Les années ont passé depuis sa dernière aventure solo marquante sur Tropical Freeze. Longtemps resté dans l’ombre du plombier, Donkey Kong fait un retour fracassant, non pas dans sa jungle luxuriante, mais dans les profondeurs de la Terre. Choisi comme égérie pour la première grande exclusivité Switch 2, le gorille abandonne la plateforme 2D exigeante pour une aventure 3D massive, centrée sur l’exploration et la destruction. Ce changement de formule radical est-il triomphal ou signe d’une crise d’identité pour l’un des plus anciens héros de Nintendo ?
(Test de Donkey Kong Bananza sur Switch 2 réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Odyssey au centre de la Terre
Pas de princesse à sauver cette fois, mais une histoire qui reste cependant très classique. Lors d’une excursion dans une mine pour récupérer du bananium, Donkey Kong et ses compères se trouvent pris dans un éboulement provoqué par la Void Corporation qui veut mettre la main sur toutes les ressources. DK, accompagné d’un caillou parlant (duquel sortira Pauline) doit donc remonter à la surface, et pour ce faire, il doit … creuser. En effet, en allant au centre de la Terre, un voeu lui sera exaucé, lui permettant donc de pouvoir remonter à la surface.
Nous ne sommes donc pas face à une histoire des plus alambiquées ou originales, mais force est de constater que le scénario se suit bien, les personnages sont plaisants, même s’ils ne sont pas tous extrêmement poussés et évoluent relativement peu. Pauline est au centre du récit (seul personnage intégralement doublé), puisqu’elle a elle-même son propre passif avec la Void Corporation, qui sera exploré au fur et à mesure de l’aventure.
Très vite, le jeu révèle sa véritable nature : celle d’un « collect-a-thon » massif, dans la droite lignée de Super Mario Odyssey. La quête principale peut se boucler rapidement, mais le cœur du jeu réside dans la chasse aux centaines de collectibles. Si la formule vous avait rebuté chez le plombier, passez votre chemin. Bananza reprend les mêmes codes, mais les améliore.
En effet, les 700 bananes à récolter ne sont pas de simples trophées ; elles octroient des points de compétence (un point toutes les cinq bananes) pour débloquer de nouvelles capacités comme un double saut ou des coups supplémentaires. De plus, ces compétences possèdent elles-mêmes des niveaux, et il est donc possible d’augmenter plusieurs fois la même compétence, moyennant un coût plus important à chaque fois.
Les fossiles, quant à eux, s’échangent contre des tenues offrant des bonus passifs, tel qu’un déplacement plus rapide dans la boue ou une augmentation de la vitesse de nage. Cette approche rend la collecte bien plus gratifiante, tout en restant optionnelle : contrairement à Odyssey, aucun nombre minimum de bananes n’est requis pour avancer. Ces améliorations, bien que plaisantes, ne révolutionnent pas l’expérience, faisant de cette chasse aux trésors une surcouche de contenu très riche pour les complétistes, mais que les autres joueurs pourront ignorer sans nuire à leur progression.
Creuser des trous, et parfois ses méninges
Le point fort de Donkey Kong Bananza réside sans conteste dans son gameplay, qui bouscule les habitudes. Armé de ses poings, DK peut quasiment tout détruire, créant ainsi ses propres chemins à travers les niveaux. Un sonar, activable à tout moment, indique les collectibles à proximité, et c’est au joueur de décider s’il suit le chemin prévu ou s’il fonce à travers le décor. Mais cette liberté initiale se transforme vite en un jeu de réflexion malin.
De nouveaux matériaux, certains plus résistants comme le béton, d’autres glissant et servant aux énigmes comme la neige font leur apparition, obligeant le joueur à trouver des solutions alternatives pour progresser : dénicher des bombes pour détruire le béton, utiliser la neige pour solidifier la lave, associer deux types de revêtements pour créer des réactions, etc. Cette évolution constante réduit la lassitude et stimule la créativité.
Complètement Bananza
Pour venir à bout des obstacles les plus coriaces, DK pourra compter sur ses transformations « Bananza ». Pour les débloquer, il faudra retrouver d’anciens sages reconvertis en DJ et leur rapporter des CD perdus. S’ensuivent des cinématiques de concerts déjantés au terme desquelles vous obtiendrez un nouveau pouvoir. Bananza Kong casse tout sur son passage, Bananza Autruche vous permettant de planer, et Bananza Zèbre vous permettant de courir sur des matériaux légers, comme par exemple des ponts de glace, qui autrement s’effondrent sous votre poids.
Pour utiliser ces compétences, il faudra que votre jauge de compétence soit pleine, ou utiliser un jus de melon. La jauge se remplit en collectionnant de l’or, et se remplit tellement vite que les jus de melon sont loin d’être nécessaire, et face aux différents boss ou plateformes nécessitant de vous transformer, vous ne serez jamais bloqué et pourrez réellement spammer les transformations.
Déconcertant de facilité, à moins de fouiller
Les habitués de la licence, notamment du très exigeant Tropical Freeze, risquent d’être surpris. La quête principale de Donkey Kong Bananza est d’une facilité déconcertante, les boss ne représentant que de simples formalités, surtout avec l’aide des transformations.
Cependant, le challenge n’est pas absent, il est simplement ailleurs. À la manière d’un Sonic Frontiers, le monde est parsemé de portails menant à des niveaux cachés. C’est ici que les amateurs de difficulté trouveront leur compte, avec des stages de plateforme ardus (dont certains en 2D) et des arènes de combat chronométrées.
La foire aux collectibles
Entre les différents collectibles et les niveaux cachés, chaque strate de la Terre est remplie d’activités, peut-être même un peu trop. Il y a toujours quelque chose à faire, le jeu vous donnant un nombre de carottes ahurissant pour vous amuser / vous occuper, mais il y a des moments où l’on finit par ne plus savoir où donner de la tête. Pour trouver les collectibles, on peut soit fouiller et casser chaque niveau, ou sinon des boutiques permettent d’acheter des cartes vous indiquant l’emplacement d’une banane ou d’un fossile, que vous pourrez retrouver afficher sur votre carte du niveau, disponible en appuyant sur “-”.
L’affichage de cette carte est d’ailleurs un des rares moments où la technique est prise en défaut, puisqu’un petit ralentissement se fait sentir à l’ouverture. Autrement, le jeu est d’une fluidité sans faille, à l’exception de rares moments remplis de destructions et d’effets techniques qui font légèrement souffler la Switch 2.
DK casse tout, excepté la monotonie
Sur le papier, Donkey Kong Bananza a tout pour éviter la répétitivité : chaque monde propose un biome et des particularités uniques, et de nouvelles idées de gameplay (comme une mécanique inspirée de Portal, où en brisant une plateforme bleue, cela créé une plateforme rouge à un autre endroit) viennent régulièrement briser cette routine et nous rappeler que le jeu ne semble jamais être en manque d’idées.
Pourtant, une fois la surprise passée, une certaine monotonie s’installe. La boucle de gameplay – explorer, casser, collecter – reste fondamentalement la même du début à la fin, et ni les compétences ni les transformations ne parviennent à la renouveler en profondeur. Le jeu ne manque jamais d’idées, mais il peine à faire évoluer sa formule de base.
Donkey Kong Bananza est un jeu de contrastes. D’un côté, il déborde de bonnes idées : un gameplay de destruction jouissif, des transformations créatives, des niveaux agréables à parcourir et ayant chacun leur identité, un système de collecte récompensant les plus motivés sans nuire aux non-intéressés, une tonne de contenu pour les complétistes. Le tout est enrobé dans une présentation charmante et une technique quasi-irréprochable.
De l’autre, cette générosité se heurte à une boucle de gameplay qui peine à se renouveler et à une difficulté en ligne droite quasi-inexistante, ce qui pourra décevoir les fans de la première heure. Bananza s’adresse donc en priorité aux amoureux de Mario Odyssey et plus globalement à un public friand de « collect-a-thons » qui aiment se perdre pendant des dizaines d’heures pour tout trouver. Les joueurs en quête d’une aventure de plateforme linéaire et exigeante, eux, risquent de trouver que le gorille creuse un peu trop sur place, mais devraient tout de même trouver de quoi s’amuser dans les niveaux défi