Balancer la collaboration de deux contributeurs à des jeux légendaires sur le papier, ça fait toujours bien. En l’occurrence, messieurs Kato et Mitsuda, ayant tous deux oeuvré sur des séries comme les Chrono (Trigger et Cross) et les Xeno, ne sont pas des petites frappes à prendre comme des débutants, et le fait est qu’ils se retrouvent tous deux parmi l’équipe à la conception de Another Eden (faites un saut sur le site officiel), un RPG fraîchement paru. Bon signe, ça, non ?
Ensuite, on s’aperçoit que le jeu est destiné aux appareils mobiles, à savoir Android et iOS (pour l’instant ; une version Switch est prévue). Dès lors, le gamer méprisant s’avérera réticent, parce que hein, bon, le gaming mobile, c’est Candy Crush et Doodle Jump. Non ? En plus, le jeu est un free-to-play, ce qui implique généralement de ne pas pouvoir jouer pendant des heures à moins de disposer, soit d’une grande patience, soit d’un portefeuille bien garni. Du coup, est-ce que Another Eden ne sent pas le jeu générique pourri par les défauts d’un système très courant sur smartphone et tablettes en dépit des grands noms ayant cravaché à sa réalisation ? Voyons un peu cela…
Once upon a time…
Au début, il y avait deux enfants perdus. Un petit garçon, ainsi que sa jeune sœur encore dans un panier pour bébé, abandonnés au beau milieu de la forêt. Mais grâce à l’amour du maire âgé d’un petit village voisin, les deux enfants, Aldo et sa petites sœur Feinne, trouvés par ledit vénérable monsieur, grandissent dans le bonheur de l’innocence et on les retrouve, au début du jeu, 16 ans plus tard. Aldo débute alors sa carrière de patrouilleur protecteur du village, fort de ses compétences au maniement de l’épée.
Ce qui arrive toujours dans ces moments de calme et de paix se reproduit ici : un gros vilain-pas-beau s’empare de la jeune soeur de notre héros afin d’utiliser ses capacités magiques uniques, dont elle n’a pas vraiment elle-même conscience, à des desseins funestes pour l’humanité toute entière. Nul besoin d’avoir fait des études scénaristiques pour le deviner : Aldo se lance dans une quête parsemée de dangers pour récupérer sa sœur, et c’est le point de départ réel de notre aventure.
Vous le voyez, Another Eden ne joue pas la carte de l’originalité, jusqu’à présent, mais là où on s’immerge immédiatement dans l’esprit Chrono Trigger émanant de son concepteur, c’est que, suite à cet échec de notre héros pour sauver sa soeur au moment de son kidnapping, on le retrouve plongé dans une brusque distorsion temporelle, qui le propulse 800 ans dans le futur, avec tout ce que cela implique comme évolutions robotiques et civilisationnelles, et autres liens machines/humains, passé/présent…
Nous n’en dirons guère plus car on ne s’est étendu que déjà trop sur l’aspect scénaristique, mais sachez que les voyages dans le temps et l’espace seront au coeur de Another Eden (et un chat, aussi ; tout ceci vous explique le titre complet du jeu, voir image en fin d’intro) ; parlons plutôt à présent de choses plus techniques, telles que le gameplay ou la réalisation, mais aussi la vision du free-to-play des auteurs.
Ha c’est joli, y’a même une grenouille comme dans Chrono Trigger !
Sans être à tomber par terre, le rendu visuel de Another Eden a de quoi flatter la rétine du joueur de petit écran. On y trouve des graphismes parfaitement satisfaisants, bien que rappelant, niveau personnages, l’apparence des remakes des grands jeux Square Enix, qui peut ne pas plaire à tout le monde, hésitant entre le manga réaliste et le chibi. Sur ce point, à chacun de voir midi à sa porte, mais le rendu global, y compris au niveau des décors, ainsi que des menus, et que des combats, est de belle qualité. Et les musiques parfaitement accordées aux différentes séquences ne viennent pas ternir le tableau.
Le jeu ne ressemble pas visuellement à Chrono, mais on en sent l’esprit, notamment du fait que le compositeur musical est le même, ainsi que le scénariste et son amour pour les voyages dans le temps déjà présent sur ladite oeuvre. On retrouvera même un chevalier batracien qui nous replongera immédiatement dans Chrono Trigger. Petite référence clin d’oeil du scénariste-concepteur à l’une de ses réalisations les plus célèbres et les plus acclamées (et c’est mérité).
Mais du coup, niveau gameplay, c’est comment ?
Le gameplay de Another Eden est l’un des plus efficaces que nous ayons pu tester sur écran tactile en termes de J-RPG. En vadrouille, on ne voit pas à l’écran les ennemis avant le lancement de la joute (comme souvent dans les RPG à l’ancienne), et on a affaire à de la simplicité pure, pour peu qu’on ait connu la grande époque des Chrono Trigger et autres Final Fantasy du moment. Du tour par tour, où l’on choisit son action (attaque, soins, magie…) pour chaque perso de l’équipe avant d’en observer le résultat (bien sûr les ennemis font de même). Un système classique, mais qui a fait ses preuves maintes fois et qui fonctionne encore très bien ici, si tant est que l’on apprécie le genre.
Les déplacements sont eux aussi un délice, avec une sorte de stick virtuel pour bouger, et un combo de « swipes » et de « taps » parfaitement réglé pour interagir avec un objet ou un PNJ, ou changer de lieu sur la carte. Car oui, vous bénéficiez d’une mini-map très claire, qui vous indique les points d’intérêt ainsi que les différents magasins et objectifs de mission. Tout roule de manière parfaitement fluide et compréhensible, un régal même sur écrans restreints (d’ailleurs attention, le jeu est assez massif et demandeur, donc n’essayez pas d’y jouer sur un appareil trop ancien).
Gacha catch them all
Outre votre petite équipe de base, vous pourrez emmagasiner tout une armada de combattants divers et variés aux compétences spécifiques, à vous ensuite de penser au mieux votre équipe composée de 4 meneurs et 2 adjuvants en soutien. Vous ne rencontrerez pas tout ce petit monde au fil de votre scénario, il s’agira plutôt d’invocations au petit bonheur la chance, ce fameux système appelé gacha, du nom de ces machines à sous qui vous donnent un jouet au hasard contenu dans une capsule après avoir inséré votre pièce et tourné la molette.
De fait, vu qu’en ce bas-monde, seule la violence est gratuite, il fallait bien que les développeurs puissent proposer au joueur de mettre la main à la poche afin d’améliorer s’ils le souhaitent leur expérience de jeu. Donc si vous voulez augmenter vos chances de piocher un meilleur perso en cadeau, vous le pouvez ; sinon, vous pouvez également fort bien parcourir l’entièreté du jeu dans dépenser un kopec. On soulignera d’ailleurs que Another Eden constitue l’un des free-to-play les moins intrusifs et incitatifs qu’il nous ait été donné de faire sur mobile. Ici, pas de barre d’énergie à recharger pour pouvoir continuer à jouer sans poireauter des heures, ni de quêtes journalières et autres petites piques agressives que l’on trouve dans d’autres jeux du genre. On a affaire à un beau JRPG classique qui se parcourt sans tous les éléments free-to-play qui pourraient venir gâcher l’expérience, très axé sur son scénario et sa narration plutôt que sur d’éventuels défis et autres options multi. C’est assez rare pour être signalé, à chacun maintenant que vous êtes au courant de voir midi à sa porte.
Et puis, pour en finir avec ce jeu qui constitue vraiment une bonne surprise sur bien des points, sachez qu’il vous offrira des heures et des heures d’aventure avant d’en voir la fin, et que même alors, il vous fera don de petits supplément post-fin, tel un nouveau donjon ou une partie de pêche. De petites attentions qui vont bien, et dont le nombre s’ajoutera régulièrement au fil du temps. Point positif auquel on pouvait aussi souhaiter avoir une réponse : oui, le jeu dispose bien d’une localisation française, heureusement car les textes sont nombreux ; et en plus elle est de bonne qualité. La petite cerise sur le foie gras. Alors, conquis ?
Une véritable petite pépite surprise que ce Another Eden. Des RPG free-to-play, il y en a par camions sur appareils mobiles, alors celui-ci, pourquoi se démarquerait-il de la masse ? Il a tout d’abord la présence à son développement de plusieurs figures de proue du genre, mais cela ne suffit pas toujours à assurer le succès.
Il a ensuite pour lui son aspect free-to-play beaucoup plus discret que chez la concurrence, une aventure longue, passionnante et généreuse, emballée dans un écrin narrationnel de qualité, lequel est servi par une localisation française efficace.
Véritable hommage déguisé à son pseudo-ancêtre Chrono Trigger et aux autres monstres du genre que l’on pouvait trouver à l’époque, doté d’un gameplay simple et efficace à l’ancienne, Another Eden saura vous captiver si vous êtes amateur du genre ; si ce n’est pas le cas ou que les JRPG sur mobile vous ont souvent rebuté, on vous conseille de laisser une chance à celui-là.