Il sort régulièrement des jeux indés qui, par une D.A. particulière ou une promesse de gameplay originale, par exemple, réussissent à se faire un peu remarquer dans ce trop-plein de sorties annuelles. Cocoon n’est pas de ceux-là : il n’a pas eu besoin de montrer quoi que ce soit pour être attendu au tournant, la signature de Jeppe Carlsen, ancien du studio Playdead, et concepteur principal (« lead designer ») de Limbo, aura suffi.
Probablement conscient des attentes que peut entraîner son nom au générique, Carlsen tente d’éviter la comparaison et s’éloigne du cinematic platformer de Playdead pour nous proposer un puzzle platformer basé sur la mise en abyme, et les liens entre l’infiniment petit et l’infiniment grand.
(Test de Cocoon sur PC réalisée via une copie commerciale du jeu)
Les petites bêtes ne mangent pas les grosses
C’est pour nous l’un des gros points forts du Game Pass : certes, l’abonnement nous permet de jouer à Starfield, Lies of P ou Forza Horizon 5 dès leur sortie, à peu de frais, mais aussi (et surtout ?), il nous permet d’essayer une tonne de jeux de moindre envergure, moins poussés par le marketing, mais qui pourraient devenir de gros coups de cœur.
On pense à Bramble The Mountain King, Planet of Lana, Tinykin, Tunic… Autant de « petits jeux » (c’est-à-dire qui ne sont pas des titres AAA) qui se sont révélés des expériences marquantes. Cela dit, parfois, cela ne fonctionne pas. C’était le cas avec Sommerville, créé par Dino Patti, fondateur (justement) de Playdead. Cinematic platformer pur jus, mais un peu raté, le jeu déçoit autant qu’il était attendu.
Ainsi, c’est armé de cette expérience pas toujours heureuse qu’on démarre Cocoon : enthousiastes, on a placé assez haut nos attentes, tout en sachant que l’accident est toujours possible.
Perdu dans l’espace
Le jeu a l’intelligence d’être conscient de tout cela, et efface toute appréhension dès son démarrage. Déjà, les premières images sont celles d’une (re)naissance, la sortie du cocon de la petite bestiole qui nous accompagnera tout au long de l’aventure. Naissance du personnage, donc, mais aussi métaphore qui se rapporte au jeu lui-même : ce n’est plus un jeu Playdead, et on oublie un temps Limbo pour quelque chose de complètement nouveau.
On entre donc dans Cocoon en sortant du cocon. Un jeu sur les espaces, le paradoxe et la mise en abyme, qui sera une composante importante des puzzles que nous aurons à résoudre, et qui est ainsi annoncée dès le tout début du jeu. Perdus dans un décor naturel (heureusement pas si grand que ça) sans tuto ni indication, nous devrons nous débrouiller seuls pour comprendre les règles et ce qu’on attend de nous.
Avec un seul bouton, qui servira à interagir avec tout ce qui peut être manipulé, Cocoon se révèle être un puzzle platformer plutôt classique (si ce n’est que malgré nos ailes, on ne peut pas sauter, nouvelle aberration après le corbeau de Death’s Door qui ne peut pas voler). On appuie sur des boutons dans le bon ordre, on tire des leviers, on obtient des objets qui, insérés au bon endroit, ouvrent des portes qui donnent sur d’autres énigmes…
Accroche-toi au pinceau, j’enlève l’échelle
Les puzzles se suivent, mais ne se ressemblent pas. Les mécaniques de gameplay restent sensiblement les mêmes, mais les développeurs réussissent à les dériver pour les renouveler en permanence. Rarement vraiment compliquées, les solutions des puzzles sont souvent juste sous nos yeux. S’arrêter un court instant sur les éléments présents à l’écran, leur position et leurs effets, permet systématiquement de comprendre comment s’en sortir.
Il arrive pourtant un moment dans l’aventure où le jeu passe du statut de petit puzzle game sympathique à quelque chose de plus grand. L’une des mécaniques au cœur du jeu consiste à se téléporter dans des « fontaines » alimentées par des sphères de couleurs différentes, sphères que l’on balade au long des niveaux tel un bousier – on n’oublie pas que le héros de Cocoon est un insecte.
Or, ce n’est pas à travers les fontaines que l’on se téléporte, mais à l’intérieur des sphères, qui contiennent chacune une partie du monde. Des mondes dans un monde. Et quand on arrive de façon classique, par les chemins, dans une zone qui n’était alors accessible que par la téléportation au sein d’un globe, il se passe alors le contraire d’une Épiphanie : on se demande par quelle diablerie la géographie du jeu a été créée ! Est-il seulement possible de dessiner un plan du monde de Cocoon ?
On se retrouve face à des paradoxes spatiaux qui ressemblent un peu aux paradoxes temporels façon Retour vers le Futur… « Comment puis-je être à cet endroit, la sphère blanche sur le dos, alors que l’endroit en question est censé être dans la sphère blanche ?! »
Limbo, quand même
Limbo avait marqué par sa direction artistique différente, la réussite de ses puzzles, mais surtout par nos propres interprétations du jeu après avoir vu la fin. Le personnage faisait-il route vers le purgatoire ? Accompagnait-il quelqu’un dans ses derniers instants ? De nombreuses lectures sont possibles, et c’était aussi ce qui était passionnant.
Finalement, Cocoon hérite un peu de cela. Graphiquement plaisants, bien que dans un style fort commun pour cette catégorie de jeux, les puzzles sont amusants, même s’ils manquent un peu de répondant ; c’est surtout sur les questions qu’il nous pousse à nous poser qu’il brille. Est-on face à une carte classique, présentée avec beaucoup de malice ? Ou a-t-on voyagé dans un triangle impossible de Penrose (qui apparaît un peu dans le graphisme du titre) ?
Des petits malins décortiqueront probablement la carte du jeu sur YouTube pour tenter de répondre à la question. On préfèrera quant à nous garder une part de mystère, et relancer un run en se disant, comme pour les tours de magie, que même si on ne le voit pas, il y a forcément un truc !
Puzzle platfomer assez classique dans son gameplay et sa présentation, avec des décors un peu déjà vus pour un jeu de cette envergure, Cocoon ne marquera pas pour son histoire, qu’on ne comprend pas (on libère des insectes, on en affronte d’autres, parfois les mêmes…), ni pour le défi, assez peu relevé (comptez 3 à 4 heures pour finir le jeu).
Il a cependant une façon de dérouler sa carte, ou peut-être de la replier sur elle-même, qui fascine, et a tout d’un tour de prestidigitation. Cocoon, c’est de la magie !