Née au Japon en 1997, la saga Atelier a depuis su se créer une bonne réputation au pays du Soleil-Levant. Forte de plus d’une vingtaine de titres en vingt-cinq ans, l’œuvre du studio Gust commence petit à petit à s’exporter, espérant convaincre un nouveau public. Après Atelier Ryza 3, sorti en mars dernier, c’est au tour d’Atelier Marie Remake: The Alchemist of Salburg de franchir les frontières européennes cette année.
Comme son nom l’indique, il s’agit du remake du tout premier épisode de la saga, et premier épisode de la trilogie de Salburg. Dans un monde médiéval dominé par l’alchimie et la magie, thèmes récurrents à la saga, l’adolescente Marie se voit confier une tâche bien particulière, qui va l’amener à vivre la plus belle aventure de sa jeune vie.
Atelier Marie Remake arrive-t-il à sublimer le produit original et se moderniser pour s’adapter à un nouveau public et continuer l’expansion de la franchise ? Pour sa première sur le vieux continent, le jeu est disponible sur PS4, PS5, Switch et PC. Il n’est proposé qu’en anglais, et si les dialogues ne sont pas franchement compliqués, nous conseillons le jeu aux personnes maîtrisant un minimum la langue de Shakespeare.
(Test d’Atelier Marie Remake – The Alchemist of Salburg réalisée sur Switch à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Il était une fois Marie
Extrait du journal intime de Marie. 1er septembre, année 1.
Je m’appelle Marlone, mais tout le monde m’appelle Marie. J’habite la petite ville de Salburg, et je suis une apprentie alchimiste. Bon, je ne vais pas trop m’épancher là-dessus, mais mes études n’ont pas été une grande réussite jusqu’à présent… je suis même la plus mauvaise élève de l’histoire de l’académie d’alchimie de Salburg. Mais grâce à cela, il y a de fortes chances pour que je passe les cinq années les plus excitantes de ma jeune vie.
Ma professeure Ingrid ne sait plus trop quoi faire de moi. Elle vient de me lancer un ultimatum. À partir d’aujourd’hui, en plus des cours, je disposerai de mon propre atelier à domicile pour travailler mon alchimie. J’ai cinq ans pour fabriquer un objet légendaire bien connu des alchimistes, mettant en valeur mes progrès. Pas un jour de plus, sinon je pourrai dire adieu à mes rêves de diplôme.
Vous l’aurez compris, dans Atelier Marie, le scénario de départ est tout ce qu’il y a de plus simpliste. Mais au milieu des nombreux jeux aux thèmes forts et aux multiples rebondissements, c’est finalement plutôt reposant. Ici, pas question de sauver le monde, simplement de faire progresser une jeune fille dans la quête de sa vie. Même si quelques combats et événements tentent par-ci par-là d’ajouter une part de dramaturgie à l’aventure de Marie, ne vous préparez pas à vivre l’aventure la plus trépidante de votre histoire vidéoludique. Le plaisir, c’est ailleurs que nous l’avons trouvé durant la dizaine d’heures de jeu nécessaires pour vivre les cinq années de la vie de l’étudiante.
Dès les premières secondes, la beauté du jeu saute aux yeux. Attention, ce n’est pas une claque graphique, mais la modélisation des personnages et des décors durant les phases de vie à Salburg est d’une mignonnerie sans nom et on se prend très vite à s’attacher à ce personnage pourtant présenté comme un échec ambulant. En comparaison avec le jeu original de 1997, disponible également sur la cartouche, ce qui est un très joli geste, il n’y a pas photo.
Le temps, c’est de l’argent
Extrait du journal intime de Marie. 4 janvier, année 1.
Dans ma recherche de l’objet légendaire, je n’ai pas le choix, je dois progresser pas à pas. Il va me falloir créer des dizaines d’objets avant d’approcher le Graal. Les cinq années vont passer très vite, cela fait déjà quelques mois que je fais des expérimentations quotidiennement dans le grand chaudron de la maison. Aujourd’hui, j’ai réussi à créer un antidote pour la première fois. C’est un objet de niveau deux. J’ai dû mélanger de la fleur de vénovine et de l’eau d’Altena. Après de nombreux échecs au départ, j’entrevois enfin des progrès, mais j’ai encore tellement de choses à apprendre.
J’ai fait le tour de la ville de Salburg à la recherche d’ingrédients de plus en plus rares. J’en ai trouvé certains, notamment à la boutique de l’académie, mais aujourd’hui, je dois me rendre à l’évidence, il va falloir quitter mon cocon pour partir moi-même à la recherche de nouveaux ingrédients que je pourrai synthétiser ou vendre. D’autant plus que le tavernier me propose régulièrement un pont d’or contre certaines de mes créations. Armée de mon bâton et de mes petits dons de magicienne, je prends la direction de la forêt de Médéa.
C’est dans la bourgade médiévale de Salburg que Marie va devoir faire ses armes. Sortie de sa chaumière, direction la place de la fontaine, centre névralgique d’une ville qui va rapidement s’avérer très limitée en termes d’activités. En quelques minutes à peine, vous aurez visité la majorité des lieux : l’armurerie, l’académie, la taverne, le château, et quelques autres qui ne dévoileront leurs secrets qu’un peu plus tard dans le jeu. Salburg n’est pas grande, mais Salburg est vivante. Le jeu fait le choix de miser sur l’aventure humaine de Marie, et c’est cette relation aux autres habitants qui nous a plu. Marie est une jeune fille, et sa fragilité, ses doutes sont parfaitement retranscrits au travers de nombreux dialogues avec les proches de l’alchimiste en herbe. De Schea, la meilleure amie, à Kreis, l’étudiant arrogant, la galerie de portraits est réussie, bien que caricaturale.
Pour progresser dans sa quête, elle va devoir synthétiser des dizaines d’objets différents dans son chaudron. De l’eau distillée à l’élixir de vie, ce seront quasiment une cinquantaine d’objets que pourra créer votre personnage, à condition d’avoir les bons ingrédients. Les missions proposées par le tavernier seront le centre de l’aventure. Ce sont elles qui vous amèneront à vous dépasser, à fabriquer des objets de plus en plus complexes, qui, une fois revendus, vous permettront de gagner de l’argent, de la connaissance et de la réputation.
Atelier Marie est une boucle temporelle dans laquelle le temps, c’est de l’argent. Marie n’a que cinq ans pour réaliser son rêve, et chaque expérience tentée, chaque sortie de la ville utilisera une partie du temps alloué. À titre d’exemple, créer de la cire ne demandera qu’un jours ou deux, alors que créer un élixir demandera une dizaine de jours. Pas le temps de flâner, sous peine de prendre du retard. Rassurez-vous tout de même, le jeu ne propose pas un challenge démesuré, et avec un tant soit peu d’organisation (et l’aide de quelques lutins), votre Marie devrait pouvoir mener à bien sa mission.
C’est pas beau de crafter
Extrait du journal intime de Marie. 17 août, année 1.
La semaine prochaine aura lieu le marché annuel de Salburg. J’aurai sans doute l’occasion de trouver des ingrédients rares ou d’y faire des rencontres. Après avoir passé les dernières semaines loin de la ville, cela fait du bien d’être de retour et de retrouver mes amis. Je suis rentrée hier du Lac Hebel. Je n’aime pas trop ce lieu, et encore moins les monstres qui le peuplent. Mais c’était un passage obligé pour recueillir de l’eau du lac, obligatoire dans la création de nombreux objets.
Dans sa quête, Marie devra visiter plusieurs lieux extérieurs à Salburg. Forêts, lacs, grottes ou encore châteaux se dresseront sur le chemin de l’alchimiste. Là encore, réalisme oblige, chaque déplacement vous fera dépenser un temps précieux, et il ne faudra pas traîner lors de vos pérégrinations. Salburg et ses environs évoluent en fonction des saisons. Visuellement, c’est très réussi. Les couleurs de chaque saison sont sublimes, avec une mention spéciale pour l’hiver, et permettent une meilleure immersion dans le temps court d’Atelier Marie.
Chaque visite d’un lieu permet de recueillir plusieurs ingrédients nécessaires aux préparations (toujours en échange de temps), mais apporte aussi son lot d’action avec quelques affrontements contre les créatures locales. Heureusement pour Marie, mais malheureusement pour le joueur, à l’exception de quelques rares boss, la majorité des combats ne seront qu’une simple formalité. Nécessaires au début de l’aventure, ils deviennent ensuite plus dispensables à mesure que Marie évolue.
Le challenge et le bestiaire proposé n’étant pas assez varié et difficile, nous avons pris peu de plaisir au point de préférer éviter les combats sur la fin de l’aventure pour privilégier uniquement le craft, vrai nerf de la guerre de l’aventure. C’est dommage, car les animations d’attaques sont plutôt agréables à l’œil, mais le jeu aurait mérité un meilleur équilibre entre moments de combats et moments d’alchimie.
Du zéro au héros
Extrait du journal intime de Marie. 8 octobre, année 3.
Hier, une personne très proche de moi est tombée malade. Je dois partir à la recherche des ingrédients nécessaires à la création d’un élixir. Ce sera très difficile, mais c’est mon devoir d’alchimiste. Suis-je assez forte pour partir si loin ? Et avec qui vais-je partir ? Ce soldat de l’armée qui me fait un peu peur ? Ou cet ancien bandit sur le chemin de la rédemption ? Je vais aller leur parler pour voir s’ils accepteraient de m’accompagner.
Derrière son gameplay basé sur la gestion du temps et le craft, Atelier Marie conserve toutefois quelques éléments de RPG. En améliorant son alchimie, Marie deviendra plus puissante, gagnant des niveaux, mais également plus riche. Avec cet argent, l’alchimiste pourra ensuite s’acheter un équipement plus adapté aux combats et recruter des mercenaires qui formeront son équipe de combat.
À l’image de certains J-RPG bien connus, c’est en équipe de trois personnages maximum, dans des combats au tour par tour, que Marie et ses amis devront en découdre. S’il est possible de gérer l’équipement et l’inventaire de vos acolytes, qu’ils soient magiciens ou guerriers, les possibilités sont malheureusement bien trop légères. Seules quelques armes et armures sont disponibles et en fin de jeu, la puissance de Marie est telle que les compagnons n’auront que peu d’importance, si ce n’est d’apprendre à les connaître.
C’est de retour à Salburg que les relations entre personnages prendront tout leur sens. En tissant des amitiés, vous en apprendrez plus sur les autres et sur vous-même, jusqu’à déclencher des événements spéciaux qui vous feront sortir de la routine. Si le développement de vos relations n’est pas une condition de victoire, elles vous permettront d’assister à des moments de vie, à des confessions et à quelques minis-jeux simplistes, mais rigolos. Chaque PNJ dispose d’une petite quête que Marie peut débloquer en allant à leur rencontre et en les engageant dans ses excursions en dehors de la ville.
En cinq petites années, difficile de devenir ami avec tous les personnages proposés. À vous de faire vos choix. Certains PNJ vous feront part de rumeurs courant en ville, et certains événements spéciaux vous obligeront à garder un œil sur le calendrier. Les soldes de l’académie n’ont lieu que deux jours par an, tout comme le marché de la ville. Oui, c’est peu, et il faudra vous débrouiller pour que Marie soit bien en ville à ce moment-là si vous voulez profiter des bonnes affaires.
Atelier Marie Remake restera une très bonne expérience. Derrière un gameplay ultra-répétitif, assumé et représentatif de la saga, se cache un jeu mignon tout plein, dont la durée de vie est parfaitement calibrée pour éviter l’ennui. Quelques heures de plus et cela aurait pu être le drame…
Derrière l’histoire de Marie, c’est l’histoire de n’importe quelle personne en quête d’identité qui est racontée avec brio, avec ses moments de joie et ses moments de doutes. On regrettera tout de même un aspect RPG pas assez développé et un challenge au final un peu trop simple, qui nous auront laissés sur notre faim.
Mais le principal est finalement ailleurs. Atelier Marie Remake réussit son pari, celui de rendre moderne un jeu âgé de plus de vingt-cinq ans, en proposant un remake visuellement aux petits oignons, sans dénaturer le produit original. Un jeu qui a tous les atouts pour convaincre le public européen ?