Parmi les nombreux genres de jeux vidéo, nous trouvons ce que l’on appelle les jeux contemplatifs. Ces titres ont pour but de nous faire explorer, découvrir certains mystères, le tout sans trop de prise de tête. Car si nous devons parfois résoudre quelques énigmes, ces dernières sont loin d’être aussi tarabiscotées que dans Les Chevaliers de Baphomet ou Syberia par exemple. Le jeu contemplatif par définition limite les actions et interactions du joueur, qui n’a pas grandes possibilités supplémentaires que de marcher, courir et sauter. Les autres fonctionnalités sont par conséquent liées à l’histoire du jeu.
Attention, jeu contemplatif ne signifie pas qu’il n’y a pas d’intrigue, de but à atteindre, sans quoi il serait difficile de les nommer jeux vidéo. De fait, lorsque l’on parle de jeux contemplatifs, on pense à Firewatch, The Last Guardian, Abzù, ou Pokémon Snap/New Pokémon Snap… Ce dernier se rapprochant du tout premier jeu du studio Banana Bird, Beasts of Maravilla Island.
(Test de Beasts of Maravilla Island sur Switch réalisée à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Pour situer de manière brève Beasts of Maravilla Island, il s’agit donc d’un jeu d’exploration, avec quelques énigmes très simples, dans lequel nous incarnons Marina Montez, une jeune photographe animalière. Notre but est d’accomplir la dernière volonté de notre grand-père décédé, à savoir photographier la faune et la flore de l’île de Maravilla pour que le monde entier découvre leur existence. Banana Bird nous invite au voyage tout en modifiant notre rapport au vivant, suivons-les et voyons s’il s’agit plutôt d’une belle exposition ou d’une aberration chromatique.
Une vraie volonté de convaincre…
Lorsque l’on commence l’aventure, la ressemblance avec Pokémon Snap/New Pokémon Snap est plus que frappante, si ce n’est qu’ici, il ne s’agit pas d’un rail shooter. Nous ne pouvons cependant pas réduire le jeu à cela, car il s’inspire d’autres licences, comme Abzù, et force est d’admettre que le studio a su tirer son épingle du jeu, ne serait-ce qu’avec sa direction artistique qui mérite d’être saluée.
L’immersion est totale, nous évoluons dans des biomes riches en faune et flore toutes plus incroyables les unes que les autres ; les couleurs sont éclatantes, et la musique colle parfaitement au cadre. Pour faire simple, Beasts of Maravilla Island nous donne envie de prendre le temps. Prendre le temps d’admirer, d’explorer chaque recoin dans l’espoir d’y trouver une nouvelle espèce animale ou végétale à photographier. Nous prenons même le temps de simplement observer les comportements des animaux imaginés par les développeurs.
Et quelle imagination ! Ce ne sont pas moins d’une cinquantaine d’espèces que nous avons pour objectif de faire connaître afin de les protéger. Notre curiosité a d’ailleurs été suffisamment attisée pour effectuer quelques recherches et il s’avère que le studio n’a pas lésiné sur le travail.
… et un gros travail en amont
Il est indéniable que l’équipe de Banana Bird, composée de jeunes diplômés et d’étudiants, a eu à cœur de proposer quelque chose de beau et de documenté. Et pour cela, elle n’a pas hésité à collaborer avec des experts du Museum d’Histoire Naturelle de Los Angeles pour en savoir plus sur le comportement des animaux et rendre ainsi nos interactions dans le jeu aussi convaincantes que possible.
Lors de nos vagabondages, nous avons le loisir de croiser moult animaux dont les noms et l’allure sont en partie empruntés à des animaux réels, un mélange de deux animaux, ou encore des insectes cristaux, etc. C’est somme toute original ! Ainsi, nous ferons la rencontre de la loutre à écailles de Maravilla (loutre + crocodile), des oisinges autrement nommés Singes Quetzal à crête arc-en-ciel (le Quetzal est un oiseau d’Amérique centrale) et du griffon doré à couronne (inspiré du jaguar et du griffon). Nous sommes assez admiratifs de ce travail de recherche et de création artistique, qui a permis aux développeurs de nous offrir un contenu original et singulier.
Les quelques défauts du titre…
Si l’on devait pointer du doigt les défauts du jeu, nous commencerions par sa durée de vie. Environ quatre heures suffisent à finir le jeu, et en prenant son temps ! Quel dommage pour un jeu qui se veut contemplatif et d’exploration, nous aurions aimé flâner un peu plus longtemps. Mais aussi que l’histoire soit un peu plus développée. Finalement, l’intrigue justifie sa longévité ; un peu simpliste et légèrement dénuée d’émotion à l’instar de Rime par exemple, qui traite d’une si belle manière un sujet parfois délicat : le deuil.
De plus, si les énigmes du jeu permettent de casser un peu cette routine de photographie, elles ne sont pas assez nombreuses. Il aurait été plaisant que ces sympathiques puzzles soient un peu plus de la partie. Rien de trop alarmant au final, d’autant plus que cette expérience vidéoludique s’agrémente de références comme on les aime.
… compensés par de belles références et un beau message
Au cours de notre aventure photographique, nous avons observé quelques références, et pas des moindres, ce qui nous paraît toujours agréable dans une expérience vidéoludique. Vous savez, ce moment où vous vous dites : « Oh ! Ça me dit quelque chose ! ». Eh bien, c’est ce qu’il s’est passé ici.
Le premier exemple que l’on peut vous donner, c’est cet esprit qui semble nous guider tout au long de l’histoire ; il prend la forme d’un cerf aux ramures imposantes et nous apparaît ponctuellement comme pour nous montrer le chemin à suivre. Vous l’avez ? Évidemment, comment ne pas penser au Dieu-Cerf du célèbre animé de Miyazaki, Princesse Mononoké, qui n’est autre que le protecteur de la forêt et le dieu de la vie et de la mort. Incarnerait-il ici l’esprit du grand-père de Marina ?
Aïeul qui d’ailleurs se prénommait Vasco, et était explorateur. Là aussi, on pense assurément à Vasco de Gama, célèbre navigateur et explorateur portugais du XVIe siècle, celui-là même considéré comme le premier Européen à rejoindre les Indes par voie maritime.
Le grand’pa de notre photographe, lui, a découvert l’île fabuleuse de Maravilla sur laquelle il nous faut parfois trouver des astuces pour progresser dans cette nature sauvage. Par exemple, dans le premier biome à explorer (il y en a trois au total), une énigme résolue nous permet de faire sortir une sorte d’énorme racine de terre pour monter dans les arbres ; Jack aurait-il semé quelques haricots magiques ici et là ?
Si les développeurs du jeu ont su intégrer des allusions qui dynamisent la partie, ils ont également réussi à nous faire passer un beau message écologique et à nous pousser au questionnement quant à notre rapport au vivant, à la Nature. Ici, il est question de contemplation. Nous sommes là, avec notre appareil photo, et nous admirons. Pour une fois, exceptionnellement, votre rédactrice va parler en son nom sur quelques lignes.
Beasts of Maravilla Island a fait écho en moi sur ce point. Passionnée par les animaux, par la nature dans son ensemble, je m’adonne aussi à la photographie animalière en tant qu’amatrice. Et voici ce que j’ai appris : il faut savoir observer, écouter et respecter ; prendre le temps pour réellement connaître. Et je me suis rendu compte à quel point nous sommes déconnectés de cette nature.
L’équipe de Banana Bird est parvenue à proposer un jeu dans lequel des opportunités d’interactions uniques et non violentes avec des créatures merveilleuses s’offrent à nous. Cela donne à réfléchir sur la manière dont nous traitons la nature. Évidemment, le message écologique est là et s’amplifie au fur et à mesure que nous progressons dans l’intrigue. Sans vous en dire plus, on se rend compte que certains agissements peuvent avoir des conséquences dramatiques dont les premières victimes sont bien sûr les animaux et les plantes.
La direction artistique de Beasts of Maravilla Island nous a convaincus, c’est un régal visuel. On sent une volonté du studio de casser cette routine qui plombe parfois ce type de jeu, et même si nous aurions préféré une expérience un peu plus longue et un background mieux exploité, nous ne pouvons qu’apprécier le contenu et l’engagement dont il fait preuve.