Il était une fois, dans la dure réalité des jeux de sport annuels, un titre qui voulait apporter toujours plus de confort à ses utilisateurs. F1 24 entend donc, sans révolutionner la formule de ses ainés, parfaire une expérience qui stagne ici et là d’année en année, même si chaque nouvel épisode apporte son lot de nouveautés. Pas toujours pertinentes, pas toujours des plus réussies, la licence de Codemasters et Electronic Arts a au moins le mérite de tenter des choses, timidement certes, mais c’est un fait.
Entre un mode scénarisé, l’arrivée de F1 Life ou encore l’évolution des différents modes Carrières et du gameplay à proprement parler, la franchise a tenté de renouveler sa formule à maintes reprises. Et si des choses ont été gardées, que d’autres apparaissent et disparaissent au gré du vent, Codemasters affiche la volonté de constamment voir plus haut et plus accessible, afin de toucher un nombre de joueurs croissant. D’ailleurs, depuis les débuts de Drive to Survive sur Netflix, la Formule 1 n’a jamais autant eu le vent en poupe et tous connaissent au moins certains pilotes.
Dans cette optique, le studio a fait appel cette année à Max Verstappen, triple Champion du Monde, pour qu’il apporte son expertise sur le gameplay, mais aussi sur des composantes de gestion mécaniques et pneumatiques. Ainsi, F1 24 tranche radicalement avec son homologue de 2023 et entend faire entrer la licence dans une nouvelle ère qui pourra en déconcerter quelques-uns.
(Test de F1 24 réalisé sur PlayStation 5 à partir d’une version fournie par l’éditeur)
La volonté affichée cette année est de rendre l’expérience aussi immersive qu’abordable, et cela se traduit forcément par un gameplay plus « smooth », bien moins contraignant que par le passé. Dans les faits, ceux qui comme nous ont brûlé de la gomme sur l’épisode 2023, vont trouver dans ce F1 24 sa parfaite Némésis. Tout est mis en place pour que la conduite réponde au doigt et à l’œil, surtout pour les joueurs qui enfourchent leur monoplace manette en main. Les trajectoires sont plus permissives, les voitures collent littéralement au bitume, et aller à la faute devient alors après quelques courses impossibles pour ceux qui sont habitués aux jeux de course et ce, malgré un sous-virage dérangeant au départ.
Nous voilà donc devant un jeu qui demande certes un certain doigté, mais qui se montre par la même occasion bien plus arcade que par le passé, même si la licence n’a jamais non plus concouru dans la catégorie de la simulation. Cette ouverture à un public plus large est à double tranchant, car si d’un côté, c’est commercialement parlant logique, d’un autre cela risque de peiner quelques puristes, même si les options de personnalisation et d’aide à la conduite sont toujours présentes et permettent alors de retrouver des sensations proches de celles de F1 23.
Se pose néanmoins la question de savoir où va la licence et surtout à qui elle entend parler dans le futur, car si F1 24 parvient sans peine à se montrer grisant manette en main, il nous a paru bien moins trépident que par le passé, la faute donc à cette accessibilité nouvelle qui en plus tranche radicalement avec les évolutions que nous allons mentionner. Parce que s’il y a bien des choses qui nous ont totalement conquis, ce sont les efforts consentis à rendre plus réaliste la gestion pneumatique, celle des suspensions, ainsi qu’un retour au contrôle complet de l’ERS, cela grâce aussi aux conseils éclairés de Max Verstappen.
Pour la pneumatique, cela se traduit par une usure des gommes bien plus concrète que par le passé. Gérer sa pneumatique en course devient alors un impératif pour éviter une perte d’adhérence trop grande et davantage la crevaison. Notre rythme en prend aussi un coup lorsque l’on tape trop dans nos pneus, et il nous faut bien penser notre course au risque de la ruiner bêtement. Pour ce qui est des suspensions, elles sont gérées indépendamment les unes des autres, ce qui impose aux joueurs une maitrise de tous les instants de la voiture, au risque de la perdre si l’on prend un vibreur avec trop de véhémence, de même que l’on ressent plus le poids de la voiture sur la conduite.
Quant à l’ERS, on a enfin le loisir de retrouver une véritable gestion de la batterie avec différents modes qui nous permettent de nous adapter à la course et à ce que l’on veut tenter de faire pour accroitre notre avance, rattraper nos concurrents, ou encore faire de la récupération d’énergie.
Et tout cela tranche assez singulièrement avec ce gameplay plus prévisible, car bien savoir gérer sa pneumatique ou son ERS demande quelques connaissances, de même que le frein moteur étant enfin de la partie (et c’est tant mieux), c’est une composante de plus à prendre en compte. L’IA s’est, elle aussi, vu retravailler, elle se montre plus coriace et moins cogneuse, abandonnant plus facilement la trajectoire de course si contrainte, mais elle reste parfois trop hasardeuse et se met à faire certaines choses incohérentes lorsque sous pression ou que plusieurs monoplaces sont à la lutte. Elle commet un peu plus de fautes que par la passé, même si toujours trop peu pour nous, mais cela va néanmoins dans le bon sens et nous ne pouvons qu’espérer que Codemasters continuera de la parfaire.
Autre point positif, les performances de base des monoplaces sont plus proches de celles que l’on connait. Ainsi, certaines seront plus rapides que d’autres et adaptées à des tracés dits rapides, alors que les dernières seront à l’aise sur des circuits lents. Tout ceci est visible en course, et franchement ce n’est pas pour nous déplaire, car les connaisseurs savent dans quoi ils s’embarquent lorsqu’ils choisissent leur écurie de départ. C’est moins vrai par contre pour la F2, même si les voitures de cette année ne sont pas encore disponibles et arriveront dans une prochaine mise à jour gratuite, car en attendant nous sommes bloqués avec celles de 2023.
Globalement, on ressort assez satisfait mine de rien de notre expérience sur F1 24, même s’il a fallu nous adapter à cette nouvelle philosophie d’accessibilité, rendant la monoplace bien plus prévisible dans sa conduite, et donc maniable à l’excès parfois. Mais cette impression ne permet pas par contre de profiter pleinement des améliorations liées à la gestion mécanique, un paradoxe assez bizarre, qui peut néanmoins se régler quelque peu en désactivant certaines aides à la conduite.
Road to Sucess
Pour ce qui est des modes de jeu, peu de bouleversement à l’horizon. On retrouve toujours le mode Carrière pilote, que l’on peut toujours pratiquer à deux joueurs, ainsi que celui nous permettant de gérer notre écurie. Malheureusement, le second s’est vu offrir quasiment aucune nouveauté, alors que le premier connait cette année quelques avancées qui tapent dans le mille, même si la formule se doit encore d’être travaillée.
Ainsi, si l’on peut choisir de commencer directement en F1 ou d’en passer par la F2, voire d’incarner un pilote existant, c’est bien dans le déroulé de la Carrière que les choses ont bougées. Le service R&D s’est vu octroyer plusieurs spécialistes qui nous demandent avant chaque week-end de courses d’accomplir quelques objectifs pour les satisfaire, ce qui à force nous permettra d’obtenir des bonus de développement non négligeable.
On parle là de booster la recherche sur un domaine précis, comme l’aérodynamisme ou bien même notre réputation. Réputation qui revêt dans F1 24 une importance capitale, car c’est là notre indicateur principal quant à ce que pense de nous notre écurie, mais aussi les autres. Plus on est réputé dans notre team, plus on bénéficie d’avantages spécifiques vis-à-vis de notre coéquipier, on retrouve là alors la logique de premier et deuxième pilote. Quant à nos concurrents, ils seront plus à même à nous contacter pour nous débaucher, même si nos performances comptent aussi.
Effectivement, à chaque nouveau contrat signé, on fixe des objectifs globaux avec notre écurie, et si on les atteint tout va bien, alors que dans le cas contraire cela peut aller jusqu’à la perte de notre baquet. Dans les faits, il ne faut pas se montrer trop gourmand, surtout en début de partie, et si nos performances réussissent à convaincre, on pourra alors négocier un meilleur contrat et taper dans l’œil d’autres équipes. Ces dernières nous contacteront alors secrètement et choix nous est laissé de poursuivre les discussions ou non, sachant que si cela s’apprend, notre réputation auprès de notre écurie actuelle en pâtira assez sévèrement. Seul regret, quelques bonnes courses permettent trop vite de pouvoir négocier avec potentiellement de très bonnes écuries, et tout va bien trop vite malheureusement, ce qui rend l’expérience assez frustrante, car on a l’impression que cela est un brin superficiel.
Néanmoins, tous ces efforts de dynamiser un mode Carrière qui stagnait bien trop depuis des années vont dans le bon sens, et cela s’accompagne d’une mise en scène nouvelle qui parvient sans mal à surpasser ce qui se faisait auparavant, même si c’est encore bien trop en retrait à notre sens, notamment lors des week-ends de courses. Notons d’ailleurs que l’ingénieur est bien plus pertinent qu’autrefois, n’hésitant pas à nous demander d’économiser l’énergie ou le carburant de la monoplace via des objectifs dynamiques qui apparaissent lorsque l’on roule, libre à nous de suivre alors le conseil donné ou de nous entêter dans notre propre stratégie, ce qui est conseillé dans certains cas.
Une écurie qui stagne
Mais ce qui est vrai et bénéfique au mode Carrière ne l’est pas pour le reste. Mon Écurie stagne totalement et ne s’est pas vu offrir les mêmes améliorations que son homologue, rendant l’expérience de ce fait moins passionnante, la laissant comme morte sur le bas-côté de la route. Pourquoi ? Probablement par manque de temps, car il est tout bonnement inconcevable que l’intégralité du jeu eut pu bénéficier des nouveautés avec un temps de développement de tout au plus un an. Et cela même si le moteur de jeu n’a pas bougé, tout juste, avons-nous le droit à des jeux de lumière plus convaincant et quelques effets météos bien mieux rendues. Météo qui influe d’ailleurs positivement sur la conduite, les sensations sous la pluie sont très bien rendues et c’est là une vraie avancée, la conduite changeant du tout au tout en fonction des conditions, et jamais la pluie n’aura paru aussi menaçante que dans F1 24.
Le mode F1 World est quant à lui fidèle à lui-même, et n’apporte rien de bien fou, à tel point que l’on aimerait le voir disparaitre, ce qui dégagerait du temps aux développeurs pour se concentrer sur l’important. Si certains tracés, comme Spa ou Imola ont enfin été retravaillés pour le meilleur, le reste ne suit pas.
Car ni un mode Défi plutôt réussi, mais anecdotique, ni l’abandon des abominables épreuves en supercars ou encore le multijoueur toujours très bon, ne peuvent masquer un manque de contenu assez visible. Plus de campagne scénarisée, un seul circuit rétro (celui de Portimão au Portugal), toujours pas de retour des monoplaces rétro et surtout un contenu de personnalisation des plus rachitiques si l’on ne passe pas à la caisse, ce qui est, selon nous, une véritable honte, tant les épisodes précédents se montraient très généreux par rapport à ce F1 24. Codemasters embrasse ainsi pleinement le modèle des jeux de sports actuels qui veut pousser le joueur à dépenser toujours plus d’argent, même pour du cosmétique bête et méchant.
F1 24 n’est pas une déception, ni même une pleine satisfaction. Il offre une expérience solide qui se dirige un peu plus vers l’arcade, afin que la licence touche toujours plus de joueurs, et cela, sans forcément que cela ne puisse, pour le moment, rebuter pleinement les puristes. Il y a bien des nouveautés qui font mouche, un parti pris réaliste sur certains aspects purement techniques qui nous ont réellement satisfaits, mais cela n’est pas vrai pour l’intégralité de la proposition. Si le mode Carrière centralise toute l’attention, le reste, hormis le multijoueur (même si la toxicité est parfois de mise), n’est pas à la hauteur et apparait de ce fait inutile ou désuet.
On espère alors que F1 25 continuera sur cette lancée et que le bol d’air frais touchera l’intégralité des modes de jeu, alors que Codemasters devra aussi gommer les quelques petits défauts repérés ici et là. On espère également que le contenu sera plus dense, et moins axé sur la dépense d’argent pour tout ce qui est cosmétique.
Parce que c’est bien beau de nous mettre de vrais échanges radios des pilotes avec leur ingénieur, ou de s’octroyer les services d’un triple Champion du Monde, tout en continuant de payer grassement Fébreau et Villeneuve pour le commentaire anecdotique, mais si cela signifie devoir dépenser toujours plus pour obtenir des items gratuits dans les jeux précédents, merci, mais non merci. Pas moins bon que son prédécesseur, sans être meilleur non plus, il est simplement différent, et sera de ce fait objet de contradiction pour son public.