Bramble The Mountain King est un jeu essentiellement narratif réalisé par le petit studio suédois Dimfrost. Inspiré par la tradition suédoise, c’est probablement un jeu qui serait passé sous notre radar s’il n’avait pas eu la bonne idée de figurer au catalogue du Game Pass. Et parce que c’est aussi un peu notre rôle que d’aiguiller les joueurs, et un peu comme pour les contes de tradition orale mis en scène dans le titre, à notre tour de passer le mot : Bramble (« ronce », en français) est un petit bijou de jeu indé.
(Test de Bramble: The Mountain King réalisée sur PC via une copie commerciale du jeu)
Des débuts difficiles
Le Game Pass est décidément l’endroit idéal pour ces jeux un peu courts, qui auraient peut-être eu du mal à trouver leur public dans le cadre d’une distribution classique, noyés dans les milliers de sorties annuelles. Après la bonne surprise The Bookwalker, c’est donc Bramble The Mountain King que le catalogue de jeux de Microsoft nous invite à découvrir. Et allons droit au but, c’est une nouvelle très bonne surprise.
On ne partait pourtant pas gagnant. D’abord parce que, disons-le, le personnage qu’on incarne, en plus de subir une animation pas très convaincante, est moche. C’est un petit garçon, plutôt jeune, à qui l’on a probablement voulu donner des traits de baigneur. Mais c’est raté. La bonne nouvelle, c’est qu’on le verra de dos la plus grande partie du jeu.
Et le héros n’est pas seule chose que le jeu loupe : il s’égare aussi complètement quant à son propre genre. Il s’agit ainsi d’une sorte de cinematic platformer, mais en 3D, et surtout, qui fait régulièrement appel à une voix off. Le jeu brise ainsi deux codes essentiels du genre : la 2D à défilement horizontal, et la narration environnementale muette. Cela dit, on le lui pardonne aisément, d’abord parce que les règles sont faites pour être transgressées, mais aussi et surtout parce que la mise en scène nous offre des tableaux à l’ambiance franchement réussie.
Conte de fées… pour adultes
Un peu comme The Bookwalker, Bramble nous invite à visiter certains ouvrages. Des livres qu’on croisera dans le jeu avant ou après certains niveaux, venant nous annoncer à quoi nous attendre, ou au contraire, nous donner des pistes d’explications sur l’épisode que l’on vient de vivre.
Des livres qui feront tous référence aux mythologies et contes traditionnels nordiques, comme, par conséquent, les différents chapitres du jeu. L’histoire, un peu cliché, est en fait un prétexte à découvrir ces histoires séculaires. On rencontrera ainsi les célèbres gnomes, ces petits bonhommes barbus portant un chapeau rouge et pointu, et connus dans le folklore suédois sous le nom de Nisse ou de Tomte. Autre créature amicale, le Lyktgubben, l’homme à la lanterne. Traditionnellement, c’est un personnage qui guide, grâce à la lueur de sa lanterne, les voyageurs égarés. Ce sera aussi son rôle dans le jeu.
Mais les rencontres que fera Olle, le personnage que nous suivons, ne seront pas toutes heureuses. Certaines sont même terrifiantes. Ainsi, autre créature du folklore, Näcken est un joueur de violon à l’histoire cruelle, qui l’a rendu démoniaque. Cette histoire sera narrée durant l’aventure, et la rencontre avec Näcken sera particulièrement impressionnante (nous ne publions d’ailleurs pas de capture d’écran pour conserver la surprise).
Une autre rencontre marquante est celle avec Skogsrået, une créature de la forêt aussi séduisante que dangereuse. On pense aussi à la douloureuse séquence inspirée du Mylingen… Autant de figures des contes traditionnels suédois.
Des contes qui ont des liens avec nos contes de fées à nous, mais dans leurs versions de tradition orale, celles d’avant Charles Perrault, par exemple, bien plus violentes que les histoires édulcorées que nous connaissons aujourd’hui. Des versions originales où le Petit Chaperon Rouge dévore sa grand-mère (sans le savoir) cuisinée par le Loup, et où la Belle au Bois Dormant est violée dans son sommeil…
Le titre n’est ainsi pas à mettre entre toutes les mains, contrairement à ce qu’on pourrait penser au début. L’ambiance y est parfois lumineuse et champêtre, parfois mélancolique, mais souvent violente, cruelle, voire morbide. Et elle surtout à peu près toujours réussie !
Quand le jeu vidéo renforce les enjeux narratifs
C’est d’ailleurs le véritable attrait du jeu, ces tableaux horribles ou terrifiants, mais toujours magnifiques. Le gameplay, lui, est un peu à la traîne. Des mécaniques de jeux de plateformes et des énigmes un peu basiques qui sont là pour intégrer un peu d’interactivité aux histoires qui se déroulent devant nos yeux.
Cependant, bien qu’au service minimum, ça fonctionne ! Le fait de devoir nous enfuir nous-même, contrôlant notre personnage poursuivi par un danger assez effrayant, et le fait de savoir qu’en cas de fausse manipulation, le jeune Olle peut se faire dévorer, rendent ces histoires d’autant plus prenantes, car la fin n’est pas complètement écrite (même si on sait bien qu’en cas d’échec, il suffira de recommencer pour obtenir une conclusion plus satisfaisante…).
Le jeu vidéo nous permet ici de nous impliquer bien plus dans les histoires que nous le ferions en les écoutant ou en les lisant. On enfonce peut-être (sûrement) une porte ouverte, mais ce bénéfice de l’interactivité apparaît particulièrement dans Bramble.
Les quelques affrontements de boss (car il y en a) sont eux plus réussis, et constituent des défis légèrement plus relevés, bien que ne révolutionnant pas grand-chose du point de vue du gameplay.
Encore une très bonne surprise offerte par le Game Pass, Bramble The Mountain King sera de ces jeux qui nous restent un peu en tête une fois l’aventure achevée (comptez deux à trois heures pour le terminer). Pas pour ses qualités ludiques, bien trop classiques pour être mémorables, mais pour sa maîtrise des ambiances : on passe d’un jeu joyeux et bucolique à une scène tout bonnement terrifiante, dans des environnements baignés de lumière et de mélancolie et des paysages franchement morbides… Sa galerie de créatures issues des contes traditionnels suédois vaut elle aussi la découverte.
Une ambiance suffisamment réussie pour qu’on puisse la comparer à celle rendue dans Hellblade (bien que les jeux n’aient pas grand-chose en commun). On pense aussi beaucoup à un autre titre suédois : Brothers, A Tale of Two Sons, ce qui est un énorme compliment fait au jeu.