Un jeu qui vous transporte d’un monde à un autre pour vous proposer deux univers bien distincts qui vont alors se mêler dans un scénario bien ficelé, ça vous tente ? Alors il est temps pour vous de prendre votre porte-monnaie, filer dans le magasin de jeux le plus proche et d’aller acheter Dreamfall Chapters, jeu épisodique de Red Thread Games qui est une suite directe de Dreamfall, second jeu de la saga The Longest Journey. Celle-ci, dont le premier épisode est sorti en 2014 sur PC, refait surface en 2017 à travers une version complète sur console.
L’histoire met en scène deux mondes bien distincts : Arcadia, un monde à thème heroic-fantasy dans lequel on retrouve architecture médiévale et magie, et Stark, une cité dystopique futuriste où la technologie est reine. Néanmoins, le destin de ces deux mondes est lié. Suite directe de The Longest Journey, on retrouve alors Kian Alvane à Arcadia ainsi que Zoë Castillo à Stark. Il est désormais de notre devoir de vous révéler si nous les retrouvons pour le meilleur… ou pour le pire ?
Dreamfall Chapters nous ouvre les pages d’une histoire passionnante
Vous avez dit : refonte graphique ?
Il ne faut pas attendre de Dreamfall Chapters qu’il vous sublime de magnifiques décors et d’effets artistiques grandioses. En effet, les effets sont multipliés, encore et toujours, si bien qu’ils peuvent vraiment gêner l’expérience de jeu. Et même si le jeu peut parfois proposer de beaux écrans, ils sont rapidement gâchés par des effets de lumière mal gérés, ou encore du flou artistique insistant en arrière-plan.
De plus, certains visages et personnages ont des traits beaucoup trop exagérés. Prenons par exemple le Commandant Vamon ou le Général Hami. Le premier a, à nos yeux, un menton beaucoup trop prononcé, des yeux beaucoup trop proches l’un de l’autre, quelque chose que l’on peut aussi reprocher au second, même si celui-ci a une barbe lui cachant la moitié du visage. Ces deux-là sont des officiers Azadis, provenant donc de la même race que Kian Alvane, notre personnage principal, qui lui a pourtant des traits normaux malgré son espèce et son passé de combattant. C’est dommage, car nous ne retrouvons pas ces mêmes défauts à Stark, où tous les habitants ont des traits normaux.
Les animations sont aussi trop instables. Le problème vient peut-être du portage console, mais elles ont parfois du mal à charger, si bien que les mouvements des personnages non-joueurs deviennent aberrants. On prend alors un malin plaisir à dénigrer tout le long du jeu leur démarche militaire très particulière.
À univers différents, ambiances sonores différentes
S’il est intéressant de constater que la version boîte du jeu nous propose tous les chapitres de Dreamfall Chapters, elle contient aussi l’OST complète de ce dernier. Passant d’une musique douce et posée à un rythme un peu plus fort et stressant, le jeu s’adapte non seulement aux univers, mais aussi aux situations.
Néanmoins, durant les phases de jeu pures, l’ambiance sonore se fait extrêmement discrète. Ceci ne vise pas à améliorer l’un des aspects les plus gênants du jeu : un aspect que nous allons aborder sans plus attendre.
Red Thread Games a-t-il le pouvoir de ralentir le temps pour rendre le voyage encore plus long ?
Vous l’aurez peut-être compris : le jeu est mou. Pour autant qu’un point-and-click ne soit pas non plus une réelle source d’action, l’accent est beaucoup trop portée sur la narration, le dialogue. Les deux premiers livres sont des scènes d’exposition à la suite du jeu, et pour un jeu composé de cinq livres, ça fait beaucoup.
Vous passerez aussi votre temps à courir dans tous les sens, à parler à tout le monde afin de vous repérer, à chercher les différentes pièces d’un puzzle disséminées aux quatre coins des lieux, à faire des allers-retours entre deux points. L’aspect rébarbatif ne cessera que quand vous trouverez votre chemin pour vous projeter plus loin dans l’aventure. De plus, niveau contrôles, votre personnage est un véritable camion-benne et il vous faut faire des efforts surhumains afin de changer de direction. La visée point-and-click n’étant pas toujours des plus simples avec les sticks d’une manette, vous passerez encore plus de temps à vous battre à cause de soucis techniques.
Et quel est donc ce mur que je ne saurais voir ? Les murs invisibles sont eux aussi de la partie, et viendront vous gêner continuellement. Niveau maîtrise technique, on a encore du progrès à faire de la part de Red Thread Games pour Dreamfall Chapters. Ajoutez à cette trop grande liste des écrans de chargement extrêmement longs et vous obtiendrez un jeu qui malgré un fort potentiel scénaristique reste beaucoup trop lent à la détente.
Immersion au plein cœur du rêve
Et si Dreamfall Chapters possède tout de même énormément de défauts, il faut lui reconnaître néanmoins un point crucial qui à lui seul redresse drastiquement la barre : l’écriture. Si en effet, dans la technique, Dreamfall Chapters reste un jeu extrêmement complexe, la narration va venir répondre à la question : « pourquoi faut-il acheter ce jeu ? ».
En effet, la narration dans ce genre de jeu est très importante. On attend surtout un équilibrage entre deux choses : des énigmes intéressantes, et un scénario excellent qui saura être interprété de manière à immerger le joueur au cœur de sa narration. Pour le premier point, les énigmes sauront vous donner au cours de l’aventure de plus en plus de mal. De plus, il faudra bien réfléchir et observer les environs afin de ne pas vous retrouver parfaitement perdus. Finis les objets en surbrillance et indiqués sur la carte : vous devez vous-même chercher différents moyens d’arriver à vos fins. Evidemment, il y a parfois des indices laissés par une focalisation sur un PNJ ou un élément du décor, ou parfois même un personnage qui vient vers vous avec beaucoup trop d’insistance pour que cela soit sans importance.
Parlons désormais du scénario en lui-même. Le fait de devoir gérer deux univers en même temps n’est probablement pas chose aisée. Néanmoins, les scénaristes de Dreamfall Chapters arrivent à nous faire apprécier ce balancement constant entre deux univers. D’un côté, Kian Alvane, d’Arcadia, qui combat, aux côtés de la résistance, une armée Azadi ayant pour objectif de rayer la magie de la carte, par tous les moyens possibles. D’un autre côté, Zoë Castillo, de Stark, qui cherche à démanteler une conspiration visant à contrôler les rêves des gens afin de contrôler la réalité.
Car oui, on apprend que les rêves dans Dreamfall Chapters sont les tissus même de la réalité. Néanmoins, vous aurez beaucoup d’autres mystères à résoudre, et il vous faudra arriver au Troisième Livre (la troisième partie du jeu, sur cinq) afin de commencer à obtenir des réponses concrètes autour de ceux-ci. Comme mentionné ci-dessus, le mystère doit s’installer grâce à de l’exposition, néanmoins c’est cette même exposition qui va ralentir grandement la narration.
Un troisième personnage vient aussi enrichir le scénario par son mystère : l’enfant Saga. On débute son histoire alors qu’elle n’est qu’un bébé, on ne peut pas voir directement son lien avec l’histoire, et c’est ce qui fait d’elle le fil rouge de Dreamfall Chapters. Dans les Interludes, on va alors la voir grandir et découvrir son importance dans l’intrigue, et c’est en cela que le personnage est rudement bien écrit : son importance évolue aussi bien dans l’intrigue du jeu que dans l’esprit du joueur.
Et même si Arcadia et Stark sont différents, les deux retrouvent des similitudes. Les conspirations, les mouvements contre ces conspirations, leurs objectifs : il y a beaucoup de ressemblances entre les deux univers, montrant que ceux-ci sont indiscutablement liés malgré leurs différences dans l’espace et le temps.
Enfin, que serait un bon scénario sans une bonne interprétation ? En effet, les personnages principaux sont convaincants, les personnages secondaires démontrent tout le long du jeu leur importance. Vos choix influeront vraiment le caractère de vos alliés comme de vos ennemis, et les doublages sont tout simplement excellents avec des rires, des soupirs, des réactions réalistes et même des accents à couper au couteau. Ces doublages, qui embellissent des dialogues parfois teintés d’humour, de peur, d’affolement sans en faire trop réalisent un travail que l’on peut saluer du point de vue de la narration.
Conclusion sur Dreamfall Chapters
Dreamfall Chapters réussit admirablement son travail sur le plan narratif. Le scénario est intéressant, les personnages sont bien écrits, les dialogues sont prenants et sublimés par un doublage immersif. Néanmoins, le jeu déçoit par ses faibles performances graphiques, ainsi que par une maîtrise technique qui agacerait probablement le joueur impatient. Et de la patience, il va en falloir si vous jouez à Dreamfall Chapters, car la lenteur de votre personnage ainsi que ses allées et venues à travers des cartes assez grandes ralentissent terriblement le gameplay, si bien qu’il faudra vous accrocher pour rester plus de deux heures. Si les énigmes sont parfois intéressantes, elles ne prennent pas assez de place dans le jeu, écrasées la plupart du temps par la narration. Ainsi, Dreamfall Chapters n’obtient pas le coup de cœur tant désiré par notre rédacteur, tout du moins en tant que jeu vidéo. Peut-être qu’un roman sur les univers de ce jeu pourrait grandement satisfaire ce dernier ?