Laissez-nous vous conter une histoire, celle de deux frères prêts à tout pour mettre la main sur un élixir. Mais avant d’entamer le premier chapitre, il est nécessaire de s’arrêter sur l’historique du titre qui nous intéresse aujourd’hui. Brothers: A Tale of Two Sons ne date pas d’hier, puisque sa sortie initiale date de 2013. Fort de son succès, ce dernier a connu tous les portages possibles et imaginables au fil des années, atterrissant même sur mobile. À noter que les versions PS4, Xbox One et Switch profitent d’une édition revue et corrigée avec notamment l’ajout d’un mode coopératif local (à l’intérêt discutable, mais nous y reviendrons plus tard).
Plus d’une décennie plus tard, les jeunes frères retentent une percée dans une version dite remake, l’occasion de (re)vivre cette aventure unique en son genre. Il faut avouer que l’ascension de Josef Fares (dont il s’agit de la première réalisation) à la suite du triomphe d’It Takes Two constitue un tremplin idéal. Plus de dix ans après, le conte mérite-t-il toujours d’être conté ?
(Test de Brothers: A Tale of Two Sons Remake sur Playstation 5 réalisé à partir d’une copie dématérialisée fournie par l’éditeur)
Les Frères Cœur-de-lion n’ont pas pris une ride
Ouvertement inspiré du roman suédois Les Frères Cœur-de-lion signé Bröderna Lejonhjärta, Brothers: A Tale of Two Sons narre les aventures de deux frères en quête d’un remède afin de sauver leur père malade. Bien des obstacles se dresseront entre cette source magique et notre duo armé d’un courage démesuré. Un monde fantastique nous tend alors les bras, dans lequel trolls, géants et autres sorcières se chamaillent, et où la mort n’est jamais loin. Ne vous laissez pas berner par l’âge de nos jeunes héros, le jeu emprunte des thèmes sérieux et noirs, avec au cœur de l’expérience : le deuil.
Disons-le sans détour : ce qui faisait toute la qualité de l’écriture de Brothers: A Tale of Two Sons se retrouve sublimé dans ce remake. De par son gameplay intelligent, sa narration parfaite (on pèse nos mots) et ses graphismes améliorés (un aspect jugé secondaire, mais au cœur de cette version 2024), le jeu évite avec brio tous les affres du temps, une véritable leçon de longévité sans aucun contenu supplémentaire.
Intéressons-nous maintenant à la particularité du remake. Une appellation que nous avons bien du mal à appréhender tant celle-ci est devenue un outil marketing sans valeur. Brothers: A Tale of Two Sons Remake profite effectivement d’une refonte graphique (sous Unreal Engine 5) et reste fidèle à l’original. Il parvient à conserver la direction artistique si chère, tout en proposant un rendu plus détaillé. Le travail du studio italien Avantgarden SRL est à saluer tant l’écart graphique est important (plus de dix ans entre les sorties, quand même). Oui, c’est plus beau mais l’essence du jeu dépasse l’optimisation visuelle.
Deux frères unis pour un gameplay intemporel
N’attendons pas la conclusion : Brothers: A Tale of Two Sons Remake est à faire (surtout au prix de 19,99€) pour les nouveaux comme pour les anciens joueurs. Le titre frise le chef-d’œuvre avec son gameplay des plus intelligents.
Deux frères, deux façons de mouvoir. Le joystick de gauche permet de bouger le petit frère, celui de droite, le grand. Une configuration aux allures anodines, mais qui demande un minimum de gymnastique cérébrale. En cours d’action, il n’est pas rare de confondre la gauche et la droite, et donc de se tromper de protagoniste. Celui qui devait tenir le rebord tombe ainsi dans le vide, nous obligeant à recommencer le passage avec un peu plus de concentration.
Tout le jeu est pensé afin d’exploiter cette fonctionnalité : escalader des parois, sauter, porter des objets et même conduire un deltaplane fait de bois, il conviendra de bien garder cette dualité en tête dans toutes les situations. Nous ne pourrons pas trop détailler au risque de spoiler, mais Brothers: A Tale of Two Sons transcende même son gameplay pour narrer. En d’autres termes, le jeu détourne les mécaniques de contrôle pour dérouler son récit (ceux qui auront déjà fini l’histoire sauront précisément de quoi il est question). Une prouesse que seul le jeu vidéo peut livrer.
Cette dualité au centre du jeu perd tout son sens avec le mode coopératif. Entendons-nous bien, nous sommes les premiers ravis à jouer conjointement (en local comme en ligne, d’ailleurs), mais ici, ce mode détourne complétement l’intention première des développeurs. Le fait de diviser systématiquement son approche du jeu en deux fait partie intégrante de l’expérience. En le retirant, il perd du sens et devient un simple jeu, certes à la narration toujours autant poignante, mais bien moins marquante. Nous ne pouvons que vous conseiller de faire le jeu en solo pour la première fois, et de passer en mode coopératif dans un second temps, surtout qu’il est très (trop) court : comptez environ trois heures.
Certains jeux échappent tout simplement à l’effet du temps. Tels des bijoux immaculés, ils gardent leur éclat d’antan malgré les années défilant. Brothers: A Tale of Two Sons en fait partie. Sa version remake ne fait que souligner cet état de fait. Oui, c’est plus beau à l’écran, mais cette donnée reste superficielle devant sa magnificence.
Ne boudons pas notre plaisir pour autant, ce remake (re)met à disposition une aventure mémorable à toute une communauté de nouveaux joueurs, et on ne peut que s’en réjouir. Le conte vidéoludique mérite amplement d’être vécu. Encore une énième preuve que la durée d’un jeu n’a aucune influence sur sa qualité.