Petit succès d’estime auprès des joueurs et bonne opération commerciale pour le studio indonésien Digital Happiness, Dreadout était une sorte de Fatal Frame-like plutôt réussi, mais très en retard techniquement. Moche et au gameplay aussi perfectible que la chirurgie esthétique de Meg Ryan, il proposait tout de même une aventure horrifique épisodique prenante et plutôt effrayante. Après ce petit succès et nous avoir aussi apporté un spin-off ainsi qu’une expérience VR, il était temps pour les développeurs de nous proposer une suite.
Plus de moyens ont alors été déployés pour faire de cette séquelle une bonne pioche et ravir les amateurs de frissons made in Asia. Alors ce Dreadout 2 vaut-il son pesant de cacahuètes ? Réponse dans les lignes qui suivent.
Le cinéma d’horreur indonésien a le vent en poupe ces dernières années et bien qu’inégal, il nous offre parfois de bons petits films à se mater avec un bon seau de pop corn. On pense à Sabrina par exemple qui, hormis le jeu d’acteur assez caricatural, réussit à faire frissonner, voire angoisser par moments. Il faut dire que la tronche de la poupée n’aide pas à rassurer. Concernant le jeu vidéo, on ne peut pas en dire autant, la faute aussi à une industrie naissante manquant de moyens et de savoir-faire.
Il y a bien des studios, ceci dit, qui tentent de montrer la voie comme Metronomik et son fondateur Wan Hazmer qui s’est fait un devoir de mettre son expérience au profit du développement du média dans son pays.
Digital Happiness fait aujourd’hui partie de ce mouvement, ayant réussi à faire connaître Dreadout à l’international et qui plus est avec des ventes plus que satisfaisantes, la licence ayant même accouché d’un film dirigé par Kimo Stamboel (le très bon Macabre) et qui a assez bonne presse. Alors après un premier opus réussi, un spin-off, quelques expériences plus confidentielles, un manga et même un long métrage donc, il était temps de nous sortir un Dreadout 2 capable à la fois d’améliorer la formule survival-horror du premier épisode, tout en apportant de véritables améliorations sur bien des points.
Mythes et légendes indonésiens
Dreadout 2 est une suite tout ce qu’il y a de plus classique à son prédécesseur sur le plan narratif. Débutant quelque temps après les événements tragiques ayant causé la mort de la quasi-totalité d’un petit groupe de lycéens partis en vadrouille dans la campagne indonésienne. On y incarne la seule survivante, Linda, aussi protagoniste du premier jeu. S’étant découvert des pouvoirs surnaturels, elle n’a pu empêcher ses amis de finir six pieds sous terre ni même réussi à prévenir le réveil d’un terrible démon capable d’asservir l’humanité.
De retour dans son lycée, auprès de camarades devenus méfiants et insultants, elle vit en solitaire dans un petit studio de sa bourgade sur l’île de Java en Indonésie. Seule avec ses remords et sa culpabilité, elle va de nouveau devoir faire face à ses pires cauchemars et embrasser son destin.
Bien mieux écrit, le récit de Dreadout 2 s’étale sur six différents actes et un prologue faisant office de tutoriel horrifique parfait. Chaque chapitre correspond alors à une étape que Linda se doit de franchir pour faire la lumière sur sa propre histoire et son rôle dans les événements paranormaux qu’elle affronte. Le récit se concentre bien plus sur l’héroïne et lorgne ainsi du côté d’un certain Silent Hill 3 qui accordait le même traitement à Heater, de là à dire qu’il s’en inspire, il n’y a qu’un pas.
Autrement, si on note ici et là des soucis d’écriture, notamment au niveau des dialogues et des réactions des PNJ face au paranormal, comme si être possédé était quotidien en Indonésie, le reste est plutôt bon, sans pour autant se montrer incroyable non plus.
Ce qui l’est par contre, c’est le folklore et les légendes indonésiennes. Le jeu accorde une très grande importance à montrer ses figures surnaturelles sous leur meilleur jour en leur offrant une tribune de premier choix. On ne parle pas là des mobs lambda que l’on affrontera à tout bout de champ, mais bien de fantômes et démons plus marquants et présents dans les mythes du pays. Chacun est accompagné de sa petite description une fois vaincu dans une sorte de codex appelé Ghostpedia.
Une quête annexe nous demande même de partir sur les traces de légendes urbaines pour une jeune fille au doublage des plus ratés, comme la plupart d’ailleurs, ceci anéantissant bien souvent l’immersion. Tout comme les cut-scenes diaporamas sans âmes et à la mise en scène pauvre, autant les créer avec le moteur du jeu à ce compte-là.
Le melting-pot de l’horreur
Dreadout 2, c’est un peu un mélange de tout ce qui a marché ces dernières années dans le jeu d’horreur et pas seulement dans le survival-horror. De Fatal Frame, pour l’appareil photo du smartphone servant à capturer l’âme des entités surnaturelles, à Outlast pour la partie de cache-cache dans l’hôpital, en passant par Silent Hill pour le côté dualité des univers, on a doit à tout ce que l’on a déjà vu ailleurs. Combats au corps à corps, maniabilité lourde pour donner une impression de vulnérabilité, Dreadout 2 révise ses gammes et applique le manuel du parfait petit jeu d’horreur.
Le problème, c’est qu’à côté de ça, il n’apporte rien de bien neuf. Ses nombreux casse-têtes et énigmes à résoudre ne sont en rien convaincants, et les combats de boss très inégaux. Il manque un chouïa d’imagination et une touche d’originalité pour que cela nous émoustille quelque peu. Aussi, l’imprécision du gameplay gâche énormément d’affrontements, que ce soit à l’arme blanche ou avec l’appareil du smartphone, les rendant plus frustrants qu’autre chose, et on est à des années-lumière de ce qui est acceptable pour ce type d’œuvre.
Seule solution qu’ont trouvée les développeurs pour palier ce souci : faire de Linda un sac à PV, un véritable tank qui peut se prendre vingt mandales dans le plexus avant de s’effondrer. Navrant, car s’il y a bien un aspect sur lequel il fallait mettre l’accent depuis le premier épisode, c’est le gameplay.
Cependant, cette suite réussit à garder la tête hors de l’eau grâce à des situations de jeu variées avec même quelques séquences se montrant suffisamment prenantes pour que l’on oublie les soucis liés au gameplay. On pense alors à cet affrontement contre un tigre débarqué tout droit des enfers ou à notre rencontre avec le chirurgien dans l’hôpital. De même que l’appareil photo n’est plus notre seul moyen de renvoyer les entités manger du pissenlit par la racine, puisque l’on peut user d’armes blanches comme des haches et utiliser la lumière de notre téléphone pour stunt les ennemis en concentrant le faisceau lumineux sur eux.
Pour mettre en valeur cela, le bestiaire est plus éclectique et sait se renouveler durant l’aventure. Certaines créatures sont tuables assez simplement, d’autres nous demandent de nous écarter, car explosant à la manière des Boomers de Left 4 Dead, ou il y a encore ceux qui sont aveugles et que l’on peut éviter en marchant sans faire un bruit.
Les largesses du cadre
Ceci s’inscrivant aussi dans une volonté d’élargir le cadre des événements. Fini le petit village hanté et sans vie perdu dans une forêt semblant hors du temps et place à la civilisation. Dreadout 2 se déroule dans une ville découpée en zones dans lesquelles vont se dérouler nos sorties en territoire démoniaque. Car oui, comme dans Silent Hill, la réalité se disloque en deux et on pénètre alors dans un univers autre peuplé de créatures assoiffées de sang. Un hôpital, une école, un petit quartier de ville ou encore un vieil hôtel deviennent alors nos terrains de jeu. Du classique, mais du bon, puisque chaque endroit est héros de son propre chapitre et propose un système de jeu pensé pour l’occasion.
Certes, il y a par contre à redire sur le level-design un peu vieillot et pas très intéressant, surtout que les zones explorables ne sont au final pas bien grandes, étant parfois bridées artificiellement de manière très maladroite, mais cela fonctionne plutôt pas mal et c’est le principal.
Il est aussi possible de retourner visiter ces endroits pour y trouver quelques légendes urbaines par exemple, ou y accomplir d’autres quêtes annexes, le cimetière n’étant même déblocable que grâce à une mission secondaire. Après chaque chapitre, il est donc de bon ton de fureter à droite à gauche à la recherche de quelque chose à faire, cela passe par une interaction avec les citoyens de la ville, bien souvent, qui nous mettent alors sur la piste d’un phénomène étrange. Pas de quoi réveiller un mort, mais il y a un effort de fait dans le rythme de l’aventure qui, entre chaque nouvel acte, est entrecoupée d’un temps libre que l’on utilise comme on le souhaite.
Pour ce faire, on se sert de notre smartphone contenant toutes sortes d’applications renvoyant au Ghostpedia, au journal de quêtes ou encore à notre inventaire et à l’option Moto Taxi (dont la marque Gojek existe vraiment en Indonésie) nous permettant de nous rendre dans les divers endroits découverts.
Plus gore qu’Al Gore
Enfin, il est de bon ton de prévenir tout un chacun concernant la direction artistique de Dreadout 2, que l’on peut qualifier comme étant à mi-chemin entre un Siren et un Silent Hill. Gore, glauque, et même malsain, s’inspirant de l’imagerie asiatique du film d’horreur dans toute sa superbe, le jeu sait créer l’angoisse en distordant des lieux qui appartiennent au quotidien. Jouant astucieusement avec une ambiance sonore plus qu’honorable et un sound design digne des grands AAA de l’horreur, le titre est une petite madeleine de Proust de l’effroi, un véritable délice pour qui aime se plonger dans des atmosphères horrifiques viscérales et atmosphériques.
Sur ce point, le jeu se place en haut du panier et soyez averti, son sinistre n’est pas à mettre entre toutes les mains ; si vous n’aimez pas les cadavres, le sang, les monstres difformes et les tableaux au gore concret, Dreadout 2 n’est pas fait pour vous.
Cependant, il n’en va pas de même sur sa réalisation technique. Le titre de Digital Happiness est daté et même passé de date, si l’on peut dire. C’est certes plus joli que l’épisode précédent, on voit dès les premières minutes qu’un cap a été franchi, mais cela reste insuffisant, et même celles de certains studios indépendants. On ne va pas énumérer tout ce qui ne va pas, car ce serait trop long et cela engloberait quasiment tout le jeu, mais heureusement que la direction artistique, solide, rattrape le coup. Le jeu se permettant même de ramer lorsque l’on passe en vue appareil photo avec notre smartphone, tout en devenant bizarrement bien moche.
Cela va même jusqu’au doublage totalement inégal qui nous sort parfois violemment du jeu. Là encore vous êtes prévenu, Dreadout 2 vous replongera dans la nostalgie PlayStation 2 avec parfois quelques sursauts au niveau de ses jeux de lumière ou encore du fait qu’il tienne un beau 60 FPS constant.
Dreadout 2 est loin d’être un mauvais jeu et nous a même plutôt bien plu. Nous n’en attendions rien, et nous n’en sommes pas ressortis déçus, juste avec peut-être quelques regrets. Car il est certes blindé de défauts, est techniquement en retard de deux générations et se montre parfois bancal, mais n’est en rien un ratage. Son imagerie, son folklore, ainsi que sa proposition horrifique convaincante permettent de sauver les meubles et d’en faire un petit objet vidéoludique que l’on conseille forcément aux amateurs du genre.
Au lieu de casser du sucre sur Digital Happiness, nous préférons encourager ce petit studio indonésien dans sa démarche et plus globalement une industrie du jeu vidéo indonésienne en pleine construction. Alors oui, c’est moyen, mais à petit prix entre deux hits, pourquoi pas ?