Artis Impact se vend comme un J-RPG inspiré à la fois par la grandeur d’un Terranigma et par la douceur d’un Harvest Moon. Des ambitions nobles, presque démesurées pour un projet porté sur quatre ans par un seul développeur, Mas, tout venu de Malaisie. Mais derrière ces promesses, le jeu préfère souvent se perdre dans ses marges : animations de toute beauté, interactions foisonnantes avec l’environnement, micro-scènes absurdes… Tout ce qui fait que son monde post-apocalyptique, malgré son vide relatif, garde une forme de chaleur. On y avance moins pour progresser que pour observer, tester, et voir ce qui se passe quand on pousse les limites du décor.
(Test de Artis Impact réalisé sur PC via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Une tranche de vie déguisée
On y incarne Akane, héroïne expressive aux réactions imprévisibles, accompagnée de Bot, un robot ingénu qui ne manque jamais une occasion de commenter la situation. Ensemble, ils traversent un monde post-apo aux tons pastels, oscillant entre exploration cosy, combat au tour par tour et moments du quotidien. Et s’il y a bien une chose que l’on comprend rapidement, c’est que le jeu, lui, adore nous tendre un sourire complice en nous susurrant : « Allez, fais n’importe quoi, je te couvre. »
Ce qui frappe dès les premières heures, c’est la densité de micro-interactions et de moments optionnels qui donnent vie au décor, appelés « special event ». On tombe sur un bouton qui ne sert à rien… sauf si on le spamme jusqu’à ce qu’il se passe quelque chose. Vous voyez une porte fermée ? Tapez dessus dix fois d’affilée. Déclencher l’alarme incendie du commissariat sans aucune raison ? Essayez. Vous trouvez un objet inutile ? Achetez-le et observez la réaction du jeu. Ces événements surgissent au gré du cycle jour/nuit et peuvent être tout aussi bien touchants qu’absurdes ou grotesques.
Artis Impact façonne ainsi un tissu de petites histoires qui rend son univers et ses habitants presque palpables. On peut améliorer sa maison, s’enrichir avec divers emplois, ou simplement se poser dans un coin tranquille pour regarder passer le temps. Et c’est là que le joueur se rend compte qu’il est face à un slice of life. La curiosité est toujours récompensée, non pas par du stuff craqué ou de l’expérience, mais par la satisfaction de se sentir partie intégrante de ce monde. C’est embêtant que le jeu se vende comme un J-RPG : même si cet aspect ne nuit pas à l’expérience, il reste anecdotique, et rebutera une partie du public venu pour taper du mob et sauver le monde d’un dieu malveillant.
L’art de rendre chaque geste chaleureux
Akane est un personnage qu’on apprend à aimer autant pour ses qualités que pour ses bizarreries. Ses animations, incroyablement précises, fluides, et pensées avec un raffinement rare, la montrent se baisser en pliant les genoux pour interagir avec un objet, se pencher vers un personnage ou dormir dans des positions étrangement familières. De même que l’un de ses langage d’amour est le contact physique, ce qui met en exergue la chaleur irradiante de l’héroïne.
Bot, lui, est l’ingénu du duo, toujours prompt à poser des questions naïves ou à lancer une réplique pince-sans-rire. Leurs échanges donnent de la consistance à leur relation et servent de fil rouge émotionnel tout au long de l’aventure.
Dès les premières minutes, Artis Impact affirme son identité visuelle grâce à des dessins qui ponctuent régulièrement l’aventure. Magnifiques et entièrement réalisés à la main, ils constituent une part essentielle de l’expérience. Au premier regard, on ne peut s’empêcher de penser au character design de Nier Automata : silhouette élancée d’Akane, tout de noir vêtue, compagnon robot dans son sillage… Mais la comparaison s’arrête là. Ici, pas de longs dialogues aux sens multiples ni de robots nommés Marx ou Hegel.
La mise en scène surprend par sa générosité et son souci du détail. Au-delà des dessins évoqués et d’un pixel art relativement classique, le jeu enrichit en permanence chaque geste d’Akane par des inserts visuels, sans jamais les surcharger. Certains décors intègrent même de vraies photos, créant un contraste inattendu mais séduisant, qui renforce encore l’originalité et la vitalité de l’univers.
Un J-RPG en façade
Sur le papier, Artis Impact propose un système de progression et de combat au tour par tour classique inspiré du J-RPG. On ne va pas se mentir : les combats sont faciles, beaucoup trop faciles. Dès les premières heures, on peut littéralement one-shot la majorité des ennemis, boss compris, avec la toute première compétence obtenue.
Les équipements sont anecdotiques, les passifs presque inutiles tant on est déjà surpuissant. On avance sans réfléchir, enchaînant victoires et montée de niveau sans le moindre défi. Pour beaucoup, ce sera un défaut rédhibitoire. Nous avons réussi à passer aisément au-dessus, car encore une fois, le rythme est fluide, et l’intérêt du jeu n’est pas là, même si cela reste clairement un échec.
Et le souci ne se limite pas au gameplay. Là où l’on pouvait espérer que la narration prenne le relais, elle peine à trouver une ligne directrice. Akane se rend de lieu en lieu pour accomplir des tâches sans qu’une intrigue globale ne s’impose vraiment.
Ce chaos narratif, qui pourrait être perçu comme un défaut pur et simple, participe aussi au charme étrange du jeu. Les situations absurdes cohabitent avec des moments plus tendres, où Akane serre un ami dans ses bras ou partage une conversation anodine avec son robot-compagnon. C’est moins une histoire qu’un patchwork de scènes et de micro-aventures.
Artis Impact n’est pas un RPG façonné pour le challenge ou la narration tendue. C’est un jeu à habiter plus qu’à conquérir, un monde dans lequel chaque geste, chaque dialogue inutile, chaque photo insérée dans un décor raconte quelque chose de sincère.
Mas a réussi à créer un univers où l’on prend plaisir à ralentir, à regarder autour de soi, à se laisser surprendre par des événements absurdes ou tendres. Mais entre un gameplay qui s’effondre trop vite et un récit qui ne sait pas toujours où il va, il faut accepter de venir pour un slice of life et pour cette chaleur particulière qu’on ne retrouve que relativement rarement ailleurs.
Ce n’est pas un jeu qui marquera votre esprit grâce à une aventure épique, des personnages mémorables ou une écriture subtile, mais peut-être vous réchauffera-t-il le cœur pendant une grosse dizaine d’heures.