En 2019 sortait Blasphemous, jeu de plateforme qui aura su se démarquer par la transposition en 2D et en pixel art façon jeu 16 bits de l’expérience Souls à la FromSoftware. On retrouve la difficulté, bien sûr, que les fans d’Elden Ring et autres Bloodborne préfèrent appeler « exigence », mais aussi un ton marquant, sombre, dérangeant, qui avait permis au jeu de se faire remarquer.
Au printemps de cette année, on découvrait l’arrivée imminente d’un Blasphemous 2, mais qui semblait avoir pris des couleurs, faisant un pas du côté du comic-book, et s’écartant d’autant de l’ambiance ésotérique et malaisante qui lui avait construit son identité. Après quelques heures de souffrances sur ce second épisode, on vous dit ce qu’il en est réellement.
(Test de Blasphemous 2 sur Xbox Series X réalisée via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Chemin de Croix… Rond, Carré et Triangle
Blasphemous, c’est d’abord une esthétique vraiment particulière. Puisant son lore dans les rites catholiques folkloriques de l’Andalousie, et le goût particulier de cette religion pour la souffrance (dont le logo est d’ailleurs un instrument de torture et de mise à mort…), le jeu offre des tableaux empreints de malaise, aussi repoussants pour ce qu’ils représentent qu’attirants par leur réalisation, superbe, en pixel art. C’est ce qui nous avait d’abord bluffés dans le premier jeu, et ce que nous avions, à la vue des premières images, peur de perdre dans ce second épisode.
Hélas, il faut bien le reconnaître : Blasphemous 2 échoue à ressusciter l’ambiance et l’esthétique du premier jeu. L’introduction en anime montre une volonté de mettre plus de moyens, d’en offrir encore plus, et c’est louable. Mais ce faisant, le jeu oublie un peu son identité et cède à des images plus pop, plus colorées, plus efficaces, peut-être, pour les trailers, et qui, du même coup, perdent une grande part de leur mysticisme, et surtout, se révèlent bien moins impressionnantes.
Et ce sera le cas tout au long du jeu. Certains tableaux approcheront de nouveau l’ambiance attirante/repoussante du premier jeu, mais ceux-ci seront rares, et n’auront jamais la maîtrise de l’iconographie (au sens premier) malade de l’épisode original.
Dark, certes. Mais Souls ?
Moins glauque que son prédécesseur, le jeu reste néanmoins à réserver à un public averti. Pour ses ambiances, sa violence graphique, pour ses choix de game design, aussi. On avait pas mal comparé Blasphemous, premier du nom, aux productions FromSoftware, faisant du jeu un pendant 2D néo-rétro des productions de Miyazaki.
Et c’est vrai que son lore crypto-religieux se prête à ce rapprochement avec la dark fantasy des Soulsbornes. De nombreux éléments de gameplay pousseront la comparaison : l’importance de la parade et de l’esquive dans les affrontements, les autels où réapparaître et se soigner, au prix de la réapparition des ennemis, les flacons permettant de se soigner, etc., et la difficulté, pardon, l’exigence générale du jeu, à s’arracher les cheveux, parfois !
C’est l’endroit où le fond et la forme du soft sont le plus unis : la souffrance représentée à l’écran est vécue par le joueur, qui grince des dents en recommençant quinze, vingt, trente fois, certaines séquences. Le Pénitent, c’est le héros du jeu, c’est aussi le joueur, dont le pèlerinage de pixels est loin d’être de tout repos.
Cela dit, l’héritage est plus ancien que le modèle FromSoftware. Blasphemous 2 est avant tout un jeu de plateformes classique reprenant le modèle du Metroidvania. La carte se dévoile et certaines zones deviennent accessibles au fur et à mesure de l’acquisition de nouvelles armes et capacités, comme dans tout bon titre du genre sus-cité. Oui, le jeu est dur, et les combats contre les boss encore plus. Mais avez-vous tenté de relancer un épisode de Mega Man récemment ? Parce que question combat de boss compliqué, à la fin des années 80 et au début des années 90, on savait déjà faire !
Finalement, le jeu tient plus de cette tradition 16 bits, dont les pixels (magnifiques, ça, ça n’a pas bougé) sont les scories. « Après que vous aurez souffert un peu de temps, il vous rétablira lui-même, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables », peut-on lire dans la Bible. C’est plus ou moins la définition du die and retry, un élément de gameplay important de Blasphemous 2, aussi vieux que le jeu vidéo !
« Les suites, c’est toujours moins bien que l’original »
Si l’adage a ses contre-exemples (Terminator 2, Expendables 2, Retour vers le Futur 2, ou, en jeu vidéo, Street Fighter II ou The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom), il faut bien reconnaître que malheureusement ici, il se vérifie. Bien qu’étant un très bon Metroidvania, avec un gameplay solide et une réalisation plus que soignée, Blasphemous 2 ne rend pas le ravissement du premier épisode.
Ce ne sera sûrement pas la faute à ses ennemis, variés tout autant que leurs attaques, ou à cette bonne idée qui consiste à rendre les boss accessibles dans n’importe quel ordre, et même, de rendre possible de les rencontrer, puis de décider d’y revenir plus tard, en espérant gagner en force. Mais simplement, la magie n’opère plus, ou opère moins. Le choc du premier épisode est passé, et la surprise n’est plus possible.
Pour être très clair, Blasphemous 2 est un bon jeu, un Metroidvania très solide, un platformer néo-rétro qui réussit à intégrer des éléments très actuels dans une recette classique maîtrisée, bref, un titre probablement meilleur que ce qui transparaît entre les lignes de cette critique.
Cependant, il échoue à rendre le choc notamment esthétique qur nous avait provoqué le premier épisode. Il se confronte en outre à une période si riche en sorties de toutes sortes, du AAA très attendu à l’indé qu’on n’avait pas vu venir, qu’il peine à réellement retenir l’attention. Sans qu’on ait grand-chose, finalement, à lui reprocher, on a également bien du mal à chaudement le recommander…