Découvert lors du dernier Tokyo Game Show, Dungeon Encounters est un projet mené par des vétérans au sein de Square Enix. On y retrouve à la production Hiroaki Kato, ayant œuvré sur Final Fantasy XII: The Zodiac Age, le légendaire Uematsu Nobuo chargé de superviser la bande-son du jeu et Hiroyuki Itô, le père de l’Active Time Battle (ATB) et impliqué sur les épisodes VI et IX de Final Fantasy notamment.
Un projet modeste sorti en toute discrétion sur les différents stores dématérialisés ce 14 octobre 2021. Un dungeon crawler dans le plus simple appareil nous promettant une centaine d’étages d’un grand donjon à découvrir et de nombreux monstres à occire avec stratégie. Avec ces grands noms aux commandes, Dungeon Encounters mérite-t-il de gravir les marches du succès ou au contraire sombrera-t-il dans les tréfonds de son labyrinthe ?
(Test de Dungeon Encounters sur Nintendo Switch réalisée à partir de la version commerciale du jeu)
Active Time Battle : Le jeu
Entrons directement dans le vif du sujet. Dungeon Encounters va nous confronter à deux séquences de gameplay principale : l’exploration du donjon et les combats de monstres. Les combats tournent autour du système d’Active Time Battle. À l’instar des anciens Final Fantasy, ils se déroulent au tour par tour et l’ordre d’action de notre équipe et des ennemis est déterminée par une jauge se remplissant au fil des secondes. Pour réduire les point de vie (HP) des monstres à zéro, il faudra dans un premier temps détruire leurs défenses physiques (PD) ou magiques (MD). Il en est de même de notre côté. Tant qu’il nous reste des points d’armure (qui se rechargent entre les combats), nos HP sont, en théorie, protégés.
Et c’est là qu’interviennent les armes que nous pouvons équiper. Au nombre de deux par personnage, chacune étant associée à une action lors des combats, il faudra faire des choix. Préfère-t-on avoir une attaque mono ou multi-cible, dirigée sur les PD ou les MD de l’ennemi, pouvant atteindre ou non les ennemis volants, basée sur des dégâts faibles mais fixes ou potentiellement puissants mais aléatoires, etc. Le tout dans la limite de ce que permet notre niveau, bien sûr. Même s’il on fait globalement vite le tour des possibilités, arriver à trouver cet équilibre selon les combats qui nous attendent reste intéressant.
La montée en puissance, côté ennemis ou alliés d’ailleurs, se fait vraiment par à-coups, l’attaque ou la défense pouvant être doublée ou même triplée par un simple équipement acheté au marchand. Le niveau de difficulté reste pourtant tant bien que mal équilibré, mais les conséquences d’un éventuel décès peuvent être terribles, voire même rédhibitoires.
On a bien la possibilité de rattraper le coup, mais encore faudrait-il qu’on le puisse. Aller récupérer nos équipiers d’un niveau élevé avec nos héros novices pourra se révéler compliqué. Et comme le jeu n’explique pas qu’un allié mort sur une tuile peut être sauvé si on repasse dessus et qu’il nous reste de la place dans notre équipe active pour l’amener à un autel de résurrection, le problème peut très vite devenir insoluble. Et ce n’est qu’un exemple parmi les informations tues, mais qui nous paraissent pourtant essentielles d’au moins suggérer. Même si ne pas avoir toutes les informations gratuitement a son charme, cette rétention risque de venir à bout des nerfs et de la patience de beaucoup.
Finalement, tout est globalement réussi dans le système de combat, et heureusement d’ailleurs, car Dungeon Encounters récite les fondamentaux de l’Active Time Battle, mais encore faut-il aimer le tour par tour. Le vrai problème se situe plutôt dans son manque d’ambition et de variété sur la longueur. Passés les vingt premiers étages, on a vu bon nombre des mécaniques en place, et malheureusement, il n’y aura pas grand-chose de plus à se mettre sous la dent jusqu’au bout.
La page blanche dont vous êtes le héros
Un labyrinthe surnaturel est brusquement apparu dans les environs d’une ville sans histoire, et dans ses profondeurs se trouvent d’innombrables démons. Les meilleurs combattants du royaume y sont envoyés pour les repousser, mais pas un seul n’est revenu. C’est à peu près tout ce que l’on nous dira sur l’univers du jeu. Plus qu’une histoire, c’est simplement un contexte qui nous est offert.
On se retrouve alors propulsé dans une académie de combat dans laquelle on pourra commencer à composer notre équipe pour explorer les profondeurs du donjon et réussir là où tous ont échoué. Le reste de l’histoire, c’est à nous de la construire, mais surtout de l’imaginer. Derrière le concept très simple de l’univers, on peut aisément tout s’imaginer lors de nos aventures, et le côté minimaliste des graphismes du jeu nous offre finalement une belle page blanche pour cela, si l’on souhaite s’en donner la peine.
L’exploration et son contenu sont, selon nous, les gros points forts de Dungeon Encounters, malgré encore une fois l’aspect extrêmement minimaliste du jeu. Il y a un côté hypnotique, presque maladif à vouloir visiter chaque parcelle de la carte afin de la cartographier. On est d’ailleurs poussé à le faire, car les récompenses en valent le coup. Pour vivre notre histoire, on trouvera sur les tuiles correspondantes de quoi compléter notre journal de bord, lequel sera très utile pour faciliter notre progression dans les différents paliers.
On y gagnera également diverses compétences vraiment bien pensées pour optimiser l’exploration et les combats. Libre à nous alors de nous en équiper selon nos besoins pour peu que l’on dispose de suffisamment d’Ability Point (AP) que l’on obtiendra en explorant complètement un étage. Il conviendra donc de savoir bien jongler entre chacune d’entre elles. Simple, mais efficace.
Les énigmes que l’on pourra trouver çà et là au fil de nos pérégrinations nous rendent la progression dans Dungeon Encounters encore plus palpitante. Ces défis peuvent être sous deux formes. Soit une carte au trésor basique nous marquant d’une croix la case sur laquelle se trouve notre récompense. À nous alors de repérer où elle se trouve lors de notre quête. Soit une énigme logique à comprendre puis résoudre pour obtenir les coordonnées précises du coffre. D’abord très simples, voire enfantines, elles s’avèrent rapidement beaucoup plus cryptiques et satisfaisantes, d’autant qu’elles offrent un peu de variété dans un océan de répétitivité.
Dungeon Encounters récompense aussi l’exploration en permettant de faciliter l’approche des combats. Le jeu nous remplira notre carnet de notes virtuel afin que l’on puisse s’y référer en cas de besoin. On pourra y retrouver notamment le contenu d’une case spécifique, les données précises du monstre que l’on peut y rencontrer (Niveau, MD ou PD entre autres) et ses récompenses. On y retrouvera aussi toutes les informations pratiques comme la position de la dernière fontaine de soin que l’on a croisée.
Une partition en perdition
On a bien compris que le titre ne brillait pas par sa qualité technique. Mais le minimalisme de l’aspect visuel peut s’accepter et finalement participer au charme du jeu. Difficile cependant de pardonner les choix musicaux de Dungeon Encounters. On aurait pourtant dû s’attendre à un piège. Le jeu est à peine lancé qu’on arrive sur l’écran titre dépourvu de toute fioriture, y compris musicale. Même pas quelques petites notes pour accompagner notre début d’aventure.
Et c’est finalement presque la meilleure composition du jeu tant les musiques sont indigentes dans Dungeon Encounters. Uematsu Nobuo entendait revisiter des œuvres de la musique classique, mais sans se préoccuper une seconde de savoir si elles collent ou non à la situation du jeu. D’autant qu’on va les entendre, ces musiques, alors que déjà au bout de trois combats, elles nous sortent par les oreilles. Seule la musique de la ville de départ a su trouver grâce à nos yeux, la calme mélodie contrastant avec l’assourdissante OST du reste du jeu.
Dungeon Encounters est long, très long, trop long même sans doute. 99 étages à explorer pour 30 à 35 heures de jeu. Peu de joueurs auront la patience ou le courage d’aller au-delà de la moitié du titre tant il peine à se renouveler. Précisons d’ailleurs que toutes les cartes et leurs contenus sont fixes, ce qui n’aide pas à apporter de la variété. Seule la position des combats est aléatoire. On a du mal à comprendre d’ailleurs pourquoi ils n’ont pas opté pour une génération procédurale du donjon.
De plus, on a le sentiment que certains paliers auraient pu/dû être supprimés, sans pour autant nuire au jeu, bien au contraire. Des étages au plaisir ludique équivalent à l’ingestion d’un verre de punaise, il y en a plusieurs. On ne comprend pas certains choix, comme celui de créer des étages où toutes les cases sont invisibles, où l’on se retrouve à tourner le stick bêtement pour trouver au hasard notre chemin. Le titre aurait gagné à être bien plus ramassé, concentré sur une cinquantaine d’étages, avec pourquoi pas quelques bonus à découvrir pour les acharnés du titre.
Dungeon Encounters est un titre atypique à bien des égards. Là où c’est habituellement le jeu qui invite le joueur à le découvrir en l’attirant dans ses filets via ses mécaniques ou sa plastique, ici, c’est tout l’inverse qui se passe. L’imagination du joueur devra pallier le minimalisme du titre, mais il lui sera également demandé l’effort de trouver certaines informations essentielles par lui-même, à tâtons ou par hasard. Mais pour qui fera cet effort, il pourrait se surprendre à prendre beaucoup de plaisir dans cette exploration des profondeurs souvent bien récompensée et dans un système de combat rodé, simple, mais toujours efficace.
Difficile donc de conseiller Dungeon Encounters qui, malgré toute sa bonne volonté, échoue à nous faire oublier un contenu pas toujours très heureux ni son inacceptable bande-son. Une traduction n’aurait pas été de trop non plus même si l’anglais utilisé est d’un niveau très abordable. Être développé avec un budget très limité ne pardonne pas tout, et il vous faudra donc y réfléchir à deux fois avant de passer à la caisse, d’autant que le jeu, sous son aspect d’early access, est vendu à 29,99 €. Mais quand il fera l’objet d’une belle promotion, il pourra être intéressant de tenter l’expérience.