Adulé par des hordes de joueurs friands d’aventure et de bizarreries, au point que certains le considèrent aujourd’hui encore comme meilleur jeu de tous les temps, et que d’autres lui dédient carrément un web-comic de leur propre conception, Day of the Tentacle aura assurément su marquer durablement les esprits à sa sortie en 1993. Fruit de l’imagination débridée de Dave Grossman et Tim Schafer, c’est via le studio actuel de ce dernier, Double Fine, que le jeu s’offre une seconde jeunesse sobrement intitulée Day of the Tentacle Remastered, présentée aujourd’hui sur PlayStation 4. À nous à présent de déterminer si cette perle vidéo-ludique aura su traverser les âges avec brio, et si le support choisi s’avère adapté au gameplay d’un point’n click de haute volée, genre généralement plus apprécié via une bonne vieille souris, comme semble le signifier son nom même.
Day of the Tentacle Remastered : une aura éternelle
Préambule au tentacule
Effectuer la review de ce Day of the Tentacle fraîchement poli et dépoussiéré n’est point exercice aisé pour votre Humble Narrateur, sachez-le. Pour commencer, difficile de s’étendre sur son scénario sans gâcher le plaisir de la découverte, nous tenterons donc de faire clair et concis sans spoiler. Mais surtout, et je le regrette terriblement : je n’ai jamais joué de ma vie au jeu d’origine paru en 1993. Bien qu’amateur de jeux vidéo, je ne possédais pas les ressources informatiques nécessaires à m’y essayer, et croyez-le bien, cela m’a causé énormément de frustration. Et pour cause : Maniac Mansion fait partie de mes jeux cultes sur cette bonne vieille NES, et j’ai toujours apprécié son étrangeté, son humour, ses énigmes un peu tordues, son gameplay à base d’objets ou de personnages sur lesquels cliquer, et de verbes d’action à choisir pour interagir avec son environnement. Maniac Mansion, héritier des jeux textuels, devenait dès 1987 la pierre angulaire d’un genre en pleine recherche d’améliorations visuelles et ludiques, et ses qualités évidentes assureront aux studios Lucasfilm/LucasArts un statut de référence dans le domaine. Aussi, en apprenant dans les magazines de l’époque, qu’une suite allait émerger, mon enthousiasme débordant n’eut d’égal que ma déception de ne pas avoir les moyens techniques de m’y adonner (aucun ordinateur n’ayant eu droit d’asile au sein de notre foyer avant quelques années). Aussi, en dépit d’heures entières consacrées à lire encore et encore les articles liés à Day of the Tentacle, et à m’imprégner avec délice des photos présentées, ce Saint Graal m’est toujours resté inaccessible, jusqu’à l’annonce de cette version Remastered. Et vous l’imaginerez aisément : c’est avec le même engouement que j’éprouvais jadis, jeune gamer, en insérant un jeu tant attendu dans ma console du moment, que j’ai enfin pu entrer le code de téléchargement du jeu dans ma PlayStation 4, et lancer ma première partie de Day of the Tentacle Remastered, 23 ans après mes premiers émois liés à l’annonce du jeu original. Comment être déçu, après un tel temps d’attente ? Ceci dit, tout est possible, alors plongeons-nous, après ce prologue strictement personnel, dans l’analyse plus détaillée de Day of the Tentacle Remastered…
Tentacle of ages, tentacle of seasons
Day of the Tentacle fait directement suite à Maniac Mansion, et se déroule quelques années après le dénouement de ce dernier, lequel mettait en scène, pour rappel, un savant devenu fou à cause d’une météorite malveillante, un grand manoir abritant une famille étrange, un groupe de jeunes bien décidés à libérer leur amie capturée par ces barjos, et des tentacules dotés de parole, de sentiments, et menant une vie qui leur est propre, au service du savant sus-cité. Ici encore, difficile d’en révéler trop au sujet de Maniac Mansion, pour une raison qui vous sera signifiée plus loin. Quoi qu’il en soit, on retrouve nos deux tentacules se baladant aux abords du vieux manoir du Docteur Fred Edison, notre bon savant fou, et Pourpre (c’est son nom et sa couleur), assoiffé, avale une bonne lampée d’eau bien toxique émanant d’une machine du manoir, ce qui va immédiatement décupler sa soif de pouvoir ainsi que son imagination maléfique. Résultat : il se sent capable de conquérir le monde, et va aussitôt s’y atteler. Inquiet, son frère Vert (oui, c’est aussi son nom ; et sa couleur, du coup) envoie un courrier à son vieil ami Bernard (un geek qui avait investi le manoir avec ses comparses dans Maniac Mansion) avant d’être capturé avec Pourpre par le Docteur Fred, inquiet de ce nouvel élan mégalomane. Pour résumer la suite des événements : Bernard et ses deux camarades étudiants, un gros métalleux flegmatique (Hoagie) et une intello un peu allumée (Laverne) se rendent au fameux manoir, désormais transformé en hôtel, délivrent les deux tentacules (dont le méchant, hein), et pour résoudre le problème, le Docteur Fred ne voit qu’une solution : envoyer les trois larrons dans le passé pour empêcher Pourpre de boire l’eau polluée. Bien évidemment, le voyage ne se déroule pas comme prévu, et si Bernard parvient à regagner le présent, Laverne se retrouve coincée 200 ans dans le futur, et Hoagie, 200 ans dans le passé. Dès lors, l’aventure débute réellement, et il va s’agir de faire communiquer ces trois personnages à travers le temps pour démêler une situation loufoque et parfaitement maîtrisée de la part des concepteurs de Day of the Tentacle. Avouez-le : on sent venir l’imbroglio temporel digne d’un Retour vers le Futur…
Maniac tentacle
Nous n’en dirons pas plus ici concernant le scénario du jeu, histoire de ne pas gâcher l’appréhension par le joueur de cet esprit si particulier, qui démarque Day of the Tentacle de la plupart des point’n click, y compris Maniac Mansion, lequel se voulait bien plus simili-horreur que comique façon dessin animé en dépit de ses traits d’humour subtils. Les références à la culture geek de l’époque sont légion (Star Wars, Retour vers le Futur…), l’humour est constant, et le jeu n’hésite pas à revisiter l’Histoire de l’Amérique en l’intégrant savamment à son scénar alambiqué, mais toujours plus ou moins crédible, pour peu qu’on ait un esprit ouvert. Et ouvert, il va devoir l’être, votre esprit. Car comme j’imagine que vous l’aurez compris en lisant ces lignes et si vous n’y avez jamais touché : le jeu fonde largement son background, et donc le gameplay qui en découle en termes de choix et de réflexion, sur l’absurde, l’étrange, et les énigmes sont souvent tirées par les cheveux, faisant preuve d’une logique à contre-courant que les plus cartésiens auront probablement du mal à assimiler. Les associations d’objets disparates, ainsi que les contraintes et répercussions liées aux diverses interventions temporelles de nos lascars à chaque époque présente dans le jeu (et qui auront bien évidemment un impact sur le scénario des deux autres protagonistes) font de Day of the Tentacle une expérience unique, riche tout autant que déconcertante, qui, ne nous voilons pas la face, aura largement contribué à sa réputation d’OVNI vidéo-ludique. Dans le même temps, on savourera les nombreux clins d’oeil au premier Maniac Mansion, à commencer par la présence de certains personnages récurrents (et leurs ancêtres et descendants, hein McFly !), mais aussi la recherche d’indices, qu’on en viendra même parfois à noter sur papier pour s’y référer plus tard (à l’ancienne). Et si par malheur vous n’avez jamais eu l’occasion de déguster Maniac Mansion, réjouissez-vous : un endroit bien particulier du manoir vous permet d’accéder à un ordinateur sur lequel vous pourrez jouer à l’intégralité de cette grande oeuvre dans sa version PC, rajoutant quelques heures à la durée de vie déjà très correcte de Day of the Tentacle Remastered ! Elle est pas belle la vie ?
Techniquement aussi…
Et niveau réalisation, me direz-vous, ça donne quoi ? À vrai dire, Day of the Tentacle, en 1993, présentait une telle évolution graphique par rapport à son ancêtre, due à une orientation très cartoon de ses dessins rappelant notamment les grandes années des Looney Tunes et autres Tom & Jerry, que le rendu visuel original est toujours considéré comme très correct et léché, même en 2016. Les déplacements des personnages moins rigides, les formes de décors plus distordues, tout dans le jeu invite à s’immerger au sein d’un dessin animé comique, et Day of the Tentacle Remastered offre la cerise sur le gâteau : plutôt qu’imposer un unique rendu lisse et HD très moderne (et d’excellente facture, en outre), il propose également, en option, de basculer sur l’aspect visuel et sonore d’antan, un vrai régal pour le nostalgique en quête d’émotions bien rétro. Une très bonne initiative. De même, niveau choix des actions, on peut décider de conserver la liste de verbes clairement écrite en bas d’écran façon old-school (ouvrir, tirer, regarder, pousser, prendre…), mais le jeu implémente également un choix plus moderne, sous forme de roue d’actions dans laquelle chaque mouvement disponible est représenté par une icône très explicite. Merci Double Fine, car sur console en 2016, la présentation textuelle très datée peut paraître un peu obsolète. Par contre, les puristes, et les autres aussi, probablement, regretteront la maniabilité un poil erratique au pad PS4, surtout lorsque le curseur s’envole au bout de l’écran une fois le joystick orienté vers un choix d’action de la roue décrite ci-dessus. C’est là que l’absence d’une souris se fait ressentir, mais bon, on s’y fait à la longue. Enfin, niveau sons, outre les excellents thèmes musicaux de l’original, en version remaster ou antique, donc, on a droit aux dialogues d’origine en anglais sous-titré, un excellent point puisque l’ambiance sonore participe activement à l’aspect déjanté du jeu dans sa globalité. Petit bémol : on pourrait déplorer éventuellement quelques temps de chargement un brin longuets entre certaines séquences et choix de menus, mais bon, c’est histoire de pinailler, vous l’aurez compris…
Conclusion de Day of the Tentacle Remastered
Déjà que le jeu de 1993 bénéficie, même aujourd’hui encore, d’une aura de sainteté auprès de la communauté des joueurs, ce n’est pas cette version Day of the Tentacle Remastered qui va venir ternir son image… Passant outre les pseudo-améliorations ratées dont souffrent parfois certains remakes, le jeu incarne parfaitement l’intemporalité d’une oeuvre de qualité, offrant simplement quelques touches de lifting efficaces et discrètes à la fois, tout en conservant la puissance narrative et spirituelle qui avait fait de lui une légende en son temps. Une belle occasion de découvrir ou redécouvrir ce point’n click excellent, à l’esprit bien barré et aux références souvent subtiles…
Apprenez-en plus sur cette merveille sur le site officiel, sinon, si nous ne vous avons pas convaincu.