Jeu d’aventures coloré, hommage évident à la génération 16 bits, Dreamed Away attire très vite l’œil grâce à ses gros sprites pixellisés et ses graphismes colorés. Son contexte, aussi, rend curieux : le jeu utilise comme background les mythes et légendes régionaux de Bretagne (non, pas les histoires d’Hakim le fils du forgeron, les autres !). Et tout ça, signé des mains d’un seul développeur, ou presque : Nicolas Petton, développeur informatique dont c’est le premier jeu. Édité par le polonais Pineapple Works (qui avait participé au développement d’Inkulinati, ou à l’édition de Cassette Beasts), ce « J-RPG armoricain » a-t-il plus d’arguments à faire valoir que les quelques dolmens dans le décors ?
(Test de Dreamed Away réalisé sur Switch via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Earthbound & Kouign Amann
Difficile de ne pas voir de lien entre Dreamed Away et Undertale, et donc Mother/Earthbound ; à moins que ce ne soit l’inverse : difficile de ne pas voir le lien entre Dreamed Away et Mother/Earthbound, et donc Undertale. C’est probablement d’abord l’idée d’un jeu-hommage à la fameuse trilogie japonaise qui a poussé Nicolas Petton à développer le titre, quasiment en solo (son nom apparait à tous les postes, de la programmation à la musique en passant par le graphisme, mais aussi au marketing et au montage du trailer !).
Ce qui avait participé au succès de Mother, à sa sortie, c’était le choix du développeur de situer son jeu dans un univers quotidien et contemporain, loin des habituels (à l’époque) mondes fantastiques des Dragon Quest et autres Zelda. Comme son illustre modèle, Dreamed Away fait donc le choix du monde réel pour son jeu, le mettant en scène dans la Bretagne des années 90.
Si Mother avait ajouté des extra-terrestres pour donner cette touche de fantastique à son aventure, Dreamed Away se servira de ce qui est déjà là : le folklore breton. On y croisera donc sous une pluie souvent battante de nombreux menhirs, des Korrigans, ces farfadets de l’Ouest ; on verra une statue de Marie Morgane, une sorte de sirène du Finistère ; un rôle tout particulier sera réservé à l’Ankou, le messager breton de la mort en cape noire muni d’une faux montée à l’envers…
Bigoudène-dertale
Néanmoins, le folklore breton n’est vraiment que le décor du jeu, et n’en représente pas le cœur. On y incarne Théo, un petit garçon qui se réveille d’un cauchemar pour découvrir que sa petite sœur à disparu. En partant à sa recherche, il se verra plongé dans un mode fantastique ressemblant très fort à sa Bretagne, tout en étant très différent.
Il y a évidemment du Alice au Pays des Merveilles dans ce voyage ; on traversera d’ailleurs un paquet de miroirs… On peut-y voir aussi du Retour Vers le Futur, Théo étant bloqué, comme Marty Mac Fly, dans un univers familier mais étranger, où il sera aidé dans sa quête pour rentrer chez lui par un « vieux fou » pas si fou que ça. Il y a aussi, et surtout, comme nous le notions ci-dessus, une référence complètement assumée au monstre du jeu indépendant Undertale.
Référence graphique, d’abord : comme Undertale qui citait lui-même Mother, Dreamed Away adopte une D.A. en pixel art directement issue des titres de la génération 16 bits, avec des personnages à grosses têtes rappelant un peu Charlie Brown et les Peanuts. Un graphisme tout mignon, qui saura aussi se montrer inquiétant si nécessaire.
Référence dans le gameplay, surtout. Le jeu se présente en 2D comme, à nouveau, ses principales références citées ci-dessus, et un mini-jeu se déclenche en cas d’affrontement, exactement comme dans Undertale. La phase est un mix de tour par tour et de mini-jeu un peu rétro. Les actions du joueur sont décidées façon tour par tour, puis les attaques des ennemis peuvent être esquivées en réussissant un mini-jeu d’adresse, rappelant beaucoup, et dans le gameplay, et dans la mise en scène, les combats d’Undertale.
« Tri Unan martolod yaouank… la la la… »
Le jeu n’ira néanmoins pas aussi loin que son illustre modèle dans l’interrogation du média, ou de la narration. Le dispositif est bien plus classique, et c’est surtout le scénario qui tient le jeu. L’écriture est en effet à souligner, et si l’on a cru à un moment qu’elle se perdait par volonté de « faire du jeu vidéo », c’est simplement que nous n’étions pas encore arrivés au bout, et nous ne possédions pas toutes les clés de compréhension.
En effet, l’aventure emmène (tout petit spoiler, on prévient quand même…) à un moment son héros dans une base sous-marine, qui nous semblait là une sorte de passage obligé pour faire varier les environnements, mais pas tout à fait à sa place dans la narration. On se trompait ! De même que, malgré son titre, le jeu évite l’écueil du « tout cela n’était qu’un rêve » qui pourrait justifier tout et n’importe quoi.
Si l’écriture est à souligner, le gameplay n’est pas, lui, sans défaut. À plusieurs reprise, le jeu nous laisse en errance dans des phases d’exploration pendant lesquelles on ne sait pas trop ce qu’on attend de nous. Alors, on se promène un peu au hasard, espérant la rencontre ou l’action qui déclenchera le script permettant de faire avancer l’aventure…
La mise en scène peu trainer un peu la patte, aussi, parfois. Une scène notamment nous envoie poursuivre un personnage, qui se montre régulièrement à l’autre bout de l’écran. La caméra reprend alors la main, et effectue un travelling vers cet autre bout de l’écran, puis revient vers notre personnage pour nous en rendre le contrôle. Tout cela est assez lent, et surtout, répété inutilement plusieurs fois, cassant complètement le rythme du jeu.
Ces petits défauts ne viennent néanmoins pas gâcher le plaisir de l’aventure, surtout si l’on garde en tête que le jeu est signé par (quasiment) un unique développeur. Nicolas Petton réussit tout seul à nous livrer un jeu d’aventure qui tient la route, graphiquement très agréable, citant ses classiques et les mythes et légendes locaux. Le scénario ne renverse pas la table, mais est maîtrisé et réussit à éviter de tomber trop profondément dans le cliché.
Dreamed Away est, à son échelle, une franche réussite, qui pourrait même tenir la comparaison avec des projets disposant de bien plus de moyens, et maîtrisant bien moins leurs sujets. On espère que le jeu connaîtra un succès suffisant pour permettre à son auteur de nous proposer un prochain titre encore plus ambitieux !
			
				


