Après être devenu l’un des mangas les plus vendus de tous les temps, l’un des animes phénomènes de ces dernières années et le film le plus rentable de l’histoire du Japon, Kimetsu no Yaiba déboule dans le monde du jeu vidéo grâce à CyberConnect2 avec Demon Slayer: Kimetsu no Yaiba – The Hinokami Chronicles pour PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series X | S et PC. Le studio ne vous est bien entendu pas inconnu, puisqu’on lui doit le culte Asura’s Wrath, Dragon Ball Z Kakarot, et la flpée de jeux Naruto: Ultimate Ninja.
Authentiques experts en matière de portages d’animes au format jeu vidéo, CyberConnect2 semble être la solution unique pour les studios d’animation qui souhaitent créer un produit dérivé vidéoludique à partir d’une licence anime/manga forte. Un choix de raison sur le papier, mais qui vient malheureusement avec le lot de non-surprises inhérent au fait de servir une recette déjà bien connue dans des plats différents. Demon Slayer est déjà garanti d’avoir un succès fou, son nom suffisant à vendre des palettes entières de jeux. Mais est-il un bon jeu vidéo ? Là est la question.
(Test de Demon Slayer: Kimetsu no Yaiba – The Hinokami Chronicles sur PS4 réalisée à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Fascination
Bon sang, que c’est beau. Ce qui saute aux yeux à peine le jeu lancé est sa beauté incroyable. Le savoir-faire de CyberConnect2 en matière graphique est absolument incontestable. Si la saga de jeux Naruto Ultimate Ninja avait déjà éclaté les rétines des fans du ninja, et que DBZ Kakarot avait enfoncé le clou de la beauté visuelle, Demon Slayer place la barre encore plus haut.
Les animations sont belles à pleurer, d’une fluidité exemplaire, les effets d’eau et de feu sont tout bonnement incroyables, et les modèles 3D sont plus vrais que nature. Plus que jamais, on a l’impression d’être face à un anime jouable en temps réel. CyberConnect2 prouve, si certains en doutaient encore, que ses productions sont capables de sublimer n’importe quel matériau pour en faire un sublime diamant graphique.
Quiconque a déjà posé les yeux sur le manga ou l’anime créé par Koyoharu Gotouge ne peut être qu’aux anges en voyant Tanjiro (le héros) s’animer, et courir sabre à la main vers ses ennemis. Le degré de détail, qu’il s’agisse des animations faciales des personnages, des mouvements de leurs tenues, ou même des placements de caméras lors des attaques spéciales (absolument sublimes), est tel qu’on ne peut que déposer les armes aux pieds des développeurs pour saluer leur travail de titan.
Ajoutons à cela une ambiance sonore (doublage et bande-originale de l’anime) irréprochable, et un mode histoire qui offre la possibilité de revivre les moments les plus emblématiques de la série, et on se retrouve face à une très grande adaptation de Demon Slayer en jeu vidéo. Un produit dérivé parfaitement calibré pour faire vibrer les fans et peut-être même donner envie de mettre le pied à l’étrier de la saga aux novices de la licence.
Déception
Passés les premiers instants qui mettent des tonnes de paillettes visuelles dans nos vies, lorsque l’esprit critique prend le pas sur l’esprit du fan, le titre se révèle bien moins enthousiasmant que de prime abord. Le mode histoire se révèle être plus un mode « Boss Rush » qu’autre chose. Un soin tout particulier a été apporté aux affrontements contre les ennemis, chacun de ces combats proposant des mécaniques de jeu propres à chaque ennemi, apportant donc un soupçon de fraîcheur bien senti.
Cependant, en dehors de ces phases de batailles, le titre impose au joueur des phases d’exploration lassantes au possible, inutilement chronophages, se déroulant dans des niveaux « ouverts » au level-design si plat qu’on serait tenté de le qualifier d’inexistant. En résulte la désagréable sensation d’avoir calé ces phases à la va-vite entre deux combats pour allonger artificiellement la durée de vie. Hors de l’histoire, seuls deux modes sont proposés : le mode bataille (son nom est suffisamment clair, on ne vous fait pas un dessin) et un mode entraînement. Et après ? Eh bien, rien.
De plus, le jeu se limitant à l’adaptation de la première saison de l’anime, le contenu du mode histoire est très limité. Tout comme le roster famélique du jeu, qui n’offre à son lancement que dix-huit personnages, pas tous très intéressants, et qui ne sont que les « good guys » de l’histoire (avec quelques redites dont on se serait bien passé). Les démons seront a priori inclus dans de prochains DLC.
Mais là où le jeu pèche vraiment, c’est dans son gameplay. Son système de combat est si limité qu’on ne peut pas considérer Demon Slayer: Kimetsu no Yaiba – The Hinokami Chronicles comme un jeu de combat. Les mécaniques de jeu sont pour ainsi dire les mêmes que dans la série de jeux Naruto Ultimate Ninja. Un gameplay très accessible, au parfum de déjà-vu, peut-être trop accessible même, puisque cette simplicité d’accès se fait au détriment de quelque profondeur de jeu.
Résolution
Le drame de Demon Slayer: Kimetsu no Yaiba – The Hinokami Chronicles est d’être en fin de compte le pur produit d’un studio qui détient une recette particulière, et qui la maîtrise à merveille, mais qui se contente de l’appliquer sans faire de réel effort, ou sans se remettre en question. Ce qui ne veut pas dire qu’il s’agisse d’un mauvais jeu, loin de là, mais que l’on se retrouve face à un produit déjà vu.
Cette fois-ci, il s’agit de Demon Slayer, mais cela aurait pu être One Piece, Seven Deadly Sins ou n’importe quel autre shonenCyberconnect2 aurait sans doute fourni le même produit, avec quelques variations mineures. Que cela soit une demande des commanditaires, ou une volonté du studio, nous n’en saurons rien. Toujours est-il que l’impression de toujours jouer au même titre devient lassante, voire même agaçante.
On se prend à rêver en imaginant ce que le studio Arc System Works (Guilty Gear Strive) aurait pu fournir avec une licence comme Demon Slayer. ArcSys (pour les intimes) avait déjà fait des merveilles en adaptant la franchise phare de Cygames Granblue Fantasy avec Granblue Fantasy: Versus, et en réalisant l’excellent Dragon Ball FighterZ. Animation au top, gameplay simple, mais profond, fun de tous les instants, ArcSys aurait définitivement été le meilleur choix…
Les jeux de combat 2D sont moins vendeurs que la formule « arènes fermées en 3D » de CyberConnect2, mais il y a fort à parier que l’on aurait obtenu un titre autrement plus profond, et qui aurait peut-être même pu gagner ses galons sur la scène eSport.
Mais nous n’en sommes pas là, et avec des si, on mettrait Paris en bouteille. La dure réalité est que ce Demon Slayer est un produit dérivé calibré pour le succès (et il a déjà franchi le cap du million de ventes à l’heure où sont écrites ces lignes), mais sans âme véritable. Il s’agit d’un jeu fast-food, rapidement consommé. Il donne une certaine satisfaction, mais quelques heures plus tard, la faim d’autre chose de plus consistant se fait sentir.
Exploration moche, sempiternel même gameplay made in CyberConnect2, mais emballage graphique exceptionnel, Demon Slayer: Kimetsu no Yaiba – The Hinokami Chronicles ne satisfera malheureusement que les fans de la série. Il est probable que l’objectif du studio fut uniquement de livrer un beau produit dérivé, et en ce cas, la cible est atteinte. Cependant, CyberConnect2 semble être en train de s’enfermer dans ses mêmes formules, sans cesse réutilisées. On aurait aimé un minimum de prise de risque, mais cet espoir est rapidement déçu.
Demon Slayer n’est pas un mauvais jeu en soi. Il est le symptôme typique d’un studio qui se repose sur ses lauriers, ou à qui on ne demande plus de faire autre chose que ce qu’il maîtrise déjà. C’est donc avec un certaine tristesse qu’on parcourt un jeu agréable à l’œil et facile à prendre en main, mais pour lequel on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit d’un produit paresseux, juste taillé pour se vendre par palettes entières auprès des fans.