à 300 km/h, foncez jusqu’aux paddocks sans l’ombre d’un doute.